Avec Le Suspendu de Conakry, Jean-Christophe Rufin épouse le roman policier et offre aux lecteurs le premier volet d’une trilogie irrésistible aux abords du consul de France en Guinée. Viabooks vous en dit plus.
Comment cet Aurel Timescu peut-il être Consul de France ? Avec son accent roumain, sa dégaine des années trente et son passé de pianiste de bar, il n’a pourtant rien à faire au Quai d’Orsay. Il végète d’ailleurs dans des postes subalternes. Cette fois, il est en Guinée, lui qui ne supporte pas la chaleur. Il prend son mal en patience, transpire, boit du tokay et compose des opéras… Quand, tout à coup, survient la seule chose au monde qui puisse encore le passionner : un crime inexpliqué. Suspendu, ce plaisancier blanc ? À quoi ? Au mât de son voilier, d’accord. Mais avant ? Suspendu à des événements mystérieux. À une preuve d’amour qui n’arrive pas. À un rêve héroïque venu de très loin… En tout cas, il est mort. Son assassinat resterait impuni si Aurel n’avait pas trouvé là l’occasion de livrer enfin son grand combat. Contre l’injustice.
Jean Christophe Rufin fait partie de ces auteurs polyvalents qui aiment diversifier les genres littéraire, souvent à l’image de leur vie tout autant hétéroclite. Après le roman historique, le roman contemporain et le roman d’anticipation, il nous revient avec un polar accompagné de son personnage Aurel Timescu. Cet anti héro consul de France a certains points communs avec l’auteur, qui fut Ambassadeur de France au Sénégal. Néanmoins Jean Christophe Rufin propose ici une véritable fiction, loin d’être ses mémoires. Aurel est un personnage atypique. Roumain de naissance, son accent terrible, son fort penchant pour l’alcool et ses habits très originaux font de lui la risée du Consulat. Il se retrouve donc relégué dans un placard sans connexion internet et sans ligne téléphonique. Ayant toujours voulu être policier son intérêt va s’éveiller lors de la découverte du cadavre d’un plaisancier. Ce meurtre va alors lui permettre de réaliser son rêve. Ce personnage hors du commun apporte une touche de sensibilité au roman. A la fois empathique, complexe et imprévisible son caractère va lui permettre d’appréhender la nature humaine comme personne et donc de progresser sur l’enquête plus facilement. Aurel intrigue le lecteur, il le surprend de page en page et donne très envie de le retrouver dans de nouvelles aventures. En parallèle de l’enquête on est transporté dans une ville où l’on découvre des habitants et leur culture, le rire, la vie portuaire, la vie du consulat, la chaleur, la misère et l’alcool. Jean Christophe Rufin utilise son expérience pour nous plonger dans la guinée post coloniale. Il donne aux lecteurs un aperçu du déroulement des relations diplomatiques sensibles sur un continent qu’il connait bien. Cette série aux allures de polar offre une vision du monde sous l’œil pointu de l’auteur. Le deuxième volet étant déjà écrit et le troisième en cours d’écriture, on a hâte de le retrouver très prochainement.
« La foule regardait le corps suspendu. Une ligne continue d’Africains, hommes, femmes, enfants, occupait le quai et toute la digue jusqu’à la bouée rouge qui marquait l’entrée de la marina de Conakry. Les regards se portaient vers le sommet du mât. Comme la marée était haute, la coque du voilier était presque au niveau des bords du bassin. Le corps se découpait sur le fond uniformément bleu du ciel tropical. On le voyait de très loin. Au balcon des villas du front de mer, de nombreux résidents tout juste éveillés fixaient cette image d’horreur. Certains avaient eu le temps de sortir des jumelles. Ils avaient reconnu dans la victime un homme blanc, attaché par un pied. Il avait les mains gonflées et sur son visage écarlate avaient ruisselé quelques filets de sang. »
« Tout à coup, Aurel se redressa en poussant un cri. Il avait vu. Il avait vu ce qui manquait. L’essentiel, ce n’était aucun des papiers qu’il avait collés au mur mais le trou qu’ils dessinaient tous ensemble. Maintenant qu’il l’avait compris, toute la mécanique avait basculé, s’était mise en ordre grâce à cette pièce manquante. Le passé de Mayères, ses faits et geste depuis son arrivée, les témoignages des uns et des autres, tout se réorganisait. Par une sorte de mirage, là où existaient auparavant incohérence et mystère se trouvaient désormais harmonie, logique, vérité. Aurel était debout et se passait la main sur le visage »
Né à Bourges en 1952 Jean-Christophe Rufin est voyageur, médecin, écrivain et diplomate français et membre de l'Académie française. Très concerné par la médecine il débute ses études à La Pitié-Salpêtrière et à l'Institut d'études politiques de Paris. En 1975, il est reçu au concours d'internat à Paris, et il choisit la neurologie comme spécialité, puis il travaille à l'hôpital Rothschild, en salle commune. S’en suit une carrière médicinale en tant qu’interne, chef de clinique, assistant des hôpitaux de Paris puis attaché des hôpitaux de Paris. Comme médecin, Jean-Christophe Rufin est l'un des pionniers du mouvement humanitaire Médecins sans frontières. Il a consacré plus de vingt ans de sa vie à travailler dans des ONG au Nicaragua, en Afghanistan, aux Philippines, au Rwanda et dans les Balkans. Cette expérience le mène à écrire son premier essai Le Piège humanitaire (1986), dans lequel il évoque les enjeux politiques de l'action humanitaire et les paradoxes des mouvements « sans frontières ». La plupart de ses livres sont considérés comme des romans d’aventures, historiques et politiques. Son œuvre est régulièrement récompensée par les prix littéraires. En 1997 il obtient le prix Goncourt du premier roman et le prix Méditerranée pour L'Abyssin. En 1999 il reçoit le Prix Interallié pour Asmara et les causes perdues, puis en 2001 il obtient le Prix Goncourt avec Rouge Brésil. Depuis ce prix majeur il a reçu le Prix Nomad’s en 2013 avec Immortelle Randonnée : Compostelle malgré moi, et le prix Grand Témoin en 2015 pour Check-Point.
Les lauréats du Prix Mare Nostrum 2024 vient de livrer la liste de ses lauréats. Chaque lauréat recevra une dotation de 2 000 € pour sa c
Légende photo : en haut de gauche à droite : Deloupy (Les Arènes), Carole Maurel (Glénat), Pierre Van Hove (Delcourt/La Revue Dessinée), Sébast
La Centrale Canine décerne chaque année son Prix Littéraire aux 3 meilleurs ouvrages mettant à l'honneur la relation humain-chien.