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Guérir -quelle médecine pour quel patient -un cas particulier, la greffe d'organe(s) ?

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I - Introduction – corps que l’on est, corps que l’on a :

          Chaque individu se construit comme personne autour d’un nœud référentiel qui lui est, lui fait, identité ou intimité. Il s'agit d’un centre identitaire unitaire (hors pathologie schizophénique) nonobstant pluridimensionnel : avec un pôle corporel, un pôle conscientiel (cognitif), un pôle 'émotionnel' (sensations et affects peu ou prou conscientisés, interprétés et développés en sentiments et/ou structures de la personnalité)  et, stabilisant le tout,  un pôle mémoriel où s’inscrit le pan existentiel/existencié[1]. Un centre en évolution constante : où l’intégration des vécus est essentielle, où l’ouverture régulée est fondamentale  - entre fixation et dispersion.    

      Du bébé au vieillard donc : le même, mais différent.    

      De la table rase (ou presque) du nouveau-né à l’homme instruit de/par son existence : le même, mais plus riche de ses découvertes, émotions et vécus.     

      Du jeune loup éclatant de santé au blessé alité, amputé, désarmé, acharné, appliqué et finalement aidé d’une prothèse sur un stade d’athlétisme.     

      De cet homme qui riait, gueulait, savait...   ... à ce petit vieux qui sourit, se tait et doute de tant et tant de choses.     

      De celui qui a appris, oublié, hiérarchisé : changé en bien des points de vue et évolué en presque tout – qui dit «je» pourtant, avec raison.        

      Parce que l’identité n’est pas «l’identicité» (pardon pour ce néologisme) ; qu’elle recouvre et exige un devenir, une extension, et par suite une intégration et une mémorisation assurant d’une persistance personnelle ou ‘personale’ (de la personne comme réalité unique soutenue en intimité telle une réalité identitaire).    

      De même mais sur un autre plan, toute société fonctionne sur ses liens et passations : ce qui se transmet, s’hérite, s’échange - dans les gènes, le fonds culturel, les objets ou les structures symboliques et finalement dans la chair…     … la chair  d’un corps instrumental, d’un corps médium et médiateur, ou encore d’un corps identitaire.  Entre la ‘chose corporelle’ qu’il est en sa masse organique et le ‘corps objectal’ qu’il n’est pas  au regard de l’unité personnelle ou personale (du fait de ses sens, liances et signifiances - et par ses soutenances et devenirs). Où le corps est tant une ‘modalité’ qu’un ‘outil’  du soi en ses besoins, buts ou projets. Mais également, une ‘réalité bio-individuelle’ : offrant le monde en ses perceptions, touchers et affects  - raison pour laquelle le don de soi (d’une part organique du soi) et la reconstruction de soi (autour d’un manque ou par le biais du ‘non soi’ –organe, machine, prothèse, médication…) sont  l’une et l’autre complexes.

   II – Complexités :  

          Handicaps et maladies sont autant de miroirs où s’observe l’Homme - et tout homme. Leurs questionnements incessants recouvrent celui de l’identité – maintenue, perdue ou reconstruite.  De fait,  la pathologie met à nu les vulnérabilités et la finitude. Elle expose les métabolismes, oblige à la transparence (analyses, sondes ou perfusions…) et renvoie à la dépendance. S’agissant du corps propre, du corps vécu, elle opère un glissement de l’être  (être son corps dans l’opérativité et le plaisir - quand il s’efface de la pensée dans l’agir ou le jouir)  à l’Avoir (comme entité qui tout à coup entrave) : le «silence des organes»[2] fonctionnels fait place à une cacophonie douloureuse.    

      En d’autres termes, le corps que l’on est, que l’on a en immédiateté silencieuse et impensée, que l'on a comme substrat opérant et médiateur ou comme attribut d’intercessions, ce corps-là s’efface abruptement au profit d’un corps objectal assignant la subjectivité à sa demeure physique ou à une sorte d’enfermement.    

      Dans les faits, ce passage s’élabore dans la dépendance et dans la conscience d’un dysfonctionnement menaçant la survie (obligation d’en passer par une extériorité/altérité[3]). Reste alors une précarité d’équilibre : entre Même  (même «moi» atteint en quelques attributs, modifié seulement en quelques facettes peu définitoires)  etAutre  (le «moi» devenu étranger à lui-même ou à ses projets).  Au total, le malade est celui qui, dans l’in-fini / indéfini de ses caractéristiques, soutient/subit celle d’être «malade» : en une synthèse désorganisatrice de ‘soi’  (senti/pensé/subi)  qui n’est pas soi (voulu/ représenté ou idéalisé en modèle référentiel et horizon à construire)  mais vient cependant de soi à soi (en soi, et par ‘soi-malade’).

 

        Par l'action posée et l'attention portée, par cela même qu'il traite ou néglige (inscrit dans le pathologique ou l'en exclut, estime curable ou incurable, signifiant ou insignifiant), le médecin révèle tant les valeurs que les savoirs propres à la collectivité qui le fit (le fit avant de s'y remettre).  Sa pratique dévoile les croyances, angoisses, idéaux et réseaux sociaux. En outre et au fil du temps, diverses évolutions se donnent à voir : de l’interprétation du mal, de l’accueil social du malade, de la médecine, du médecin (en ses pouvoirs et statuts) et finalement du patients (en ses exigences et rôles). Ainsi, à l’opacité d’un univers incompréhensible (‘magique’, pluridimensionnel) répond le mage ou le médium.  A la naturalisation des phénomènes et des lois du vivant (lois ou faits bio-physiques) correspond le praticien de l’art – roi du diagnostic.  Au décryptage des codes et codons répond le médecin prométhéen   – multimédia, charismatique, fantasmatique.  Celui que l’on espère, celui que l’on craint   – que l’on vénère à la grand’messe du Vingt Heures ou que l’on vilipende en cercle étroit d’une éthique qui peut être (ultra) conservatrice. Celui que l’on sollicite dès lors qu’il y a souffrances ou manquespersonnels ; que l’on critique dans l’objectivité distante d’une analyse parfois biaisée par un psychisme rigide ou insécure. Que l’on voudrait dieu, que l’on craint diable – qui peut trop ou pas assez. Qui soigne, guérit, sauve ou restaure avec l’assurance de mille années d’une gratitude…   … le plus souvent très rapidement oubliée.  Celui, aussi, qui se heurte à ses limites ou à celle de sa discipline et que l’on rejette alors sous un flot de reproches souvent injustes. Avec ce mystère aussi vieux que l’humanité et qui tient à une relation  Patient/ Médecin où se cumulent et culbutent confidences et silences, pudeurs et  impudeurs, foi  désarmée et méfiance souterraine, attentes, refus, rancœurs, fascination et contestations. Et si la médecine s’est transformée, si le champ du pathologique  s’est modifié[4], si le statut du patient s’en est trouvé bouleversé, comme aussi ses exigences, espoirs ou suppliques, il reste à revisiter l'idée de "guérison" - et concurremment, le regard (tant social que médical) porté sur l'individu concerné : ce fameux "patient", qui l'est trop, qui l’est mal, qui l’est  insuffisamment...

