En France, le monde politique garde un attachement singulier à la littérature. Un an avant la campagne de la prochaine élection présidentielle, nombreux sont les hommes politiques à y aller de leur publication. A l’ère de la « super communication », le livre demeure un réel outil de campagne. Les étalages des librairies se remplissent peu à peu de ces livres politiques que nous passons en revue. Et à part quelques rares flops, ces livres rencontrent curieusement un réel intérêt auprès du public. Une exception française (parmi d'autres).
Alors que le livre bénéficie d’un réel prestige en France, quoi de mieux finalement qu’un bon vieux bouquin pour donner une certaine densité à la pensée. Les politiques l’ont compris depuis bien longtemps. A travers le livre, ils nous offrent un programme de campagne déguisé qui, finalement, est sûrement écrit par une autre plume, et ne reflète du coup peut-être pas le personnage. En 2016, les politiques partent à l'abordage de leurs lecteurs avant de se lancer à la conquête de leurs électeurs.
Nicolas Sarkozy, « La France pour la vie » (Plon)
Après plusieurs jours de promotion, le livre de Nicolas Sarkozy fait son apparition en librairie. Un ouvrage entre confessions et mea culpa. Il y dresse le bilan de son quinquennat, évoque ses réussites et ses erreurs, sa période de retrait de la politique, et formule des propositions pour l’avenir. Entre mémoires et livre-programme, l’ouvrage est sans aucun doute un outil pour se relancer dans la course, à quelques mois de la primaire.
L’ancien chef de l’État n’en est pas à son premier ouvrage. En 2006 il publiait Témoignage (XO Edtitions), qui lui avait permis de lancer sa candidature. En 2001, il avait publié son livre Libre chez Robert Laffont, à la suite des élections européennes de 1999.
Ce nouveau livre qui se veut très personnel a été tiré à 120 000 exemplaires par son éditeur Plon.
Manuel Valls, « L’Exigence » (Grasset)
« Il y a un an, le 13 janvier 2015, au lendemain des attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher de Vincennes, Manuel Valls prononce devant les députés un des discours majeurs de l’histoire de la Ve République, un discours d’unité nationale, applaudi sur tous les bancs, qui dit quelle est l’exigence de notre époque. Lorsque Manuel Valls, après les attentats de novembre dans les 10e et 11e arrondissements de Paris et à Saint-Denis demande à la représentation nationale de prolonger l’état d’urgence, il réaffirme cette exigence qui désormais ne doit plus jamais faiblir. » Les deux discours du Premier ministre sont réunis dans ce petit livre de 96 pages, préfacé par Manuel Valls.
L’éditeur a précisé que le tirage serait de 25 000 exemplaires. Les droits du livre seront reversés aux associations de soutien aux victimes des attentats.
Alain Juppé, « Pour un Etat fort » (JC Lattès)
C’est un livre-programme particulier qu’Alain Juppé dévoile début janvier, puisqu’il l’a écrit au lendemain des attentats du 13 novembre qui ont marqué la France. Un livre où la priorité est clairement donnée à la sécurité. Le candidat à la primaire de la droite y propose par exemple de redéployer 4 500 policiers et gendarmes sur le terrain en les déchargeant des tâches administratives. Il aborde également des thèmes comme l’immigration, pour lequel l’ancien Premier ministre propose un plafond d’immigration légale, ou encore le thème de la laïcité, avec la création d’un délit d’entrave à la laïcité.
Voici donc le deuxième livre d’Alain Juppé, après Mes chemins vers l’école, publié en 2015 chez JC Lattès. L’homme politique y abordait la réforme de l’école et en dressait un constat grâce à sa propre expérience.
Jean-François Copé, « Le Sursaut français » (Stock)
Après près de 18 mois de silence, l’ancien président de l’UMP prépare son retour en politique avec son nouveau livre,
Le Sursaut français, où il plaide pour un « concordat avec l’islam ». Du numéro de Siret pour chacun dès son entrée sur le marché du travail, au retour aux 39 heures dans la fonction publique, Jean-François Copé présente toutes ses idées pour 2017.
Le livre se veut aussi un peu plus personnel avec une sorte de mea culpa, un peu comme Nicolas Sarkozy, lorsque l’auteur évoque son différent avec François Fillon. Il revient également sur les circonstances de son départ de la présidence de l’UMP en 2014.
Le député de Seine-et-Marne n’en est pas à sa première publication. En 2013, il avait publié un livre historique, La Bataille de la Marne, avec Frédéric Guelton, chez Tallandier. Une 2012, Fayard publiait Manifeste pour une droite décomplexée, alors que Jean-François Copé était candidat à la présidence de l’UMP.
François Fillon, « Faire » (Albin Michel)
Le dernier livre de François Fillon,
Faire, est paru en septembre 2015. Il y détaille son programme qu’il veut « radical ». François Fillon évoque également dans son livre Nicolas Sarkozy. Un portrait plus ou moins flatteur. "Je fais un portrait qui correspond à ce que j'ai vu, ce que j'ai ressenti. C'est un homme que j'admire par bien des aspects, mais qui a aussi des défauts", explique l’auteur. En plus de ces confidences sur sa relation avec l’ancien chef d’État, Fillon offre au lecteur son analyse de la situation actuelle et son regard sur le monde qui nous entoure, ainsi que son projet pour « replacer la France en tête ».
