Longtemps délaissée par les grandes maisons d’édition, la nouvelle trouve aujourd’hui une seconde jeunesse grâce au livre numérique…
Fait historique pour l’Académie suédoise, le prix Nobel de littérature 2013 a été décerné à la canadienne anglophone Alice Munro, 82 ans.
Pour le jury de la célèbre académie, « Munro est appréciée pour son art subtil de la nouvelle, empreint d'un style clair et de réalisme psychologique. » Mais au delà du talent certain de l’auteur, cette récompense sacre la nouvelle comme art enfin reconnu en littérature. L’occasion de se pencher sur ce genre qui est en train de séduire un public grandissant avec l'avènement des livres numériques et des nouvelles pratiques de lecture…
Provenant
de l’Italien « novella », signifiant « information », la nouvelle désigne à ses
débuts des contes de la vie quotidienne, drôles ou instructifs. Nées au Moyen
Age, les nouvelles étaient distribuées gratuitement aux chalands dans la rue. Au
XVIIème siècle, Cervantès et
Madame de La Fayette commencent à populariser ce type de récit avec Don Quichotte et La Princesse de Clèves.
Mais c’est le XIXème siècle qui marque véritablement l’âge d’or de
la nouvelle et sa transition vers la fiction. De Stendhal à Zola, de Balzac à Flaubert en passant par Edgar Poe ou Herman Melville hors
hexagone, ces histoires courtes plaisent au grand public par leur format et leur
liberté de ton. Baudelaire écrivit à propos du genre de la nouvelle –à propos d’Edgar Poe : « Elle a sur le roman à vastes
proportions cet immense avantage que sa brièveté ajoute à l’intensité de
l’effet. Cette lecture, qui peut être accomplie tout d’une haleine, laisse dans
l’esprit un souvenir bien plus puissant qu’une lecture brisée, interrompue
souvent par le tracas des affaires et le soin des intérêts mondains. L’unité
d’impression, la totalité d’effet est un avantage immense qui peut donner à ce
genre de composition une supériorité tout à fait particulière, à ce point
qu’une nouvelle trop courte (c’est sans doute un défaut) vaut encore mieux
qu’une nouvelle trop longue. L’artiste, s’il est habile, n’accommodera pas ses
pensées aux incidents, mais, ayant conçu délibérément, à loisir, un effet à
produire, inventera les incidents, combinera les événements les plus propres à
amener l’effet voulu. Si la première phrase n’est pas écrite en vue de préparer
cette impression finale, l’œuvre est manquée dès le début. Dans la composition
tout entière il ne doit pas se glisser un seul mot qui ne soit une intention,
qui ne tende, directement ou indirectement, à parfaire le dessein
prémédité. »
Toutefois, si des écrivains comme Nathalie Sarraute ou Jean-Paul Sartre perpétuent ce mode d’écriture au XXème siècle, on observe un progressif déclin de la nouvelle au profit du roman. Même si le célèbre « J’aimerais que quelqu’un m’attende quelque part » fut la révélation d’Anna Gavalda. Sauf dans les pays anglo-saxons où des écrivains comme Alice Munroe ou Alison Lurie lui ont donné ses lettres de noblesse.
Pourtant, même si le célèbre « J’aimerais que quelqu’un m’attende quelque part » fut la révélation d’Anna Gavalda, il est encore jusqu’à aujourd’hui très difficile pour un auteur - même reconnu - de faire publier ses nouvelles chez les éditeurs papier dits « traditionnels ». En compétition pour dénicher le prochain best-seller, ces derniers ne peuvent en effet pas se permettre de prendre le risque de changer de format. Mais les choses changent depuis quelques années avec le développement du numérique. Induisant une nouvelle forme de lecture, plus rapide et discursive, la lecture sur tablette contribue au renouveau des récits courts. Faciles à lire, brèves et dynamiques, les nouvelles sont de plus en plus téléchargées sur les librairies en lignes. Elles accompagnent le lecteur lors de son trajet en métro quotidien, dans la salle d’attente de son médecin ou encore au bistrot du coin où il prend son café. « Ça se lit facilement, on ne perd pas le fil comme c’est parfois le cas avec les romans, trop longs, qu’on a pas forcément le temps de finir. Et puis ces nouvelles sont souvent liées les unes aux autres et on attend impatiemment de pouvoir télécharger la suite le lendemain ! » nous confie Marianne, lectrice assidue de nouvelles. Un succès qui est à mettre en parallèle avec le phénomène des séries télés qui fonctionnent exactement sur le même principe.
Les auteurs, de leur côté se félicitent de la liberté retrouvée qu’offre le numérique à travers l’auto-édition. De plus en plus d’écrivains utilisent à présent le numérique pour publier leurs formats courts qui jadis traînaient au fond des tiroirs. Ainsi David Messager, auteur d’un recueil de nouvelles Hôtel Bogota (Librinova) affirme que « l’auto-édition en ligne permet de s’affranchir des contraintes de l’édition traditionnel, de faire abstraction des attentes supposées du marché tout en renouant avec une écriture plaisir. »
La nouvelle est-elle en train de devenir le nouveau format de lecture du XXIème siècle ? Elle est certainement en train de connaître une nouvel engouement et s'adapte sans nul doute avec le plus de concordance aux modes de vie de l’ultra-mobilité.
Pour s’initier au plaisir de la lecture petite liste très subjective, voici nos dix coups de cœurs d’œuvres de nouvelles :
- Histoires argentines de Rodrigo Fresan
- Histoires extraordinaires d’Edgar Allan Poe
- Nouvelles de Pétersbourg de Nicolas Gogol
- Tous n’étaient pas des anges de Joseph Kessel
- Lettres de Londres de Julian Barnes
- Le K de Dino Buzzati
- Les neiges du Kilimandjaro d’Ernest Hemingway
- Comme le fleuve qui coule de Paulo Coelho
- La voie martienne : et autres nouvelles d’Isaac Asimov
- Poèmes saturniens et autres recueils de Paul Verlaine
>>Pour aller plus loin : Librinova propose aux auteurs l’auto-publication numérique. Une nouvelle manière pour eux de publier leur livre dans un très grand nombre de librairies numériques en toute liberté. Pour plus de renseignements : aller sur le site de Librinova.
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Les avis
J'approuve totalement le choix du K ! Les nouvelles de Buzzati sont sèches et vertigineuses, vraiment inoubliables.