Le Centre National de Documentation Pédagogique met à la disposition des professeurs – et des élèves – une nouvelle collection d’ouvrages philosophiques audacieux et ambitieux. Face à un programme éducatif extrêmement large, de l’inconscient à la pensée économique, la série d’ouvrages, intitulée Philosophie en cours, prend le risque de choisir une seule notion, et de présenter, ou plutôt d’explorer la pensée d’un auteur autour de ce thème, en une centaine de pages. Pari tenu.
A l’étage de la Librairie de l’Education, la voix grave d’Hadi Rizk, directeur de la collection Philosophie en cours, couvre les quelques chuchotements d’un public venu assister à la présentation de la série d’ouvrages, composée pour l’instant de trois titres. Il revient sur sa propre expérience d’étudiant en philosophie, et notamment sur sa lecture des Cahiers Philosophiques, eux aussi édités par le CNDP. Les trois ouvrages présentés sont Giambattista Vico et l’histoire de Denis Collin, Leo Strauss et le problème de l’interprétation par Gérald Sfez et Russell-Wittgenstein : la vérité et la logique d’Alain Chauve. Hadi Rizk le précise d’emblée : les auteurs affiliés à la collection sont tous philosophes ou professeurs de philosophie, à un niveau qui va du lycée à l’université, qui ne sont « singularisés que par leur nom », afin de s’adresser à toute « la communauté des professeurs de philosophie, et, au-delà, des étudiants, des aspirants à ce métier. »
« Lire des textes, alimenter sa réflexion, si possible écrire, se soumettre au dialogue » énumère Hadi Rizk, autant d’actes de pensées qui font le bon philosophe et qui justifient ces ouvrages. Sans oublier, bien évidemment, la « visée pédagogique », qui se doit d’allier « simplicité » et réflexion. La raison pour laquelle la collection présente dans chaque titre « une question, un auteur ». Loin du corrigé froid et mécanique proposé par les annales du baccalauréat, à mille lieues de la synthèse thématique ou du résumé d’ouvrage, les philosophes ont clairement choisi « la lecture du texte », puis « une pensée, une hypothèse ». A la manière d’un Socrate pratiquant l’art d’accoucher les esprits, les auteurs proposent donc un point de vue partial et passionné (et non « la vérité sur une notion ou sur un auteur » comme le précisera un peu plus tard Gérard Sfez), qui invite d’autant plus les lecteurs à entamer une réflexion personnelle pendant et après la découverte des ouvrages.
Gérard Sfez prend ensuite la parole pour présenter son étude consacrée à Léo Strauss et le problème de l’interprétation.
Il souligne, avant de débuter réellement son descriptif, l’importance de l’apprentissage « d’une manière de penser générale d’un philosophe », qui reste « ouverte » et permet de construire sa propre recherche personnelle. Il l’admet volontiers, la question de l’interprétation est « plutôt difficile », mais il a souhaité la mettre à portée du « plus large public », se faisant là l’écho de la ligne de conduite explicitée par Hadi Rizk. Déjà auteur de deux ouvrages sur Leo Strauss, Gérard Sfez entend désamorcer quelques idées reçues et réhabiliter l’interprétation comme un « acte philosophique qui a sa propre rigueur ». Leo Strauss, philosophe allemand de la première moitié du XXème siècle, auteur, entre autres, de La persécution et l’art d’écrire ou Pourquoi nous restons juifs ?, fut en effet captivé par la question de l’interprétation, notamment des textes antiques (comme ceux de Platon) bibliques ou médiévaux, en somme, des textes littéraires. C’est la vision novatrice de Leo Strauss sur l’interprétation que Gérard Sfez a voulu mettre en valeur : « un second sens, puis un troisième, puis un quatrième, mais de façon réglé, en fonction de procédures d’établissement de ces différentes significations ».
Les programmes de l’Education Nationale ont longtemps boudé Giambattista Vico et toute sa réflexion historique, malgré le crédit qui lui est accordé en Italie.
Il est vrai que les ouvrages de ou sur l’auteur sont très rares, comme le déplore Denis Collin, auteur de Giambattista Vico et l’histoire. Pourtant, l’écrivain Jules Michelet, auteur du Peuple, avait traduit les Principes de la philosophie de l’histoire du philosophe italien en 1827, mais depuis, plus rien ou presque. Auteur peu connu donc, aussi bien chez les professeurs que chez les élèves, qui imaginent plutôt sous le patronyme « une marque de pomme chips » s’amuse Denis Collin. « Philosophe presque sans postérité », Giambattista Vico, anticartésien convaincu, a pourtant fourni une œuvre passionnante, difficile d’accès il est vrai, tant il accorde une grande place aux mythes, « parfois fantaisiste » accorde Denis Collin. L’auteur explique qu’il a souhaité démêler la pensée de Vico, ses attaques contre Descartes, auquel il préfère Bacon, empiriste par excellence. S’il considère l’histoire comme un progrès (à la manière de Kant dans l'Idée d’une histoire universelle, l’habituel texte étudié en cours de philosophie), il pense que la dernière phase de l’humanité sera un retour aux mœurs barbares de ses origines. Et Denis Collin de conclure, goguenard : « Ce qui ouvre la voie de la décadence et le retour des barbares, selon Vico, c’est la production de lois à n’en plus finir. Si vous ne voyez pas de rapport avec notre époque… » Belle démonstration de la nécessité de la philosophie.
Alain Chauve explique d’abord qu’il a écrit « ce petit livre avec un grand plaisir », avant de justifier son choix quant au sujet de celui-ci. A Cambridge, entre 1910 et 1914, Bertrand Russell et l’un de ses étudiants, qui n’est autre que Ludwig Wittgenstein, s’affrontent.
Gérard Sfez, Leo Strauss et le problème de l'interprétation, CNDP
Denis Collin, Giambattista Vico et l'histoire, CNDP
Alain Chauve, Russell-Wittgenstein: la vérité et la logique, CNDP
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