 

         En nos sociétés tout au moins, les polluants ont renvoyé les forces invisibles et les esprits mauvais dans le lacis de l’inconscient; l’ennemi intérieur (gène mal codant) a supplanté l’ennemi extérieur (germes, bacilles…) et les corps mutilés ou contrefaits s’offrent aux reconstructions.  En parallèle, les états pathologiques chroniques représentent la part la plus importante des pathologies auxquelles se confrontent  nos sociétés occidentales.  Néanmoins, des pestes moyenâgeuses aux effets délétères des toxiques industriels, la maladie reste factrice de ruptures : rupture des liens au monde, aux autres et aux projets d’existence. Ou encore, rupture intime : le sujet ne peut se reconnaître en ce (son) corps modifié, en ces (ses) possibles diminués, en ces (ses) capacités amoindries ou en ces voies barrées. En d’autres termes, une pathologie chronique étend ses effets en chaque dimensions «personales» et «sociétales» : incertitudes ou angoisses vis-à-vis du futur; difficultés de projections et d’investissements en et dans ledit futur; modification de l’image de soi (en soi-même, pour soi, mais également au regard et dans le regard d'autrui); réaménagements des buts et voies existentiels; réajustements des comportements et diminutions des «possibles» (possibilités physiques, choix de vie…);  modification des rôles, statuts et relations (aux autres, au monde); mise en questions des valeurs, priorités ou hiérarchies; changements interpersonnels et intrafamiliaux; perte d’efficience ou de rentabilité (niveau socio-professionnels); recul ou amenuisement des cercles amicaux et sociaux: dépendances (physique / physiologique et financière); changements corporels/morphologiques….  Nonobstant, la capacité de faire face  (à la pathologie, à son traitement, à l’image de soi et à cette identité-là)  tient pour part au champ social/sociétal et au regard porté par  les différents tiers. Tient donc aux soutiens individuels, aux conceptions et ressentis familiaux, au degré d’intégration en des réseaux sociaux.  Mais quoi qu’il en soit, reste le malaise (que l’on dira existentiel) du patient «chronique» qui doit s’adapter en permanence lors même qui son fonds de «possibles» diminue. Avec le temps perdu et, quelque fois, l’humiliation d’une dépendance, d’une mise à nu, d’un abandon de soi au tiers – personnel médical, machine, réseaux de solidarité.  Avec un mélange détonnant de sentiments divers quand ce n’est contradictoires à l’égard des proches et des soignants: reconnaissance et ingratitude, sentiment de culpabilité et impression d’injustice, sentiments de d’impuissance et volonté féroce prenant parfois la forme de révoltes violentes, dépendances et (peu ou prou) manifestations tyranniques, angoisses, lucidité, aveuglement…   ... Avec, enfin, la possibilité d’une libération qui peut prendre la forme d’un organe offert et reçu.

    C – Déséquilibre ? 

          Aujourd’hui donc, la médecine atteint une réelle efficience ; elle est particulière en ceci que son savoir est également un savoir-faire, que son art est aussi une pratique hautement technicisée, que son objet est, avant toute autre détermination, un sujet[5] – et qu’elle a pour fonds et horizon la condition humaine et ses conditions de possibilité et d’épanouissement. Par ailleurs et à notre estime, elle a ou devrait avoir pour Fin une personne humaine duale   (de corps et d’esprit,   d’émotions et de raison,   de libertés et d’entraves,   d’attaches et de déliances). Et une personne duale tendue vers l’avenir, engagée dans un devenir et inscrite dans une aventure collective. C’est en cela que la relation patient/médecin est pour le moins particulière et délicate : d’un côté une demande, de l’autre un éventail de réponses[6]  peu ou prou adaptées. Ici l’autorité et la connaissance ; là la dépendance et l’ignorance (les unes et les autres en proportions diverses, réelles ou supposées, acceptées ou contestées). Mais aussi la norme (en son fait référentiel) et le vécu (en son senti/ressenti comme en ses échappements singuliers aux données statistiques). Le probable, et ce qu’il en advient. Le général et le singulier toujours particulier. Cela au sein d’un lieu délimité et selon une pratique ritualisée où peuvent se décliner et se nuancer autoritarisme, paternalisme ou contractualisme – et idéalisme, pragmatisme, légalisme, humanisme….  Sans omettre les lois, codes et chartres. Et parfois, les empathies, sympathies ou antipathies – admiration, fascination, détestation. Quoi qu’il en soit, il s’agit toujours d’une relation complexe, plurielle et délicate. Trop affective, elle risque d’inféoder le patient en dépendance et de perturber la pratique autant que le praticien (en son jugement, au regard des risques acceptables ou inacceptables, mais aussi en ses mécanismes de défenses face à la souffrance d’autrui). A l’opposite, trop distante ou désaffectée (scientiste), elle réifie le patient qu’elle alors assimile à un cas, à une entité biologique  ou à un objet métabolique.

