« Le goût des cathédrales »

Interview de Brigit Bontour : « Les cathédrales participent aux repères culturels de notre pays »

La cathédrale Notre-Dame de Paris va rouvrir ses portes après cinq ans d'un chantier extraordinaire. Son incendie a ému le monde entier, sa reconstruction, mobilisé des donateurs de tous horizons. De plus, les dirigeants de nombreux pays sont attendus lors de la cérémonie d'inauguration. Comment expliquer un tel engouement ? De quoi une cathédrale est-elle le nom ? Lieu de culte ? De culture ? De patrimoine ? Brigit Bontour qui vient de publier « Le goût des cathédrales » (Mercure de France) répond à nos questions.

A gauche portrait de Brigit Bontour (collection personnelle de l'auteure). Au centre, la couverture du livre. A droite, une vue de la nef  de Notre Dame de Paris après restauration. A gauche portrait de Brigit Bontour (collection personnelle de l'auteure). Au centre, la couverture du livre. A droite, une vue de la nef de Notre Dame de Paris après restauration.

La cathédrale Notre-Dame de Paris va rouvrir ses portes après cinq ans d'un chantier extraordinaire. Son incendie a ému le monde entier, sa reconstruction, mobilisé des donateurs de tous horizons. Des dirigeants de nombreux pays sont attendus lors de la cérémonie d'inauguration. De quoi une cathédrale est-elle le nom ? Lieu de culte ? De culture ? De patrimoine ? Brigit Bontour  vient de publier « Le goût des cathédrales » (Mercure de France), un livre qui recense la manière dont de nombreux écrivains se sont emparés de ce sujet. Sujet ou objet littéraire ? L'auteure répond à nos questions.
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Viabooks : Vous venez de publier «Le goût des cathédrales »  : la réouverture de Notre-Dame de Paris doit vous réjouir. En quoi Notre- Dame est-elle l'une des plus emblématiques ?

-Brigit Bontour : Elle est la plus emblématique pour les habitants de la région parisienne, mais posez la question à un rémois, un amienois ou un strasbourgeois, je pense qu’ils préfèrent de loin la cathédrale de leur ville, qui est tout aussi sublime que Notre-Dame…
Après, bien sûr Notre-Dame est la cathédrale de la capitale du pays qui est la « Fille aînée de l'Église » depuis le baptême de Clovis…qui a été baptisé à Reims. C’est peut-être ce statut de cathédrale de la Ville-lumière qui la rend aussi importante. De nombreux rois comme Henri IV et la reine Margot s’y sont mariés, d’autres y sont enterrés. Napoléon s’y fait couronner, Saint-Louis y dépose la couronne d’épines en attendant la construction de la Sainte-Chapelle. De Gaulle assiste au Te Deum de la victoire en 1945. Les présidents de la république de la Vème république y ont eu leur messe d’obsèques. Même Mitterrand qui avait écrit plus sibyllin que jamais : « une messe est possible » dans ses dernières volontés.
Donc Notre-Dame fait plus que tout autre édifice religieux partie de l’histoire de France, ce qui la rend emblématique. De plus, l’incendie d’avril 2019 a renforcé son statut de cathédrale iconique. Chacun, grâce aux réseaux sociaux a pu vivre l’incendie en direct et trembler, qu’il habite à New-York ou au Cap Nord.

Votre livre nous fait comprendre combien les cathédrales ont inspiré de nombreux écrivains, à l'instar de Victor Hugo. Pouvez-vous nous parler de ce lien et nous en donner quelques exemples ? 

-B.B : Le cas de Victor Hugo est très particulier car c’est grâce à Notre-Dame de Paris, le roman, qu’elle fût sauvée. Best-seller à sa sortie, il est l’un des livres qui s’est le plus vendu dans le monde. Même Tolstoï dans ses Cosaques, l’évoque. Un de ses personnages rêve d’une femme qui lirait Notre-Dame… Après la révolution, Notre-Dame qui avait servi d’entrepôt de vins était très dégradée, ses trésors pillés, ses statues décapitées. Nombreux étaient ceux qui voulaient la détruire purement et simplement.
A la suite du livre, un concours pour sa réhabilitation que remporta Viollet-le-Duc est lancé, une loi de 1845 qui permet sa restauration est votée. Le concordat, le couronnement lui permettent ensuite de retrouver sa place.
Donc depuis, le bâtiment inspire directement les auteurs  comme Proust qui lors de la loi de 1905 sur la séparation de l’église et de l’État, craignait qu’elle fût transformée en « musée, salle de conférence ou casino », Claudel qui y vécut une révélation, Prévert qui la célébra, Adrien Goetz qui assista au désastre de 2019 et met en garde sur l’état désastreux des autres églises de France. Bâtiments qui auraient pour la plupart bien besoin d’une contribution de l’État que permettrait une entrée payante de Notre-Dame, proposée par la ministre de la culture. Ce que refusent les évêques.

Les écrivains étrangers ne sont pas en reste. Pouvez-vous nous donner également quelques exemples ? 

-B.B : Hemingway, dans  « Le soleil se lève aussi », imagine qu’un de ses personnages trouve que « Notre-Dame a de l’allure »…alors que Ken Follet, parfaitement athée, assiste à des messes et sous le coup de l’émotion, célèbre la cathédrale en cinq dates-clés. 

Finalement une cathédrale deviendrait-elle presque un  « personnage littéraire »  à part entière... ?

-B.B : Absolument. Personnage comme dans Notre-Dame de Paris de Victor Hugo ou dans Notre-Dame de Ken Follet, paysage incontournable, ombre omniprésente dans tant d’autres livres.

Votre livre permet de prendre conscience de la diversité et de la richesse des liens qui unissent le public à « leur » cathédrale. Un lien qui va bien au-delà du cultuel. Comment l'expliquez-vous ?

-B.B : Des liens historiques, littéraires et surtout émotionnels depuis l’incendie. Chacun sait, en France et beaucoup de gens sur la planète où il était et ce qu’il faisait ce jour-là, à New-York, au Cap-Nord ou à Hobarth. Il n’y a que peu d’évènements qui provoquent genre de souvenirs : l’assassinat de Kennedy, le 11 septembre, l'attentat du Bataclan... Notre-Dame est entrée dans la mémoire collective. Cette nuit-là, c’est notre maison qui brûlait et nous sommes nombreux à nous être endormis au petit matin quand fût annoncée la certitude qu’elle ne s’écroulerait pas. D’ailleurs, jamais dans l’histoire, une telle somme fût rassemblée en si peu de temps pour sa reconstruction.

Ce texte s'inscrit dans une collection « Le goût de »  qui, chaque fois, nous enchante. Pouvez-vous nous présenter les thèmes des prochains livres ?

-B.B : Le Goût des cathédrales est mon huitième opus, après Le Goût des animaux, Le Goût des amours à Paris, Le Goût de la pluie et du beau temps, Le Goût de la famille, Le Goût des contes, Le Goût du temps, Le Goût de l’intime. Je travaille actuellement sur un neuvième texte consacré à un animal, célébré depuis l’antiquité pour son mystère, son aura et sa supposée cruauté.

> Le goût des cathédrales par Brigit Bontour, Mercure de France, 128 pages, 9,50 euros >> Pour acheter le livre, cliquer sur ce lien

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