«Puissions-nous vivre longtemps»

Imbolo Mbue, engagée contre les abus des compagnies pétrolières

Une passionaria engagée en faveur de l’environnement et pour la défense de son village d’Afrique de l’Ouest. Une compagnie pétrolière qui laisse mourir les enfants sans ciller... Avec Puissions-nous vivre longtemps (Belfond), second roman d'Imbolo Mbue, auteure de Voici venir les rêveurs, le rêve devient arme. Mais la littérature engagée est-elle toujours la meilleure ?

Portrait de Imbolo Mbue © Kiriko Sano Portrait de Imbolo Mbue © Kiriko Sano

On ne fait pas de bons romans avec de bons sentiments. L’adage vaut en particulier pour la défense de l’environnement, qui ne fait guère bon ménage avec la littérature. Le dernier roman de Pierre Ducrozet (Le grand vertige), qui se perd dans les méandres du combat de salon, de la jungle et de la junte birmane, en faisait la preuve éclatante. Le second roman d’Imobolo Mbue n’échappe pas à la règle.

La lutte héroïque contre une compagnie pétrolière en Afrique de l'Ouest

Certes, Puissions-nous vivre longtemps séduit par la tragédie des populations victimes de l’extraction pétrolière dans un pays d’Afrique de l’Est indéterminé. Face à cette indifférence et à la cruauté de la major pétrolière, l’engagement, la fougue et la force de l’héroïne qui lutte pour la santé des siens et la culture de son village – c’est bien la moindre des choses que de pouvoir les préserver serait-on tenté de dire – est séduisante.

Un lyrisme qui emporte

Il y a dans ce lyrisme une passion qui embarque le lecteur. Mais le récit, sous-tendu, par cette lutte est cousu de fil blanc. Tout est légitime dans cette révolte qui soude une communauté. Dans la violence, parfois, qui apparaît, comme le dernier recours. Et Gandhi n’est pas toujours très loin pour aider les habitants de ce village attachant à échapper au pire.

L’auteure alterne les points de vue, féminins, des enfants du village, et ménager ainsi une forme de rythme et de variations. Mais il y a un sentiment d’insistance dans la litanie de cette répétition de mal et du désastre. Tragique aussi. « Le passé gagne toujours car ce qu’il avance est vrai – ce qui est arrivé vit en moi et m’enveloppe, toujours présent. Je ne peux me fier à l’avenir et à ses incertitudes ».

Un récit, reflet de la captation des matières premières en Afrique

Car ce roman (vrai ?) n’est que le triste reflet de la réalité d’une Françafrique – d’une Américafrique ou d’une Sinafrique – qui perdure, comme la guerre, par d’autres moyens qui relève de l’économie et du « nécessaire » approvisionnement en matières premières.

On ne peut s’empêcher de penser à la théorie, très étayée, de l’économiste Philippe Chalmain sur la « malédiction des matières premières ». Reste l’espoir. « Notre peuple se mourait d’un manque de connaissances, disaient-ils, et si un de nos enfants partait en Amérique et en revenait armé de connaissances, alors un jour, plus aucun gouvernement ni aucune entreprise ne pourrait nous infliger ce qui nous avait été infligé ». Et une fable efficace à travers l’épaisseur de ses effets.

>Puissions-nous vivre longtemps, d’Imbolo Mbue. Traduction Catherine Gibert. Belfond, 430 pages, 23 euros.

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