    D - Pâtir : 

        Il en va de la santé comme de la « normalité » ; scientifiques, économistes, représentants de la collectivité  et individus en ont des perceptions différentes. Car les critères référentiels comme les vécus singuliers varient de l’un à l’autre – comme aussi les attentes et les gérances (d’équilibres métaboliques pour les uns, de budgets pour les autres ; de structures et d’ordres plus ou moins bien établis s’agissant de la société, et de projets, désirs et soutenances personnelles s’agissant des individus atteints). Il importe alors d’accorder attention et signifiance à ce qui se dit (la plainte), ce qui se vit (la sensation, la perception intime) et ce qui se soutient en étance situationnelle (la subjectivité personale). Et si la médecine ne peut fonctionner, et moins encore se développer, sans le recours à ces fameuses normes, moyennes, statistiques, objectivations et extériorisations (des différents paramètres et des métabolismes ou autres fonctionnements viscéraux), il importe de préserver l’intimité et la subjectivité d’un ‘devenir étranger’ : où le sujet se démettrait en une soumission à une étance impersonnelle ou dépersonnalisée, où  le patient en appellerait et se réfèrerait prioritairement à ses paramètres, écarts (à la norme) et susceptibilités.       

      A l’autre pôle de l’équation, la maladie; une maladie qui, pour la Recherche, pour le chercheur, pose/est un problème requérant une solution – c’est-à-dire une action thérapeutique qui annulera l’événement (pathologique/pathogène) ou en contrera la nocivité (et l’on parle alors de ‘guérison scientifique’).    

      Nonobstant, pour le sujet atteint, la maladie est/pose un  questionnement : mise en question de son identité, de son quotidien, de ses ‘pouvoir-faire’, de son (mode de) faire et de sa survie. Question de sens donc : de sa souffrance, de son existence, de son combat – de ses combats. A ce titre, j’y insiste, la guérison émarge par le haut et par le bas à la solution scientifique : elle en réclame plus (eu égard à la totalité personale et personnelle), elle en demande moins (mise au pas de la pathologie, recouvrement des possibles, intégration dans la trame commune peuvent lui suffire malgré l’une ou l’autre médication et par-delà quelques faiblesses, dommages ou fragilités).  Il s’agit là d’une bipolarité de la guérison : ici scientifique, là subjective. Et Canguilhem y insistait : « Il arrive au médecin de consentir à comprendre que la demande (…) puisse se borner à conserver une certaine qualité de la disposition à vivre (….), sans se soucier de savoir si les tests objectifs de guérison sont positifs (…). Inversement, il se peut que le médecin ne comprenne pas que tel ou tel patient (…)  refuse de se dire guéri et ne se comporte pas comme tel.»[7]. Et je ne résiste pas à citer J-M. Gueullette : «La maladie est devant le chercheur et elle appelle toute son attention : ce n’est pas le malade dans son histoire, dans ses réactions spécifiques, mais la maladie envisagée de manière ontologique, maladie déconnectée de son inscription dans une existence humaine singulière pour devenir une entité abstraite »[8]. Or, telle «Maladie», telle construction épistémologique abstraite n’existe pas ! Car il y a des germes, il y a des bactéries, il y a des virus, il y a des champignons, il y a des gènes… …et des personnes  en développant des maladies. La Maladie comme telle n’existe pas ; l’oublier hors la parenthèse de l’étude et de la recherche revient à contribuer à ce monde sans hommes dont je parlais ailleurs, dont je reparlerai autrement.

    E – Dire : 

         Très loin des normes scientifiques, des moyennes statistiques et des calculs de productivité, la santé intime relève d’un sentiment de bien-être, puissance ou vitalité…   … augurant une possibilité principielle d’épanouissement, jouissance ou mise en œuvre  d’exigences singulières.    

       Cela précisé, la personne confrontée à la pathologie parcourt un long, très long chemin – tant psychique que corporel, tant médical qu’existentiel :      

                            D'abord la maladie ; inscrite dans le pathos du pathologique dès qu'elle se révèle durable - inscrite dans l'intimité globale de l'individu (corps et psyché).   

                            Ensuite le diagnostic; qui assigne à demeure corporelle et existentielle - malmenant toutes les insertions (affectives, sociales, professionnelles...).   

                            Après le traitement - plus ou moins conservateur, plus ou moins restaurateur.   

                           Enfin, toujours plus fréquemment, toujours trop rarement,  la guérison : celle du sujet, débordant ou émargeant couramment au  pôle strictement physiologique.      

      Entre ces phases, les articulant, il est une parole incontournable. Et des choix à opérer : par le médecin, par le patient – en concertation. Certes, il se trouve des urgences extrêmes, des décisions à prendre dans l’instant. Face à des individus inconscients, anesthésiés ou parfois sidérés. Question de secondes, question de conscience - question de vie ou de mort. Mais l’urgence écartée, il reste l’avenir : plus ou moins ouvert, avec quelques voies de traverse sur lesquelles parier ou pour lesquelles opter…   …en toute connaissance.   

      Or, c’est là un leitmotiv médical, les patients sont rarement aptes à prendre les décisions vitales qui s'imposent : insuffisamment instruits des causes, conséquences et autres effets délétères des pathologies dont ils sont atteints. Ignorant  les actions et voies métaboliques associées aux différents traitements: effets secondaires, contre-indications relatives ou absolues, comorbidité, ratios ou statistiques. Ignorant de même, ou refusant de s’y rapporter, les problèmes éthiques associés aux coûts, aux priorités médico-existentielles, à l’insuffisance quantitative des structures et à l’évaluation de la compliance présumée – quand ce n’est l’estimation des organisations psychiques eu égard à l’acceptation (l’intégration) d’un organe transplanté. Bref, ces patients ne pourront /pourraient être inclus dans le processus décisionnel qu'après une pré-évaluation (pluridisciplinaire) des possibles disponibles....   Une chose au moins se donne à voire, à tous: le sujet malade dérange. Et son questionnement est réduit à l’angoisse (qu’une molécule pourra soulager...); ses interventions sont mal venues et a priori disqualifiées; son regard est assimilé à une critique (toujours forcément déplacée); et ses doléances ou ses remarques (non pertinentes ou impertinentes ???) sont interprétées en termes d’injures ou d’ignorance.   

