Hommages

Philippe Sollers a rejoint l'Infini

Philippe Sollers est mort le 5 mai 2023, à 86 ans. Le pape des lettres qui a régné sur l'édition française pendant près de cinquante ans, laisse une empreinte forte dans le monde littéraire du XXe siècle. A la fois comme auteur, éditeur, voire même inspirateur, influenceur avant l'heure ou débatteur, n'hésitant pas à défendre avec fougue certaines idées iconoclastes. Hommages.
>Lire aussi notre article qui relate une rencontre entre Philippe Sollers et Daniel Picouly

Philippe Sollers © Francesca Mantovani /Gallimard Philippe Sollers © Francesca Mantovani /Gallimard
On le croyait insubmersible avec son légendaire fume-cigarette et son œil rieur. Mais la nouvelle est tombée. Philippe Sollers est mort. Celui qui était né Philippe Joyaux le 28 novembre 1936 près de Bordeaux était un être aux mille facettes. Dans Portrait du joueur (Gallimard, 1984), il s'était expliqué sur son pseudonyme : «Pourquoi j’ai pris un pseudonyme ? Parce que j’étais mineur quand j’ai publié mon premier roman. La famille ne plaisantait pas, voulait que je m’engage elle aussi, mais dans les affaires… Menaçait de faire interdire le livre… Province !…» Derrière le mot Sollers se cachait à peine le mot Soleil. L'auteur de Femmes, de La guerre du goût ou de La fête à Venise, fondateur des revues Tel Quel et l'Infini ne détestait pas se comparer à un astre. Brillant, insolent, oscillant entre audaces exploratoires et fascination pour la belle écriture classique, sa fidélité aura été avant tout vers son amour de la littérature. Conformément à ses vœux, il sera inhumé dans l'intimité à Ars en Ré après une cérémonie catholique. La rédaction Viabooks présente ses plus sincères condoléances à sa famille, en particulier à sa femme Julia Kristeva.

Le communiqué des éditions Gallimard

Le communiqué des Editions Gallimard, qui était comme sa seconde famille a été publiée, officialisant la nouvelle : Les Éditions Gallimard ont la grande tristesse de faire part du décès de Philippe Sollers, né Philippe Joyaux, survenu le 5 mai 2023, à l’âge de quatre-vingt-six ans.
L’homme épris de liberté et des beautés de ce monde, l’amoureux des beaux-arts, de la musique et des lettres célébrant le sacré d’ici-bas, l’infatigable animateur de la vie intellectuelle et littéraire qui créa et anima avec ses amis les revues Tel quel (1960) et L’infini (1983), l’auteur d’une œuvre romanesque novatrice et anticonformiste et d’essais critiques à la sensibilité universelle, l’ami furtif et attentif qui n’a jamais renoncé à dire que « le bonheur est possible », a rejoint « la vérité du grand merveilleux silence. »
« Je suis venu, j’ai vécu, j’ai rêvé. »
Qu’il repose en paix.

Le trait de plume de Daniel Sarfati

Daniel Sarfati a tout de suite réagi à la mort de l'écrivain avec un de ses traits de plume incisifs 
« Bref, quoi ?
C’est un auteur licencieux ?
Un homme de goût opportuniste ?
Un agent très secret ? Un courtisan ?
Un aimable épicurien flottant, sans jamais sombrer, sur les vagues d’une histoire déchaînée ?
Un protégé des femmes ?
Un conseiller des ombres ?
Un homme du passé ayant victorieusement franchi l’épreuve du futur ?
Un écrivain de génie préférant le silence ?
Un visionnaire ?
Un jouisseur ?
Un intriguant ?
Un sage ?
Tout cela sans doute. »
Ainsi, Philippe Sollers tentait de définir ce que fût le baron Dominique Vivant Denon.
Vivant Denon, écrivain libertin du XVIIIème siècle, fondateur sous le Premier Empire du Musée du Louvre actuel.
Philippe Sollers aurait pu tout aussi bien parler de lui-même.
Philippe Sollers  est décédé ce 5 mai 2023. »

La réaction de Pierre Michon

«Sollers est mort.
Etrange peine. Deuil profond. Je le connaissais peu mais je l'aimais. On savait qu'avec lui la bêtise ne pourrait triompher tout à fait. Il nous protégeait du vide. Qui, maintenant, sans lui ? »

