Va-t-on réécrire tous les livres du passé au nom du wokisme ? Outre-Atlantique où les soldats de la bonne conscience rôdent, c'est Roald Dahl, l'écrivain britannique, auteur préféré des enfants qui en prend pour son grade. Daniel Sarfati pointe l'absurdité de ces réécritures à marche forcée du passé, au point de perdre le sens même des livres, en invoquant l'exemple des Misérables de Victor Hugo et en citant Salman Rushdie.
De quoi s'agit-il ? Le quotidien britannique Daily Telegraph a révélé que les ayants droit de Roald Dahl, célèbre écrivain britannique apprécié des enfants, auteur notamment de Matilda ou Charlie et la Chocolaterie, Le Bon gros Géant avaient entrepris de lisser le langage de tous ses romans afin de correspondre aux standards actuels. Les éditions Puffin (groupe Penguin Random House) publieront désormais un texte différent de l'original. L'éditeur français de Roald Dahl, Gallimard, a indiqué quelques jours plus tard qu'il comptait laisser intacts les textes des livres jeunesse de cet auteur britannique. Le débat est donc lancé. Pour ou contre la réécriture de textes d'écrivains du passé jugés offensants au regard des conceptions contemporaines ? Daniel Sarfati y va de son trait de plume.
Les œuvres de Roald Dahl vont être retouchées et réécrites Outre-Manche, dans les nouvelles rééditions.
Il s’agit de supprimer tous les mots, toutes les expressions qui pourraient être traumatisant(e)s ou offensant(e)s pour les enfants.
Tout ce qui se réfère au genre, au physique, à la couleur de la peau, à l’origine sociale, à la violence doit être expurgé.
Il ne faut plus parler de « gros » mais de surpoids, plus mentionner « un homme » mais une personne.
Pourquoi s’arrêter là ?
Enfant, moi c’est le roman de Victor Hugo, « Les Misérables », et le sort de Cosette qui m’ont traumatisé.
…
Déjà le titre, très stigmatisant.
Parler plutôt de personnes en dessous du seuil de pauvreté.
« Cosette était laide. Heureuse, elle eût peut-être été jolie. Nous avons déjà esquissé cette petite figure sombre. Cosette était maigre et blême. »
Là, tout est à réécrire.
Pourquoi serait-ce à une fille de faire le ménage ?
Elle n’est pas laide et maigre, elle a juste un physique différent. Supprimons également « blême » qui insiste sur sa blancheur.
« Tout son vêtement n’était qu’un haillon qui eût fait pitié l’été et qui faisait horreur l’hiver. Elle n’avait sur elle que de la toile trouée ; pas un chiffon de laine. On voyait sa peau çà et là… »
Victor Hugo essaye de ridiculiser la mode des jean’s troués chez les jeunes, une opinion réactionnaire et paternaliste.
Je ne veux même pas parler de la stigmatisation de toute une profession, les aubergistes, en dénigrant les Thénardier.
Que veut Victor Hugo ? La fermeture des commerces de proximité au profit des MacDo et des Burger King ?
…
L’écrivain britannique Salman Rushdie, qui en connaît un bout sur la question, a qualifié « cette censure de Roald Dahl absurde, même si il n’était pas un ange ». C’est vrai aussi, que Roald Dahl a commis quelques dérapages racistes et antisémites lors d’interviews.
Plutôt que de réécrire des œuvres passées, c’est aux écrivains d’aujourd’hui d’écrire de nouvelles histoires en phase avec leur époque et leurs propres valeurs.
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Daniel Sarfati est médecin ORL, passionné par le langage, par les signes, la lecture des mots qui s’écrivent, se lisent sur une page ou sur des lèvres, les histoires qui se vivent ou qui s’inventent.