       «Les vrais patients peuvent et doivent tout supporter», telle pourrait être trop souvent la devise des soignants. A cette aune évidemment,  le malade chronique,instruit par la force des choses de sa maladie, perturbe un train-train bien huilé.  Il est vrai que les attentes se multiplient et divergent : le malade confronté au risque de mort dans l’urgence et qui ignore toute autre revendication que celle d’une survie ; le malade «guérissant », se sachant guérissable ; ou le malade convalescent qui attend une prise en compte de sa subjectivité ; le malade confronté dans son vécu à un enjeu vital médicalement banalisé par une technique devenue routinière ;  le malade en attente de diagnostic et d’information, d’une possible réappropriation de son existence ; le malade chronique en attente de collaboration ; ou encore, le patient condamné en attente d’une ‘simple’ présence humaine…. Mais leur point commun  (ou le risque partagé) est celui d’une dépossession  – de faire, d’être ou d’identité. Et les troubles émergent lors d’une méconnaissance, voire d’une négation de cet état de fait : le malade est une  singularité !     

      Pour l'heure et dans l’éventualité d’une greffe, d'aucuns s'accrochent à l'idée d'une nécessaire discrimination (justifiée de principes et de préoccupations éthiques) : il y aurait un passage obligé par un ‘sas’ distinguant le bon receveur potentiel (qui acceptera l’organe, qui se pliera avec rigueur aux traitements immunosuppresseurs) du mauvais receveur (psychologiquement, intellectuellement, culturellement, ou «situationnellement» inapte à la préservation du greffon) – pour lequel une transplantation recouvrirait un ‘gaspillage’ d’organe aux dépens d’un autre en égale souffrance… .   Pas suffisamment "neutres" donc, ces patients. Ni  suffisamment instruits. Sans certitude de flexibilité identitaire ou psychologique satisfaisante eu égard au bouleversement prévisible, sans assurance minimale d’une incontournable compliance. Et par trop peu  informés… Mais il des mots pour les choses... Des tournures, des images, des références....   Ainsi, le même problème ou dilemme, les mêmes risques ou conséquences, mêmes contraintes et obligations, peuvent  –doivent!-   être différemment exposés au regard, dans la prise en compte, de la personne en vis-à-vis. Une personne partie prenante. Qui supportera d’autant mieux les contraintes qu’elle les aura comprises et choisies parmi d’autres. Une personne en situation : âge, liens affectifs, projets d’existence, fonctions et statuts socio-professionnels. En la matière, une autocritique des acteurs de terrain n’est pas superflue. Et s’il est des patients mal ou peu informés, il est également des généralistes peu attentifs aux signes annonciateurs d’une pathologie. Ou méconnaissant les différents modes de dialyse. Ou surchargés, ou pressés, et préférant s’en remettre à d'autres dès lors qu’il s’agit d’explications plus approfondies.  De même, il est des médecins-conseils exigeant l’échantillon d’urine…   …d’un patient en insuffisance rénale terminale.   Dans les faits et trop fréquemment, un patient mal informé est un patient mal accompagné et mal appréhendé en sa singularité. Ainsi et déjà, la parole diagnostique est difficile à entendre – entendre par les sens, entendre/comprendre par l’intellect, entendre/intégrer par l’affect. Elle tombe comme un couperet, quelle que soit la préparation. Elle sidère. Bloque l’assimilation et exige d’être 'digérée'. A cet égard, ce qui est dit aujourd’hui devra être repris et discuté demain ou après-demain – temps de latence permettant au sujet d’apprivoiser la situation, de s’y projeter en représentation et de formuler des questions dont il pourra alors entendre vraiment les réponses. Par ailleurs, il convient d’adapter à chaque auditeur  la formulation des faits et conséquences, des choix et impossibilités, des certitudes, probabilités et incertitudes... Telle flexibilité exige du temps, une dose minimale de psychologie et une connaissance suffisante du patient singulier.   

               Ainsi des différentes dialyses et de leurs impacts  sur l’image du corps[9], sur les atteintes organiques et les préservations fonctionnelles, sur les capacités maintenues... : il convient d’expliquer, de démêler les fils et les priorités du sujet.  

               Ainsi des consultations pré-greffe : explicitant les limites et contraintes de la transplantation et de la préservation du greffon. Où l’on pourra en appeler à la réalité immunologique associée au système HLA et au terrain singulier (qui limiterait le champ d'action thérapeutique   et présagerait d'une toxicité non négligeable des dosages ; qui exigerait  une compliance maximale ne pouvant s'embarrasser des divers effets secondaire)...   …Ou se référer à une armée de soldats et de sentinelles en guerre contre les ennemis du corps  – nécessaires mais incapables de distinguer l’ami de l’ennemi et devant être tenus au pas par tels et tels médicaments.  Parler de risque létal ou de corbillard…  Evoquer  la belle âme s'enivrant d'apesanteur dans l'éther épuré d'un rêve perdu dans l'azur mais ne pouvant renier le corps en son épaisseur, ses attaches terrestres et ses exigences : où la renaissance se tient sur la corde raide de l'infime probabilité – sur une route encombrée d'incontournables potions et d'inévitables inconforts..... Etre clair : pas l'choix, mec,  tu t'engages à donf ou tu te retrouves dans la tombe! Tes médocs, tu les prends ou tu crève: ce qu'on t'a donné ne sera jamais une pièce d'origine – sans ces pilules, tu tiens quelques jours, quelques semaines, et puis rideau !    En un mot comme en cent, tout peut se dire, tout peut être expliqué. En termes plus ou moins techniques, en représentations plus ou moins schématiques, dans l’à-peu-près du commun, en mots simples, en verlan, en français, en arabe ou en  hébreu s'il le faut - question de traduction. Reste à y consacrer du temps, y associer des structures, et y mettre une volonté de décentrage pour jouer sur le terrain culturel et émotionnel du patient toujours particulier…...    ...... Loin, très loin de l’informateur (dé-informateur ?) propre au système ultralibéral des pratiques américaines[8] : pour nous, celui qui informe au mieux est le soignant, celui qui informe le mieux est un répondant inscrit dans une relation humaine – fut-elle médicale. En outre, une relation Patient/Médecin sans «relationnalité» risque une neutralité (toute scientifique, terriblement abstraites/a-située, et  parfois ‘ab-(h)-ominablement’  économique)  - porteuse alors de méprises, mésestimes ou indignités (laissant l’individu en sa subjectivité et en sa pluralité à l’objectivité couplée du corps organique et du corps socio-économique).    Dans les faits, au cœur d’une situation de handicap, confronté à l’impossible de ses possibles anciens, de ses projets de fonds, face aussi au risque de mort, l’individu se trouve ébranlé – fragilisé. Conséquemment, la relation qu’il noue (ou pas…) avec le médecin est nécessairement biaisée par un ensemble d’affects : autant d’espoirs plus ou moins raisonnables, autant d’illusions parfois protectrices parfois destructrices, autant de soumissions plus ou moins importantes, de révoltes peu ou prou violentes, de tentatives conscientes ou inconscientes de séduction…. En pareilles circonstances, où se mêlent raison et émotions, conscient et inconscient, la liberté du choix (de tel ou tel traitement, d’inscription en certains protocoles ….) est nécessairement tronquée. Avec tous les risques que cela comporte (aveuglement, inféodation, exigence…) ; avec tous les avantages que cela recouvre : d’un échange humain et situé, d’une compliance à soi-même/par soi-même justifiée. Ou encore,  d’une foi qui peut parfois  soulever des montagnes – cela quand la guérison (ou la rémission, ou le mieux-être/mieux vivre) entend un réel investissement du projet thérapeutique (ou du «combat»).

