Hédi Kaddour raconte le Maroc colonisé du début du XXe siècle

Hédi Kaddour, un homme de lettres

D’un père tunisien et d'une mère française, agrégé de lettres modernes, traducteur d’anglais, d’allemand et d'arabe, Hédi Kaddour porte la littérature en héritage. Il a enseigné la littérature française ainsi que la dramaturgie à l'École Normale Supérieure de Lyon et l'écriture journalistique au Centre de Formation des Journalistes. Il est aujourd'hui professeur de littérature française à la New York University in France et responsable de l'atelier d'écriture de Sciences Po Paris. Il est rédacteur en chef adjoint de la revue Po&Sie, et fournit des chroniques littéraires au Monde des livres, à Libération et au Magazine littéraire. Poète puis écrivain, Hédi Kaddour a publié plusieurs recueils de poèmes parus aux éditions Gallimard, il publie en 2005 son premier roman Waltenberg, qui plonge dans l'histoire des hommes et des lettres du XXème siècle et qui a reçu le Prix Goncourt du premier roman et le Prix du premier roman, et a été classé « Meilleur roman français de l'année 2005 » par le magazine Lire. Cet ouvrage fut traduit en anglais ainsi qu’en allemand. Cinq années plus tard, Hédi Kaddour revient avec un nouveau roman, Savoir-vivre, traduit également en allemand. Les prépondérants est son troisième ouvrage. Un livre qui montre que le paysage des lettres françaises va désormais compter avec lui.

"Les prépondérants", un voyage dans le temps

Les « prépondérants » sont les notables, colons français des années 20 qui prétendent être supérieurs à la population locale, aux « indigènes ». L’histoire se déroule en 1922, des Américains venus d’Hollywood s’installent à Nahbès, une ville au cœur même du Maghreb, pour y tourner un film. Raouf, Rania, Kathryn, Neil, Gabrielle, David, Ganthier et d'autres vont être les spectateurs, mais aussi les acteurs de ce choc culturel qui a lieu entre l’équipe de tournage du film qui vend le rêve américain aux jeunes de la ville, les habitants plus rustres et traditionnels ainsi que les colons français. Mélange mais aussi incompatibilité des langues, des cultures, des pouvoirs, des us et coutumes . Cette perturbation soudaine va pousser tous les personnages de ce livre à se réaliser, s’adapter, se révolter mais aussi à s’aimer. Ce nouveau roman d’Hédi Kaddour nous fait faire un saut dans le temps, mais aussi nous fait voyager à travers trois continent : l’Amérique en expansion, l’Europe encore stigmatisée par la Première Guerre Mondiale et l’Afrique colonisée.

Des personnages éclectiques et unis

Un rôle, un pouvoir, une voix, tous ces personnages, ont une véritable importance comme l'écrit Hédi Kaddour. Jeunes tunisiens, journaliste ou colon français, réalisateur ou actrice américains, ils forment un groupe de héros singuliers qui, tous différemment, s’imposent tour à tour dans ce roman. Au milieu de l’agitation des années 20, là où les cultures s’entrecroisent, s’attirent et s’inspirent, l’auteur nous présente le Maghreb sous protectorat français en proie à la modernité du cinéma hollywoodien. Raouf, l’un des personnages tombera amoureux et vivra une relation passionnelle avec l'actrice principale qui est aussi la femme du réalisateur. Passion et désillusion. On sent que le film est aussi dans l'artifice de la situation générale. 

Pourquoi  marque-t-il la rentrée littéraire ?

L’écriture vive et minutieuse d’Hédi Kaddour font de son roman Les prépondérants un ouvrage captivant, comprenant de nombreuses histoires. Il s'agit aussi d'un document fort sur le Maghreb colonisé de 1920, tiraillé entre d’éternelles  traditions et l’envie de modernité. L’auteur signe  un ouvrage sur les affrontements du XXème siècle et le réussit avec finesse, en évitant les écueils des clichés. Les prépondérants allie romantisme et fortes confrontations, avec élégance et juste distance. Le livre est électionné sur la liste de nombreux prix, dont le Goncourt. A juste titre. Nous espérons qu'il sera primé d'une manière ou d'une autre, car ce livre est important pour la littérature, comme pour la mémoire et la conscience.