Homme de lettres reconnu et très controversé à son époque, Oscar Wilde a connu le pire et le meilleur. Il a vécu sa vie intensément bien qu’elle fut assez courte. Il a laissé derrière lui des poésies, des pièces de théâtre, des nouvelles mais surtout un roman, son seul roman « Le portrait de Dorian Gray ». Ses œuvres et sa vie démontrent une avance incontestable sur son temps qui se traduit dans son existence même, et qui ne lui sera pas toujours profitable. A l’occasion de la première grande exposition française, qui lui est consacrée, le Musée du Petit Palais, revient sur le parcours singulier d’Oscar Wilde.
« J'ai mis tout mon génie dans ma vie; je n'ai mis que mon talent dans mon œuvre. » fut une confidence qu'Oscar Wilde fit à André Gide en 1891. Cette célèbre citation dépeint parfaitement sa vie. En examinant sa biographie, il est assez clair, que l’auteur a préféré vivre sa vie pleinement et se concentrer principalement sur la beauté de l’écriture dans ses œuvres.
Oscar Wilde, de son nom complet Oscar Fingal O'Flahertie Wills Wilde, est un écrivain irlandais. Il est né à Dublin en 1854 dans une famille protestante. Son père, William, est le chirurgien officiel de la reine Victoria. Sa mère est poétesse. Connue sous le nom de Speranza c’est elle qui donne à son fils le goût des lettres. Oscar Wilde a fait de brillantes études, il est diplômé d’Oxford et a également obtenu un prix de poésie en 1878 pendant ses années universitaires. A cette époque il se fait très vite remarquer pour ses idées et son style dandy. Il est en effet, un fervent défenseur de « l’art pour l’art », mouvement en opposition avec le naturalisme de Zola. Il animera notamment de brillantes conférences à ce sujet aux Etats Unis. Après un arrêt en France, où il rencontra de nombreux auteurs comme Verlaine, Hugo et Zola, il retourne en Angleterre où il publie ses œuvres qui le rendront célèbre comme Le Prince heureux et autres contes (1888), Le Portrait de Dorian Gray (1890) ou Salomé (1891).
Cependant, parvenu au sommet de sa gloire, Oscar Wilde est attaqué dans son pays pour vivre de manière trop excentrique pour l’époque et reçoit une plainte en 1885 pour délit d’homosexualité par le père de son amant Alfred Bruce Douglas. Oscar Wilde est condamné à deux ans de travaux forcés. Il exécute sa peine dans les prisons de Pentonville, Wandsworth et Reading. Il finira par quitter l’Angleterre pour la France où il terminera sa vie. Il meurt en 1900 dans le plus grand dénuement et reçoit un enterrement de sixième classe.
A travers l’esthétique de ses œuvres, Oscar Wilde se prêtait volontiers à une critique acerbe de la société dans laquelle il vivait, non sans oublier son fameux humour. Revenons sur ses œuvres majeures qui ont fait la notoriété de l’écrivain irlandais.
Le portrait de Dorian Gray (1890) : Dorian Gray est un jeune dandy qui grâce à la magie d’un vœu conserve la beauté de sa jeunesse. Seul son portrait vieillira et assumera le fardeau de ses passions et de ses péchés. Le jeune homme va alors s’abandonner à toutes les expériences pour rechercher les plaisirs secrets et raffinés. Ce roman joue la carte du double je, d’un côté l’homme et de l’autre son portrait. L’homme reste jeune et beau sans subir aucun dommage. Le portrait quant à lui va refléter l’âme de Dorian Gray. Au fil des péchés et des passions que va assouvir le jeune dandy, le portrait va s’assombrir et s’enlaidir. Dans ce roman, Oscar Wilde fait la caricature de la bourgeoisie anglaise fantaisiste et oisive. Le personnage de Dorian Gray est le paroxysme d’une société où l’apparence est reine. Ce livre scandalisa l’Angleterre victorienne. On reprocha d’ailleurs à l’écrivain, de vivre ce qu’il écrivait. Oscar Wilde répondra aux critiques par cette célèbre phrase qui témoigne de son appartenance au mouvement de l’Esthétique, c’est-à-dire l’art pour l’art ; "Il n'existe pas de livre moral ou immoral. Un livre est bien écrit ou mal écrit, un point, c'est tout."
Salomé (1881) : Salomé, princesse de Judée, est la fille d’Hérodias. Après la mort de son mari Hérodias épouse Hérode, son beau-frère. Le prophète Iokanaan critique l’union d’Hérode et Hérodias qu’il qualifie d’incestueux. Ce jugement lui vaut d’être enfermé dans une citerne. Salomé est regardée par tous les hommes. Cependant elle est tellement subjuguée par ce prophète, qu’elle désire le rencontrer. Néanmoins Iokanaan ne veut pas la voir et l’insulte à son tour. Hérode, attiré par sa nièce lui demande de danser pour lui et lui propose en échange de lui offrir ce qu’elle désire. Salomé, après s’être exécutée demande la tête du prophète Iokanaan.