Fait assez rare pour un ouvrage politique, le livre-programme de l’ancien premier ministre est un succès à sa sortie, se plaçant loin devant Mes Chemins pour l'école d'Alain Juppé. Paru le 16 septembre, il se plaçait à la 8e place du Top 20 GFK/Livres hebdo des meilleures ventes début octobre.
Philippe de Villiers, « Le Moment est venu de dire ce que j’ai vu » (Albin Michel)
L’ouvrage politique de Philippe de Villiers est à la fois un livre de souvenirs des hommes côtoyés durant son parcours politique mais aussi une réflexion sur l’état du pays. Au fil des pages, le créateur du «Puy du Fou» revient sur tous ses combats contre l’Europe de Maastricht d’abord, mais aussi contre les pesticides fabriqués par les grands groupes qui déciment les abeilles. « J’ai été un homme politique. Je ne le suis plus. Ma parole est libre. Je suis entré en politique par effraction. Et j’en suis sorti avec le dégoût. » explique-t-il dans son introduction.
Philippe de Villiers n’a pas l’habitude des ouvrages politiques, lui qui publie généralement des romans historiques. Dans les meilleures ventes on retrouve Le roman de Charrette (2012) et Le roman de Saint Louis (2013), tous deux parus chez Albin Michel.
Cécile Duflot, « Le Grand virage » (Les petits matins)
Cécile Duflot écrit cette ouvrage pour combattre « le poison du découragement ». À ses yeux, l’écologie n’est pas une roue de secours pour une gauche en mal d’idées, mais bel et bien le chemin qu’il faut emprunter pour en finir avec l’atonie. Si l’ancienne ministre écologiste du Logement prévient « ce n’est pas encore un programme », ce livre paru en septembre 2015 y ressemble tout de même. Elle y revient sur sa sortie du gouvernement, sur la mort en octobre 2014 d’un jeune manifestant au barrage de Sivens (Tarn) ou encore sur sa victoire du Pass Navigo à tarif unique. Cécile Duflot délivre ainsi, à la première personne, ses préconisations, ses souhaits, et ses idées pour l’avenir.
C’est le deuxième livre de l’écologiste, qui avait publié en août 2014 De l'intérieur, voyage au pays de la désillusion chez Fayard, où elle décrivait avec force critiques les deux ans qu’elle a passés en « Hollandie » et qui s’était vendu à plus de 12 000 exemplaires. Son dernier ouvrage quant à lui n’a vendu que 1 500 exemplaires.
Dans un autre registre, on retrouve également les ouvrages qui parlent des politiques.
« L'Ambigu Monsieur Macron », Marc Endeweld (Flammarion)
Cette première biographie d'Emmanuel Macron réalisée par Marc Endeweld, journaliste à
Marianne, dresse un portrait fouillé et plein de surprises du ministre de l’Economie. Sorti juste avant les attentats du 13 novembre, l’ouvrage a été un peu éclipsé par les évènements. Si Emmanuel Macron jouit déjà d’une intense couverture médiatique, on se rend compte avec ce livre qu’on est loin de tout savoir sur l’homme politique. Dans ce livre-enquête, le ministre revient sur son passé souverainiste. Une enquête fouillée de Marc Endeweld, journaliste politique et d’investigation, qui reconstitue l'énigme de ce ministre qui crée la zizanie jusqu'au sommet de l'Etat.
« Chirac, Une vie », Franz-Olivier Giesbert (Flammarion)
« En vingt ans de vie publique, Jacques Chirac n'a cessé de brouiller les pistes. Quelle cohérence y-a-t-il entre le hussard du gaullisme, le notable radical de Corrèze, l'amateur de poésie chinoise, le président bonapartiste du RPR et le Premier ministre de la cohabitation ? Pendant quatre ans, Fransz-Olivier Giesbert a mené l'enquête. Il ne fait pas partie de la famille politique de Jacques Chirac mais il a eu accès aux témoignages et aux documents indispensables pour reconstituer la carrière du maire de Paris qu'il a rencontré à de nombreuses reprises. Pour cerner la vérité de cet artiste de la politique, baroque et contrasté, il éclaire ses zones d'ombre. Il dévoile une à une ses facettes secrètes. Il rapporte aussi des faits inédits qui surprendront. En faisant le portrait de "l'autre Chirac," celui qui se cache derrière le personnage officiel, il met en scène la comédie du pouvoir. »
« La Présidente », François Durpaire et Farid Boudjellal (Les Arènes)
Les bande dessinées ont aussi leur importance dans la scène politique. Celle-ci imagine le 7 mai 2017, où Marine Le Pen devient présidente de la République. Un récit graphique qui se place dans la lignée des ouvrages d’anticipation qui font les succès des librairies comme
Soumission de Michel Houellebecq, qui raconte l’élection d’un président issu d’un parti musulman, ou
Une élection ordinaire de Geoffroy Lejeune, qui imagine l’accession d’Eric Zemmour à l’Elysée.
François Durpaire et Farid Boudjellal se veulent au plus près de la réalité. Les auteurs, qui reproduisent au mot près certaines des mesures prônées par le parti d’extrême-droite, préviennent en préambule : « Toute ressemblance avec des situations existantes ne saurait être que fortuite, à moins qu’elle ne ressemble à la simple application du programme du Front national. »
Un tableau noir assumé par les auteurs, même si tout cela reste, pour l’instant, de la pure fiction.
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