    III - Greffe d’organe :

            Si la transplantation est un acte technique ponctuel visant une restauration, les traitements immunosuppresseurs requis, les représentations  induites, les croyances mobilisées ou  les convictions sollicitées inscrivent  ses effets  dans la durée et suscitent une nouvelle réorganisation identitaire. Elle recouvre alors  un phénomène d’adoptance et d’in-corporation du non soi  (l’organe reçu) - à l’horizon d’une réalisation du «Moi».

    A - Identité métabolique et identité de soutenance :  un «soi» rudimentaire apparaît dès qu’un système biologique métabolise et maintient une entité unitaire faisant front contre son milieu. Et l’organisme constitué doit préserver son intégrité et reconnaître à cette fin le ‘non-soi’ potentiellement destructeur (tout élément faisant irruption en son intériorité). A cet égard, les animaux supérieurs développèrent une ligne défensive : le système immunitaire.  En ce sens, ce sont des assemblages protéiques résultant d’une combinatoire aléatoire qui veillent à l’identité organique - cette définition physiologique dépend d’un fragment de chromosome et le savoir/mémoire(mécanique) de ce soi-là s’acquiert au long de la genèse  En outre, la tolérance néonatale est brève qui permet l’incorporation d’un élément extérieur : le soi immunologique mature paraît constant jusque et y compris en ses défauts (pathologie auto-immune, immunodéficience…). Tel pan de l’identité diffère du pan personal ou psychologique qui sera tout autant sollicité lors d’une greffe d’organe – eu égard à la nécessaire reconstruction de l’image de soi. Ainsi, très éloigné de ce donné primitif, le ‘soi’  personal émane d’une  réalité se préhendant et s’exposant à elle-même : il  procède d’une entité se représentant avant de se définir. Il s’agit là d’une identité expansive : en construction et en évolution ou ‘devenir’. Ainsi encore, lors d’une modification corporelle de performance ou de fonctionnalité (greffe, prothèse, amputation), l’«entité» bio-graphique et historique se trouve différente en ses possibles physiques, relationnels ou existentiels. Toutefois, parce qu’elle est identité active, elle se retrouve sur le mode du même (la mémoire assure une stabilité identitaire, une histoire continuée, une existence unifiée et une personnalité unitaire). Même et différente – mais une, inscrite dans la continuité de l’entité unitaire et identitaire qu’elle fut/qu’elle est/qu’elle sera/ qu’elle construit. Partant, la subjectivité humaine assimile en traits constituants ce qu’elle cesse de considérer «autre» - autre d’elle-même. En outre, elle mesure sa réalité identitaire, son intimité quintessentielle, à ses possibles promis, ses projets investis et ses modèles ou idéaux – l’aptitude qui tout à coup fait défaut siège dans le nœud définitoire telle une spécificité propre dérobée, en attente ou en suspens… Et si le soi immunologique est le donné premier,  le ‘soi conscientiel et existentiel’ se donne pour sa part sur le mode d’une construction finale et cependant jamais finie. S’agissant de transplantations (organes humains), la réorganisation identitaire tiendra essentiellement aux possibles rendus (ou perdus). En effet, la forme visible (donc vue) n’est pas modifiée en profondeur. La matière organique intégrée est, en sa nature comme en son fonctionnement, inscrite dans l’ordre du semblable. L’individu percevra (pourra percevoir) son être singulier modifié dans un détail plus ou moins signifiant mais son être  ne sera pas fondamentalement atteint. Au vrai, l’organisme commande aux parties qui lui sont propres aussi longtemps qu’il les soutient à l’être. Pareillement, l’individu doit continuellement soutenir des préhensions unificatrices pour se pérenniser en cohérence : contre la perspective schizophrène ou la mouvance a-identitaire. De la sorte, le sujet traité se découvre confronté à la gérance d’un «même» différent - puisque ‘autre’ de l’autre qu’il fut (malade) sans l’être pleinement {car le moi malade se vit dans l’ambiguïté : du propre (constitutif) et de l’étranger (événementiel)}.  Rendu à lui-même grâce à un tiers (le donneur) et par l’autre (le greffon) qu’il maintient le faisant être. Et cela en vue d’un retour (qui n’en est pas un) à l’analogue (des possibles du soi) : retour à un mode d’être perçu, quand tout se passe au mieux, dans l’ordre de l’identitaire. Une transplantation est donc par définition une expérience contraignant à re-signifier : l’existence, le moi et l’organe. Mais encore, re-signifier l’individualité comme unité en soutenance (unité actualisée, réelle et factuelle, mais aussi œuvrée), re-signifier l’autre (donneur) comme semblable et l’humanité comme fonds ou substrat, appartenance et liance.

    B -Donner :  le sens du don d’organe recouvre l’interrogation de la place de l’individu au cœur de l’aventure humaine.

