Les traits de plume de Daniel Sarfati

Marcel Proust et l'antisémitisme du Baron de Charlus

Daniel Sarfati, fin connaisseur de Marcel Proust revient sur la figure du baron de Charlus, aussi brillante qu'ambigüe. Parmi les zones d'ombre, celle de son antisémitisme débonnaire, exprimé autour de l’affaire Dreyfus. L'écrivain, dont la mère était juive, n'était pas dupe de sa créature.

Portrait de Marcel Proust par Otto Wegener, Wikipedia- Portrait de Marcel Proust par Otto Wegener, Wikipedia. Le baron de Charlus (John Malkovitch), dans "Le temps retrouvé" de Raoul Ruiz d'après l'oeuvre de Marcel Proust (1999) - R. Ruiz / Denise de Casabianca Portrait de Marcel Proust par Otto Wegener, Wikipedia- Portrait de Portrait de Marcel Proust par Otto Wegener, Wikipeida. Le baron de Charlus (John Malkovitch), dans "Le temps retrouvé" de Raoul Ruiz d'après l'oeuvre de Marcel Proust (1999) - R. Ruiz / De
Marcel Proust a la réputation d’un auteur difficile.
Je ne trouve pas.
Sur des sujets complexes, en quelques phrases courtes ( je sais, c’est rare chez lui ), il donne des réponses éclairantes.
Le baron de Charlus, pour l’état-civil Palamède de Guermantes, et pour ses intimes « Mémé », est un des personnages les plus intéressants de La Recherche.
Dandy vaniteux, néanmoins très cultivé, il accumule les conquêtes féminines, avant de faire son coming out, en devenant l’amant de Jupien. C’est un homme parfois méchant, parfois brutal, qui va s’adoucir avec l’âge et n’hésitera plus à afficher son homosexualité dans les salons.
Il passe de la honte à la fierté.

Légende photo :  le baron de Charlus (John Malkovitch), dans "Le temps retrouvé" de Raoul Ruiz d'après l'oeuvre de Marcel Proust (1999) - R. Ruiz / Denise de Casabianca

 
Ses rapports avec le narrateur sont ambigus.
En est-il amoureux ou veut-il lui servir de mentor ?
Au cours d’une discussion sur l’affaire Dreyfus, il affiche un antisémitisme débonnaire.
« Vous n’avez pas tort, si vous voulez vous instruire, me dit M. de Charlus, après m’avoir posé des questions sur Bloch, d’avoir parmi vos amis quelques étrangers.
Je répondis que Bloch était français.
Ah ! dit M. de Charlus, je croyais qu’il était juif. »
Charlus se défend d’être anti dreyfusard.
« Je crois que les journaux disent que Dreyfus a commis un crime contre sa patrie…Ce crime est inexistant…Il aurait commis un crime contre sa patrie, si il avait trahi la Judée, mais qu’est-ce qu’il a à voir avec la France ? »
Le narrateur lui objecte le patriotisme des juifs qui ont combattu pendant la guerre dans l’armée française. Charlus balaie cet argument d’un revers de main.
« On fait bien venir des Sénégalais et des Malgaches, je ne pense pas qu’ils mettront grand cœur à défendre la France, et c’est bien naturel. »
Magnanime, il propose d’adoucir la peine de Dreyfus.
« Votre Dreyfus pourrait plutôt être condamné pour infraction aux règles de l’hospitalité. »
Car, il n’est pas vraiment chez lui en France.
Marcel Proust n’était pas dupe.
Il était homosexuel et sa mère, Jeanne Weil, était juive. Il s’en cachait de moins en moins, et avait pris clairement parti pour le capitaine Dreyfus.
Dans les salons de l’aristocratie parisienne, il était bien reçu. On pouvait « s’instruire » de sa conversation.
Mais il restait cet étranger venu de Judée.

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Daniel Sarfati est médecin ORL, passionné par le langage, par les signes, la lecture des mots qui s’écrivent, se lisent sur une page ou sur des lèvres, les histoires qui se vivent ou qui s’inventent.
 
 
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