D'après Olivia Phélip, "L'homme qui voulait vivre sa vie" de Douglas Kennedy est un livre qui mélange suspense sourd et fuite de soi; Elle lui trouve des accents à la Patricia Highsmith sur fond de société contemporaine et l'a lu d'une traite en voyant défiler les pages comme un film. Un récit à lire, à voir, à relire...
Est-ce parce qu'un bateau surgit au cours du récit ? Je n'ai pu m'empêcher de penser à "Plein Soleil"en lisant "L'Homme qui voulait vivre sa vie" de Douglas Kennedy. Les histoires ne se ressemblent guère, mais il y flotte la même atmosphère de fuite en avant, d'usurpation qui se prend les pieds avec le destin, de sourde tension entre des êtres dont la face semble sourire au monde, et le coeur pleurer de ses frustrations. Douglas Kennedy dont on connaît le talent de conteur des couples en tension, se révèle un maître du suspense, et son jeu de miroirs entre le mal être des personnages et l'enchaînement dramatique est très efficace.
Thomas Bradford qui se rêve photographe est un avocat brillant marié à une femme, Beth, qui se rêve écrivain et qui est journaliste à Cosmo. Il sont deux enfants, dont un bébé insomniaque et vivent dans une confortable maison à New Croydon, banlieue cossue de New York. En parfaite Desperate Housewife, Beth se trouve un amant et en parfait mari au bord du burn out, Thomas boulote antidépresseurs, calmants et antiacides : une vie dont les autres disent qu'elle est réussie et dont les protagonistes pensent qu'elle est un échec "mais qu'il faut se raisonner puisque tout est tellement comme cela doit être". Le tableau est planté en un chapitre : on sent le vomi du bébé, l'épuisement d'une nuit écourtée, le dialogue atone d'une relation sans issue... Douglas Kennedy nous entraîne tout de suite dans un ordinaire qui résonne chez de nombreux lecteurs. Et puis tout doucement l'histoire s'emballe, le quotidien dérape et voilà notre héros aspiré par sa plus grande tentation : vivre "une autre vie". On le suit dans sa fuite, qui devient aussi révélateur de sa vraie personnalité.
Le livre se compose aussi comme une variation sur la photographie. Il y a d'abord une image émouvante du héros qui en photographe avorté collectionne les appareils les plus sophistiqués, qui le regardent comme les yeux du remords. Il y a ensuite son regard à lui de photographe, qui se découvre au fur et à mesure. Le récit se construit comme un ensemble de "bains" initiatiques, où comme chaque image "en négatif" passe au révélateur pour donner la vraie photo. Métaphore, qu'auparavant, le héros n'était que ce "négatif" de lui-même et que la vie allait lui donner sa pleine image.
Comme souvent chez Douglas Kennedy, les personnages féminins sont très présents : les deux héroïnes principales incarnent deux visages de femmes fortes, chacune à leur manière, deux tentatives de composer avec le réel du monde. Ces figures servent de contrechamp au personnage masculin et lui donnent son incarnation. Sans elles, il n'existe pas tout à fait.Avec elles, il se fixe, elles lui servent de cadre, de "matrice".
L'homme qui voulait vivre sa vie a été adapté au cinéma. En voyant le film, et ceci malgré quelques modifications par rapport au récit, j'ai pensé que le livre portait en germe son rythme noir, qui comme dans une tragédie met en scène implacablement les situations qui s'enchaînent. Douglas Kenendy annonçait déjà cet enchevêtrement des évènements ordinaires qui finissent par composer un ensemble à la monstruosité parfaitement logique.
Cet Homme qui voulait vivre sa vie, nous pose la question de l'identité et du désir profond. Lecteur qu'as-tu fait de tes rêves? , semble nous susurrer Douglas Kennedy tout en nous montrant combien âpres et radicaux peuvent être certains voyages vers l'exaltation des fantasmes ressuscités...
Légendes photos, de haut en bas
La couverture du livre;
Romain Duris dans le film ( Europacorp);
Douglas Kennedy
Douglas Kennedy, L'homme qui voulait vivre sa vie, Belfond
Patricia Highsmith, Plein Soleil, Pocket
L'homme qui voulait vivre sa vie, film d'Eric Lartigau avec Romain Duris. EuropaCorp
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