La version originale de cette tragédie a été écrite en Français par Oscar Wilde. Il faudra attendre trois ans avant que ne soit publiée une version en anglais. Si l’écrivain décide d’écrire sa pièce dans la langue de Molière, c’est par amour de la langue mais plus particulièrement à cause de l'importance du mythe de Salomé dans la littérature française et pour que Sarah Bernhardt interprète le rôle.
De Profundis (1897) : De Profundis est une longue lettre écrite par Oscar Wilde à son amant Alfred Douglas depuis la prison de Reading. Après un an et deux mois d'emprisonnement, l’écrivain a le privilège de pouvoir posséder un petit matériel d’écriture à l’unique condition de remettre chaque soir ses écrits et le matériel aux autorités pénitentiaires. Bien qu’elle s’adresse à son amant, cette lettre écrite par Oscar Wilde n’est pas seulement une lettre d’amour. Elle témoigne de la tristesse et de l’atroce solitude que l'écrivain a vécue pendant sa détention et aussi de sa méditation sur l’homme et la société. Dans cette œuvre,Oscar Wilde ne s’attarde pas essentiellement sur l’esthétique, mais dévoile surtout ses sentiments. Il essaie de comprendre et d’analyser comment il en est arrivé là. Malgré un récit très sombre, la lettre reste toujours aussi poétique. On y retrouve le style recherché de l’auteur. De Profundis est d’ailleurs considéré comme l’un des plus beaux témoignages qui existe sur la passion.
Si Oscar Wilde était un homme très controversé à son époque c’est surtout parce qu’il était en avance sur son temps et beaucoup trop moderne pour la société dans laquelle il vivait.
Qui aurait pu se douter qu’à travers Le Portrait de Dorian Gray, Oscar Wilde pointerait un phénomène encore omniprésent dans la société actuelle ? En effet à l’heure du selfie, des crèmes antirides, du botox, et des diktats physiques du monde de la mode, il est permis de penser que le narcissisme et la recherche du « Toujours plus jeune, toujours plus beau » sont plus que jamais d'actualité. Dans son célèbre et unique roman, Oscar Wilde anticipait les dérives modernes du narcissisme à travers la superficialité et l’égoïsme du héros. Cependant on peut aussi avoir une autre analyse sur la question. Ne serait- ce pas la société qui a assombri Dorian Gray ? La société et les personnes qui entourent le personnage ont un aspect néfaste sur celui-ci. A force d’entendre continuellement qu’il est beau, sa beauté devient une obsession pour lui. C’est notamment ce que l’on retrouve dans notre société. Il existe une certaine idéologie d’un être parfait que nous vendent les magazines, les réseaux sociaux ou le cinéma. Toute personne normale se sent dévalorisée et tente tant bien que mal d’arriver à cet idéal. Oscar Wilde à travers le personnage principal de son roman, Dorian Gray, représente déjà la jeunesse actuelle qui vit en pleine société de l’image.
La modernité d’Oscar Wilde ne se trouvait pas seulement dans ses œuvres, mais aussi dans sa vie. Peu de temps après son mariage avec Constance Lloyd et la naissance de ses deux enfants, Oscar Wilde rencontre Robert Ross et assume son homosexualité. A cette époque, les rapports homosexuels étaient interdits. Il faut savoir qu'une loi de 1885 interdisait les relations homosexuelles, même entre adultes consentants. Le véritable scandale autour de son homosexualité éclata lorsque le père de son amant Alfred Douglas, le poursuivit en justice et porta plainte pour sodomie. Malgré tout Oscar Wilde ne s’inclina pas. Face au tribunal, l’arrogance de l’écrivain témoignait de son mépris des mœurs ordinaires. Revendiquer son amour pour les hommes était inconcevable dans une Angleterre victorienne. De nombreuses critiques mélangeaient sa vie personnelle et ses œuvres « Comment apprécier un livre dont l'auteur, vice suprême, semble avoir quelque attirance pour les hommes ? ». Oscar Wilde purgea sa peine pendant ces deux longues années (peine maximale pour ce « délit » à cette époque). Cet enfermement lui inspira cette phrase au ressenti encore actuel «Tolérance, intolérance... Aimer qui nous aime et qui l'on veut aimer... L'amour est à réinventer...».
> Retrouver notre article sur l'exposition d'Oscar Wilde au Petit Palais ici
>Exposition, Oscar Wilde, L'impertinent du 28 septembre 2016 au 15 janvier 2017 au Petit Palais
Légendes : Toutes les photos qui illustrent cet article proviennent de l'exposition du Petit Palais (in courtesy Musée du Petit Palais)
>Découvrir la vidéo de présentation de l'exposition
Teaser | Exposition Oscar Wilde | Petit Palais par paris_musees
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