Miguel Bonnefoy, l'auteur franco-vénézualien de Sucre Noir (Rivages), nous propose ici son troisième roman, Héritage (Rivages). Dans la veine de ses premières oeuvres, son écriture élégante et recherchée nous fait voyager au coeur de l'Amérique latine. Héritage a fait une rentrée littéraire remarquée et concourt notamment pour le Goncourt, le prix Femina et le Grand Prix du Roman de l'Académie française.
Miguel Bonnefoy connaît la force des mots et la puissance de la narration. Son dernier livre nous emporte, nous envoûte presque. Plébiscité en cette rentrée 2020, ce texte est peut-être le plus personnel de l'auteur franco-vénézuélien de 33 ans. Il figure en bonne place pour les prix littéraires, dont le Goncourt, le Femina et le Grand Prix du Roman de l'Académie Française.
Héritage nous plonge dans la fresque historique d'une famille de vignerons originaire du Jura, qui part s'établir à Santiago du Chili à la fin du XIXème siècle. Le vieux Lonsonnier, dont les vignes ont été détruites par la phylloxéra, quitte la France pour l'Amérique. Par hasard, il se retrouvera au Chili où il fixera sa descendance et de nouvelles racines. Chaque génération y construira son destin, fidèle à la fois à ses racines et à ses aspirations personnelles, et tout en restant viscéralement liée au Vieux Continent, qui sera aussi le théâtre d'évènements décisifs pour chacun.
Miguel Bonnefoy mêle avec talent la grande Histoire, que l'on traverse dans un souffle magistral, des deux guerres mondiales en Europe à la dictature de Pinochet au Chili, avec les destinées singulières de personnages hauts en couleur. En tout juste 200 pages, on s'immerge dans ces périodes charnières de l'histoire des deux continents, parcourant leurs zones d'ombres et les tragédies intimes qu'elles suscitèrent. Quatre générations, fruits du mélange de deux cultures, batissent leurs destinées d'un continent à l'autre, inscrivant dans l'histoire l'empreinte de leurs aspirations. De Lazare, ancien poilu des tranchées, et Thérèse, l'ornithologue, à Margot l'aviatrice des Forces Libres et son fils Ilario Da, le révolutionnaire anarchiste, chacun met sa pierre à l'édifice familial, conciliant ses origines françaises avec le sol rouge du Chili.
Entre rêve et réalité, de la France au Chili et d'une guerre à l'autre, l'écrivain oscille perpétuellement entre deux mondes dans ce roman aux échos autobiographiques . Il nous transporte de l'un à l'autre grâce à son imaginaire regorgeant d'images colorées et fantastiques, à l'orée de l'univers riche et mystérieux des contes d'Amérique latine.Le contexte du récit n'est pas des plus tendres, puisque s'y déroulent successivement les deux guerres mondiales et la répression sanglante du communisme au Chili, avec leur lot d'horreurs et de violences. Mais l'auteur sait, grâce à la langue somptueuse qu'il déploie tout au long du roman, donner aux évènements et personnages une force à la fois épique et onirique.
Grâce à son style élégant et à son talent de conteur, c'est la beauté qui prédomine, même au coeur des drames que traverse la famille Lonsonnier, et on se laisse emporter par cette plume singulière. Car le français n'est pas la langue maternelle de Miguel Bonnefoy. Et si l'exercice n'en est que plus brillant, cela confère aussi à son écriture une touche particulière. Car la langue est travaillée, foisonnante et brodée avec finesse. Et ce raffinement, joint à la fluidité des mots et un rythme sans faille, donne au récit toutes ses couleurs et sa force poétique.
"- Il est le premier aviateur, conclut Aukan. Margot trembla. Une question lui monta aux lèvres sans qu'elle eût songé à la retenir : - Le premier quoi? Ces mots prononcés avec la précipitation de la jeunesse furent pour elle comme une prophétie. A compter de ce jour, elle vécut le prologue d'une vocation. Bien des années plus tard, Aukan devait avouer que la lévitation de la bague n'était qu'un vieux tour de magie nécessitant simplement un fil invisible extra-fin, deux boules de cire sur chaque ongle et un bon scénario. Il avait pensé, grâce à sa performance, lui enseigner l'art de l'illusion. Il en fit une aviatrice.
Miguel Bonnefoy, Héritage, Rivages, 206 p.
Légende photo : Jérôme Garcin, Hervé Le Tellier, Rachida Brakni, Marthe Keller, Gaël Faye, Kamel Daoud, Rebecca Dautremer, Emmanuel Lepag
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