      Donner;  dans un acte gratuit, aligné sur cet échange immémorial qui ancre les membres d’une collectivité dans une unité plurielle et pacifiée. Où pourtant celui qui donne reçoit : une inscription en mémoire, en reconnaissance –mais aussi ou surtout la satisfaction d’avoir induit une direction nouvelle à l’histoire d’un homme / Histoire des hommes. Où celui qui reçoit donne : travail de mémoire et de gratitude. Où ce qui se transmet en relais (dans l’histoire d’un homme ou l’Histoire des hommes) pèse son poids d’espoirs, de promesses. Et ce qui persiste, ce qui se transmet ou se lègue, dépasse ainsi la limite du ‘soi’ corporéel : de fait, au-delà de la chair(-soi), c’est une représentation de l’humanité et des liens la définissant qui s’offre et se reçoit. Par suite, ce qui fait trace et s’enracine relève de l’impalpable : un don (de vie) et une théorie (concrète comme un organe) de tout ce qui fait humanité, sens, lien ou symbole. A telle enseigne, l’échange marchand (direct ou indirect, par tiers) pervertirait ledit ‘lien’ et risquerait en outre d’altérer les relations futures des protagonistes. Car le don est possible d’un substrat biologique commun. Car il est acceptable d’un vécu communautaire : d’une perception d’unité. Car il est valorisé d’une éthique de solidarité. Car il est satisfaisant d’une construction affective, ou pour le moins d’un attachement à l’aventure anthropique. Car il  s’assied sur une pulsion commune arc-boutée contre le néant.

    C - Recevoir :  l’identité se vit ou se soutient en une construction et se mesure  autant à une continuité qu’à un projet cohérent (et les possibilités rendues ou offertes seront dès lors rapportées/soumises à ce projet). En bref, elle relève d’une construction incessante et évolutive. A ce titre, la reconstruction corporelle n’est pas plus signifiante (et pas plus dé-structurante)  que les changements physiologiques et morphologiques naturels ou que les vécus additionnels qui gonflent nos mémoires et notre identité sans les transfigurer. Nonobstant, le corps est  une unité identitaire  - non un puzzle. Raison pour laquelle une greffe rétablit l’individu sans le transfigurer : pour autant qu’elle lui restitue les possibles originels - le rendant à son intimité, à ses capacités et / ou aux fonds communs des aptitudes humaines. Raison pour laquelle une greffe  changera ledit corps sans le métamorphoser, pour autant et aussi longtemps  qu’elle s’intègre au parcours existentiel personnel et qu’elle se soumet aux caractères de l’homme paradigmatique[9].

    D - Risques (hormis les risques proprement médicaux):

           1)Troubles identitaires nourrissant quelquefois un manque de compliance au traitement, ou encore des actes manqués («oubli» des prises médicamenteuses)  quand ce n’est l’une ou l’autre manifestation d’hostilité ou d’agressivité - en ce compris ego-centrées :   a) Pertes des références anciennes, mise en question des capacités personnelles d’adaptation ou de réinsertion, désorientation existentielle, insatisfaction diffuse ;   b) Déni de la modification corporelle /    surestimation/surévaluation de la modification corporelle (fixation paranoïaque sur l’intumescence provoquée par le greffon et sa visibilité pour autrui) et crainte fantasmatique d’un corps morcelé ;   c) Réajustement comportemental ou existentiel : rejet ou expulsion du greffon hors de la sphère identitaire (l’organe devenant peu ou prou machinal et occupant, comme corps étranger, une place grandissante dans l’imaginaire) ;   d)  Aliénation à sa préservation (extrême prudence, paralysie d’existence…) ;   e) Elaboration d’une image négative de soi, avec dépression  associée, face à une réinsertion socio-professionnelle ou relationnelle laborieuse -tantôt vécue en échec personnel (dénigrement), tantôt appréhendée en trahison (du donneur, de l’équipe médicale, du greffon, de la «vie» et de la deuxième chance offerte), tantôt encore  condensée en opposition à l’encontre de la greffe elle-même…   f) Edification schizoïde : d’une unité scindée et d’une personnalisation du greffon – et l’on salue Oscar, Arthur ou E.T. tous les matins…

          2) Sensation et sentiment d’étrangeté :   a) Par rapport à la personnalité de compensation ou de décompensation développée au cours de la pathologie (où l’édification de substitution et de suppléance, peu ou prou artificielle, se pose en «nature» - est devenue définitoire de l’identité) ;   b) Par rapport au greffon, mal intégré (survalorisé ou surévalué en entité précieuse /  sous-valorisé ou sous-évalué en chair inerte) ;   c) Par rapport à la communauté/collectivité (auto-stigmatisation, retrait, position d’exception – par le haut ou par le bas : surhumanité/sous-humanité).

          3) Difficultés relationnelles :  a)  Vis-à-vis du donneur vivant (dépendances, culpabilité, soumission et culte de reconnaissance ou dévotion tronquant chaque acte, choix ou engagement;   b) Eu égard au regard tiers (ou à l’idée que la personne s’en fait) stigmatisant l’individu (en ancien malade, rescapé ou chimère) ;   c)  Quand le médecin est surinvesti et suscite une compliance excessive, quand le thérapeute devient un point de condensation des pulsions  hostiles et des ressentis d’hostilité issus de l’organe reçu si ce n’est de l’état pathologique sous-jacent (détournement et «rejet»  hors du soi) ;   d) Et à l’aune d’une dette laissant un sentiment de manque : quand le don s’inscrit hors tout échange ou hors toute annulation..

        4) Angoisses, épisodes délirants :  a)  Au regard d’un corps ingressé (par un élément étranger ou/et connoté par le corps mort qui le fournit) ;   b)  Vis-à-vis d’un échec toujours possible (de la greffe ou de l’existence rendue) ;  c)  A l’égard de l’inconnu ou même de soi : de ces (ses) désirs et projets nouveaux, des voies inédites qui s’ouvrent.     Tels risques de possession/dépossession tiennent aussi aux croyances et traditions familiales du receveur : et dépendent peu ou prou du regard tiers confirmant ou infirmant telle transformation ou telle «altération» (devenir étranger/devenir autre…   …ou, dans les meilleurs des cas, devenir/redevenir soi dans la réalisation des projets restés en suspens).

