Avec la publication de sa correspondance, Marie Billetdoux dévoile ses mots et ses maux à l’ombre de son œuvre. Elle nous livre avec une intensité pleine de grâce ses combats avec l’existence. Un livre passionnant, bouleversant, qui passe au scanner quarante ans de sa vie d’écrivain.
[image:1,m,g]Il est des livres qui nous emmènent loin, très loin. Lorsque Marie Billetdoux, ex Raphaële, nous ouvre les portes de ses 40 ans d‘existence vouée à l’écriture, elle nous entraîne dans une vie où chaque mot compte, même les plus anodins. Chaque mot qui compose un enchevêtrement de parcours et d’émotions, un voyage donc, intérieur, intime sans être impudique.
A travers ces années de correspondance, classées par ordre chronologique, Marie nous parle de son appel « des lettres »qui s’impose à elle comme une évidence, avec un père, « roi »de son enfance (le dramaturge François Billetdoux) et une famille tournée vers l’amour de la littérature. Les lettres, on y entre parfois comme en religion. Marie s’y adonne, s’y donne, s’y plonge … en une ferveur quasi-mystique.
Devenir écrivain, vivre pour et par l’écriture, est plus qu’un défi : Marie Billetdoux en formule le vœu lorsqu’elle décide que sa vie ne sera jamais tout à fait « ordinaire », et que ses nuits et ses jours seront portés par la fièvre des lignes. Que l’écrit, tout écrit prendra valeur d’initiation ou de repère. Alors Marie Billetdoux se nourrit de tout : de ses lettres d’amour, de ses articles, de ses correspondances avec les maisons d’édition, de ses ébauches de synopsis, de ses notes non publiées, de ses multiples courriers de la vie quotidienne : lecteurs, traducteurs… Comme si une grande part du monde se percevait par « les mots » : de ses carnets scolaires aux réponses de ses amoureux en passant par les courriers d’admirateurs, anonymes ou célèbres comme BHL, Jeanne Moreau, Jean-Luc Godard, Gérard Depardieu, François Mitterrand ou Jacques Chirac. S’ajoutent aussi les assignations diverses, les demandes de droits, et tous ces écrits d’un quotidien « matériel » comme le disait Marguerite Duras, tous « billets-doux » ou aigres qui jalonnent l’espace d’une vie.
Les personnages forts de cette correspondance aussi abondante que la production littéraire de Raphaële-Marie Billetdoux est resserrée, sont son père, sa mère avec laquelle elle entretenait des rapports conflictuels, sa sœur et son grand amour, le journaliste politique Paul Guilbert, rencontré lorsqu’elle avait 20 ans, mort en 2002 : c’est alors que se sentant dépossédée de sa plus belle part d’elle-même « Raphaële », elle décida de se rebaptiser Marie.
Le style se distingue très tôt avec sa pureté et son élégance. L’auteur de Jeune fille en silence, Prends garde à la douceur des choses, Mes nuits sont plus belles que vos jours, Mélanie dans un vent terrible et Un peu de désir sinon je meurs écrit avec une sensibilité vibrante. Elle ne sait pas écrire autrement qu’avec une musique qui chuchote à l’oreille. Même lorsqu’elle s’adresse à l’école de son fils ou au plombier. Etre écrivain semble inscrire la puissance du langage au cœur de chaque geste. Mais le temps de ce désir « de sens » est traître : le public déserte petit à petit une œuvre qui refuse de céder aux modes du marketing tape à l’œil. Alors Marie continue d’écrire, mais elle doit le faire aussi pour résister, exister. La mise en miroir des écrits administratifs et des écrits affectifs, nous fait prendre conscience du poids du réel dans la sédimentation de l’inspiration et de la dureté de la vie d’écrivain. Dans la lettre du 24 Novembre 2008, nous lisons que Marie Billetdoux déclare un revenu fiscal de 1219 euros. Prenons garde à l’âpreté des choses… Celles-ci parfois sonnent comme une condamnation et claquent comme une porte en colère.
Marie Billetdoux n’est pas seulement un grand écrivain. Elle est comme une Antigone de la littérature, celle qui écrit beau et vrai, celle qui sonne l’Angélus du bonheur des mots. A Marie, qui nous livre en plus de 1500 pages une formidable de leçon de littérature, nous disons merci. Merci de nous livrer une part de sa chair dans cet ouvrage qui représente le Mélange de son existence. Merci de nous conduire en un si profond voyage au cœur de ses lumières et de ses ombres. De nous faire pénétrer dans les entrailles de la littérature. Le ventre de la vie. La sienne et un peu aussi la nôtre, déjà. O.P.
C’est encore moi qui vous écris ( 1968-2008),
Marie Billetdoux, Stock 1650p
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