La réaction d'Elisabeth Roudinesco

« La mort de Philippe Sollers, le 5 mai 2023
Adieu Philippe et toutes mes pensées à ceux que tu aimais et qui sont nombreux.
Il faudra bien un jour écrire l’histoire de cet étonnant écrivain, d’une érudition éclatante, immergé dans le XVIIIème siècle et dans l’œuvre de Sade. Il aura occupé, comme romancier, éditeur, chroniqueur littéraire (Les Lettres françaises, Le Monde, le JDD) – tous les métiers du livre - une place centrale dans les débats intellectuels de la deuxième moitié du XXème siècle, à travers la revue Tel Quel (publiée au Seuil) puis L’infini (Gallimard). De son amitié avec Georges Bataille et Roland Barthes à ses interventions dans les débats sur le rôle des avant-gardes, il aura été de ceux qui abordaient, dans toutes ses dimensions, la question de l’écriture. Aussi a-t-il dialogué avec les penseurs et écrivains français les plus importants de son époque : Louis Aragon, Michel Foucault, Jacques Derrida, Jacques Lacan, notamment.
Il publiait ce qu’il aimait, au-delà des clivages et il a toujours manifesté une sainte horreur envers ce qu’il appelait « la boue noire de l’occultisme ». D’où son amour, non négociable, de l’œuvre de Freud. On l’accusé de tout : opportunisme, fumisterie, reniements. Ce n’était pas cela : les changements de cap témoignaient chez lui d’une certaine fidélité à l’idée qu’il se faisait de la nécessité permanente des transgressions. Et chez ses adversaires, il respectait avant tout l’intelligence et le talent. Il était généreux en tout.
Et puis n’oublions pas le scandale provoqué par sa chronique du Monde, le 28 janvier 1999, toujours d’actualité : « Elle était là, elle est toujours là, on la sent, peu à peu, remonter en surface : la France moisie est de retour. Elle vient de loin, elle n’a rien compris ni rien appris, son obstination résiste à toutes les leçons de l’Histoire, elle est assise une fois pour toutes dans ses préjugés viscéraux. Elle a son corps, ses mots de passe, ses habitudes, ses réflexes (…) Il y a une bêtise française sans équivalent, laquelle, on le sait, fascinait Flaubert. L’intelligence, en France, est d’autant plus forte qu’elle est exceptionnelle. La France moisie a toujours détesté, pêle-mêle, les Allemands, les Anglais, les Juifs, les Arabes, les étrangers en général, l’art moderne, les intellectuels coupeurs de cheveux en quatre, les femmes trop indépendantes ou qui pensent, les ouvriers non encadrés, et, finalement, la liberté sous toutes ses formes. »

La réaction de Jacqueline Bayol, du groupe Facebook  La Vraie Vie c'est la littérature

Philippe Sollers... il vient de quitter la littérature...
Je suis triste...
J'avais gardé ce morceau d'interview que( mais je ne sais plus avec qui) j'avais relevé, certainement à cause de Proust et de Vincent Froté qui nous en a tant parlé :
"Le rire… Très important, le rire. Le rire qui est lié à l’érotisme… Il y a une scène fameuse, vous savez, chez Proust avec Mademoiselle Vinteuil. C’est une scène tout à fait importante, parce qu’on a le son. Il y a deux exemples. Le premier, c’est lorsqu’il surprend Charlus et Jupien dans la cour des Guermantes. Là, il n’est pas voyeur, il ne voit pas ce qui se passe, mais il entend des cris, enfin bon, ils sont en train d’avoir une relation homosexuelle. Et la deuxième, c’est la révélation qu’il a dans un buisson. Il voit par la fenêtre Mademoiselle Vinteuil et Albertine qui ont aussi une relation homosexuelle. Mais ce qui le frappe le plus, c’est que, tout à coup, elle disparaît dans le fond de la chambre, et là Albertine – et ça le rend jaloux – a une sorte de rire… Ou bien la jouissance sexuelle fait rire, ou bien pas… Donc, si c’est plutôt réussi, ça fait rire ! C’est très évident dans les réactions féminines, c’est absolument audible. Donc, le rire ici est un rire de jouissance, de satisfaction… Mais pas seulement… Il faut qu’il y ait le rire, mais il faut qu’il y ait aussi un certain silence contemplatif, plus intérieur… Une syllabe. On peut travailler sur la syllabe sacrée, indienne, – j’ai écouté beaucoup de musique indienne quand j’écrivais Paradis, c’est-à-dire, vous savez, ce qu’on appelle le [ôm]… Alors, peut-être ce son, qui est censé vous conduire à une sorte d’extase… Mais le rire aussi est bien. Et comme le dit Céline : « les muses ne rient bien que branlées »".

SÉLECTION DE RÉACTIONS SUR TWITTER

La réaction d'Élisabeth Borne, Premier Ministre

« Philippe Sollers vient de nous quitter. 
Figure du paysage littéraire français, son travail inlassable sur la forme, sa recherche du beau, resteront une source d'inspiration pour les générations à venir. 
Mes pensées vont à sa famille et à tous ceux touchés par son œuvre. »

La réaction  de la Ministre de la Culture Rima Abdul Malak

«Romanesque, c’est le mot qui vient à la disparition de Philippe Sollers. Il était ce personnage indomptable, inclassable, au regard taquin et à l’esprit vif, qui avait érigé la provocation en art et bousculé notre époque. Nous venons de perdre un Joyau unique de la littérature. »

La réaction de Bernard-Henri Lévy 

«Philippe Sollers est mort… Il était si vivant que je ne pensais pas, franchement, avoir à écrire un jour ces mots.»

La réaction en dessin de Jul

La réaction de la journaliste et autrice Lise Loumé 

« Triste d'apprendre la mort de Philippe Sollers aujourd'hui. J'avais eu l'immense privilège de voir un de mes articles sélectionné dans sa collection L'infini aux éditions Gallimard en 2016. »

>Lire aussi notre article qui relate une rencontre entre Philippe Sollers et Daniel Picouly

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