         4’) Sentiment de vulnérabilité : paralysie existentielle (mise en veilleuse des désirs et envies, limitations des actes et actions, retraits sociaux, précautions extrêmes et inhibitions).    4’’)  Sentiment d’insécurité, jusqu’au délire de persécution, issu d’une dette impayable ou encore, associé à la trace inconsciente de croyances ancestrales (ainsi, lors des premières tentatives de reconstruction, au 18° siècle, l’échec était volontiers attribué à une volonté venue de l’au-delà : où le mort se trouvant incomplet rappellerait à lui le morceau manquant…)

        5) Elaboration pathologique de  fantasme : de parenté induite, de pseudo ou quasi maternité,  de grossesse... Certains donneurs investissent l’organe transplanté et/ou, par métonymie, le patient receveur, comme leur propre enfant - à qui ils auraient donné la vie et dont ils seraient responsables. De même, certains receveurs appréhendent la transplantation comme une grossesse et le greffon comme un enfant qui leur aurait été donné – « mon bébé », dit encore cette jeune femme greffée depuis de nombreuses années….

       6) Rejet de l’organe : non-intégration psychique ou personale de l’organe conduisant à rejeter celui-ci dans le domaine du Tout-Autre (invasif, déstructurant, dépersonnalisant, hostile…) et, quelques fois, à en demander le retrait. A cet égard, la puissance identitaire (culturelle, symbolique et effective) de l’organe considéré est déterminante. La pratique psychanalytique (hors étude systématique) dé-couvre également des rejets associés à l’une ou l’autre rupture affective (séparation, deuil…), comme une castration existentielle, une mise à mort symbolique et pour part effective du soi (tendance suicidaire, automutilation, autopunition). Certains admettent en outre la possibilité d’un rejet (physiologique) psychosomatique. Quoi qu’il en soit, il importe toujours de bien définir, circonscrire, l’organe, le don et la réalité identitaire du sujet   – dans un dialogue avec le futur receveur, au regard des transmissions culturelles et familiales. 

    E - Guérir : aider, soigner, guérir…  A savoir à qui, à quoi, s’applique le précepte ? Un métabolisme dysfonctionnant, un corps entravant, un individu empêché, une personne en souffrance ou encore un sujet  en demande ? Car les modifications de l’un ou l’autre pôle (métabolique, corporel, psychique, existentiel…) pèsent sur chaque plan. Car besoins, désirs et volontés s’inscrivent en des sphères différentes et cependant communicantes. Car l’existence déborde la vie qui la sous-tend et qu’elle soutient concomitamment en vue de projets spécifiques.

             1) Equilibres précaires du vivant, équilibrations délicates du sujet en ‘existenciation’  «Tout homme bien portant est un malade qui s’ignore[10]», dit-on…. Et dans l’humour décapant souvent la vérité se loge. Car déjà, la vie trouve sa voie entre deux néants : celui d’avant, celui d’après –rideau ! Car l’oxygène qui fait vivre brûle concurremment la cellule qui en dépend –paradoxe bio-chimique. Car la santé parfaite (finale / aboutie) exige une fixation propre à l’inerte…. Car encore, la vie est construction continuée (essais et rééquilibrages) tandis que  le métabolisme recouvre un travail de maintenance (transformation et assimilation) ;  le vivant tenant pour sa part de l’invention de soi (contre le non-soi) : il s’éloigne par nature de l’état (Etat statique) et de la règle (norme, mormalité).

      Par suite, la santé individuelle est  un maintien de fonctionnalité  au regard d’une identité  - un maintien d’identité  en la fonctionnalité. Ainsi, avec Leriche, nous pouvons soutenir que la santé tient «au silence des organes»  - absence de douleurs, sentiment de liberté d’action. Possibilité d’entreprendre : de prendre à bras-le-corps le jour qui vient, la tâche qui s’impose, l’opportunité qui se présente. Pouvoir se fondre dans la masse humaine (faire ‘comme tout le monde’) et savoir pourtant tenir sa singularité : mettre en œuvre ses propres projets, obtenir une reconnaissance. Car la santé se vit en intimité et se rassure, se complète, dans le regard d’autrui : l’autre ou la société dans son ensemble. Elle entend une intégration dans la trame commune (socio-culturelle et professionnelle). De l’un à l’autre, de l’intime au collectif, le médecin fait pont : où finalement la consultation médicale du patient restauré en ses possibles tiendrait idéalement d’une (ré)assurance et d’une précaution/prévention….

             2) Un malade qui s’ignore donc ; et toujours plus : 

                           Déjà, pour les firmes pharmaceutiques qui lui  invente des pathologies pour elles rentables  - abaissant les seuils et les normes, pathologisant les humeurs et les états de la conscience (nécessairement sensible à son environnement)….. 

                         Ensuite, pour les assureurs, évoquant les risques, racolant ; et les évaluant au mieux pour  fixer leurs primes…. 

                        Après et désormais, toujours plus, pour le généticien aspirant à lire dans chaque génome comme dans un livre ouvert  -préfigurant l’avenir et espérant pouvoir un jour le prédire au regard de ‘terrain génétique’ et d’environnements quadrillés pour être modélisés.  Mais aussi ou surtout, pour lui-même, au regard de son avenir – en devenir constant. Et cela pose la question de la santé en sa définition comme en son estimation, et par suite celle de la guérison eu égard à une pathologie spécifiée.

           3) Médecine de pointe…    La médecine peut beaucoup, pourra toujours plus sans doute. Recherche sur les cellules souches et les possibilités y associées de régénérations tissulaires, voire organiques. Recherches en procréation médicalement assistée (don de gamètes, d'embryons ou d'ovules énucléés, et fivètes, et diagnostic préimplantatoire complétant, devançant, l'amniocentèse, et thérapie génétique de l'embryon...). Recherches sur les pistes de maximalisation des possibilités organo-physiologiques ou de mélioration (manipulation génétique, chromosome artificiel, un jour peut-être,  interface homme- machine, organes artificiels, dopages). Et  greffes toujours plus performantes –avec un cercle des receveurs potentiels agrandi. Greffes d'organes, de membres, de visages... Greffe d'espoir et, parfois, d'interrogations: sur le "propre" et sur l'autre (sur le soi ou le moi –cette personne unique et cohérente en son identité).

