Vous me demandez, frère, si j’ai
aimé ; oui. C’est une histoire singulière et terrible, et, quoique j’aie
soixante-six ans, j’ose à peine remuer la cendre de ce souvenir. Je ne veux
rien vous refuser, mais je ne ferais pas à une âme moins éprouvée un pareil
récit. Ce sont des événements si étranges, que je ne puis croire qu’ils me
soient arrivés. J’ai été pendant plus de trois ans le jouet d’une illusion
singulière et diabolique. Moi, pauvre prêtre de campagne, j’ai mené en rêve
toutes les nuits (Dieu veuille que ce soit un rêve !) une vie de...
LE CHATEAU DE LA MISERESur le revers d'une de ces collines décharnées qui bossuent les
Landes, entre Dax et Mont-de-Marsan, s'élevait, sous le règne de Louis XIII,
une de ces gentilhommières si communes en Gascogne, et que les villageois décorent
du nom de château.
Deux tours rondes, coiffées de toits en éteignoir, flanquaient les angles d'un
bâtiment, sur la façade duquel deux rainures profondément entaillées
trahissaient l'existence primitive d'un pont-levis réduit à l'état de sinécure
par le nivelage du fossé, et donnaient au manoir un aspect féodal, avec...
PROLOGUE« J'ai un pressentiment que nous
trouverons dans la vallée de Biban-el-Molouk une tombe inviolée, disait à un
jeune Anglais de haute mine un personnage beaucoup plus humble, en essuyant
d'un gros mouchoir à carreaux bleus son front chauve où perlaient des gouttes
de sueur, comme s'il eût été modelé en argile poreuse et rempli d'eau ainsi
qu'une gargoulette de Thèbes.
- Qu'Osiris vous entende, répondit au docteur allemand le jeune lord : c'est
une invocation qu'on peut se permettre en face de l'ancienne Diospolis magna ;
mais bien des fois déjà nous avons été déçus ;...