           3’)  Et demain?     La médecine en approche réductionniste (celle du spécialiste, développant ses savoirs et interventions organes par organes) ne peut prendre en compte le systémisme «corpo-organo-métabolico-génique». Cette pratique, la nôtre, est dans l’impossibilité factuelle considérer les millions/milliards d’interactions/interdépendances/interférences des éléments/constituants de l’organisme. A telle enseigne, le médecin joue de son intuition – une intuition nécessairement documentée, cela va sans dire. Mais demain ? Quels seront les rôles et les statuts du médecin, de son patient, du sujet ou encore de l’être humain ‘normal’ ou ‘banal’ ? Je vous propose de nous laisser guider par le docteur L. Alexandre (chirurgien, fondateur de Doctissimo). C’est un horizon de convergence NBIC[10] qu’il dessine. Au regard d’une exponentielle des capacités informatiques, ouvrant la voie à une connaissance détaillée du génome de chacun et à une réelle biologie intégrative. Avec une modification progressive du sujet (de ses désirs, exigences et conceptions – de lui-même, du bonheur, du monde). Dans un futur de transhumanité, avec des hommes multi-connectés et intégrant une infinité de nanorobots médicaux en leur corps (analysés, réparés, modifiés, connectés en temps réel). Où donc la médecine accomplirait sa propre transmutation : sans plus de ‘patient’ ni de ‘malade’ et coupée de toute notion de norme (quad celle-ci définit le fonctionnement moyen d’un individu-spécimen, avec une variation moyenne de cette moyenne). Cette disparition tiendrait au fait d’une inadéquation patente de nos approches quand le plan moléculaire révèle en fait un mode d’interaction parmi une infinité d’autres dans l’état aujourd’hui appelé ‘maladie’. Mais écoutons L. Alexandre : « (…)La médecine ne s’occupe à ce jour que des individus en dehors de la norme (…). Mais cette notion va doublement disparaître. D’abord parce que  (…) la santé porte en elle la maladie future. Ensuite (...) pcq il ne sera plus possible de faire référence à un fonctionnement normal d’un organisme dans la mesure où chaque organisme est particulier. C’est pourquoi la personnalisation, la participation, la prévision et la prévention s’imposent comme les 4 visages de la médecine future.»[11]. Nonobstant, cette perspective, nous l’avons évoquée plus haut, existe depuis bien longtemps. Dans la réflexion de Canguilhem déjà ; mais également pour chaque individu en son fors intérieur : estimant, pour sa part, dans sa vie même, son état de plus ou moins bonne santé. Plus encore, chacun rapporte l’état présent à son expérience, à ses possibles antérieurs –s’en trouve mieux ou amoindri. Chacun, donc, fait et vit sa norme. Mais ce qui à notre estime se préfigure dans cette médecine NBIC (au vrai dans une société NBIC) tient à autre chose : c’est la volition abstraite (dé-située, fixée aux possibles impersonnels qu’on lui propose qui peu à peu fera  norme pour effacer toute référence d’intimité, de filiation, d’histoire et d’humanité (commune).  Nonobstant et pour l’avenir immédiat (10/20 ans), c’est bien vers une ‘personnalisation’ (sans doute plutôt une individualisation organo-géno-protéique) que l’on se dirige. En ce sens, Alexandre a raison, «La médecine classique  (…)  revient à appliquer un remède moyen à des individus toujours différents (…). La connaissance du fardeau génétique de chaque patient (…) va permettre de tirer progressivement un trait sur cette médecine standardisée. / La médecine personnalisée va peu à peu s’imposer(…), en prenant en compte les particularités de chaque individu et notamment les variations dans la séquence d’ADN ou dans l’organisation des protéines qui l’entourent »[12]. Après cette phase viendra le grand chambardement : non plus remédier mais prédire…. Puis prévenir… Puis préfigurer… Juste avant de configurer… Avec la mise en œuvre d’un programme médical (existentiel) ‘sur mesure’ et supposé rendre peu déterminant (par préventions, précautions, palliation…) les gènes de susceptibilité moins favorables (avant l’expansion des thérapies géniques / génétiques / génomiques).  Et Alexandre de souligner «On ne traitera plus les maladies, on essayera de les tuer dans l’œuf, bien avant qu’elles ne se développent ou même se manifestent’[13]. Et encore«Pour la médecine de demain, le développement de la maladie sera un échec alors qu’il est aujourd’hui que le point de départ»[14].  Et de nous rappeler les différents implants, les prothèses, les greffes… Et d’évoquer les possibles infinis qui se présenteront à l’individu dans le choix d’action au niveau moléculaire (action sur tel ou tel segment d’ADN –niveau intra-génique). En telle situation, le rôle du médecin s’en trouvera modifié (le robot chirurgien opère, les nanorobots inspectent, réparent, modifient à l’échelle moléculaire…   … et le sujet s’informe des mises à jour possible sur Intenet). Bref, la relation M/P devra se réinventer. Le médecin généraliste devra être instruit du BAba génétique et le patient devra choisir un trajet/projet/but d’existence (la question de l’existence bonne). A cet instant, le médecin se devra d’être un accompagnateur –tentant d’éclaire son vis-à-vis sur ce qui lui tient à cœur, sur ce qui lui paraît essentiel ou tient de l’accessoire. En effet, ce rôle de maïeuticien, ou presque, sera essentiel face à l’infinité des possibles (de réalisation et de prévention). Trier et hiérarchiser donc : entre les innombrables données. Sur ce point au moins, Alexandre voit juste : «L’accompagnement du patient restera la tâche la plus noble du médecin. Elle deviendra plus essentielle que jamais. Nous connaîtrons une partie de notre destin, ce qui peut être lourd à porter.»[15].

         Hormis les dimensions psychiques, l’interrogation développe la problématique de la guérison et de ses différents niveaux :  Guérison médicale (organique), quand la pathologie est proprement vaincue – sans plus de traitement, sans fragilités ni susceptibilités spécifiques. S’agissant de transplantations, cet idéal curatif n’est pour l’heure pas atteint.  Guérison intime, quand le sujet redessine une image de lui-même satisfaisante et proche de l'idéal du moi (le sien et à son estime). Quand il peut opérer une projection dans l'avenir comme possible et projet. Que cesse l'impossibilité de principe qui pesait sur ses espoirs, désirs et volontés. Quand, finalement, il s’éprouve pour l’essentiel tel qu'en lui-même il était (avant) ou tel qu’il se voulait...   

      Reste alors la guérison existentielle (d'une existence qui se soutient et, pour part, comme toutes, se choisit d'actes en intentions). Celle-ci se lie indéfectiblement au regard tiers. Quand la parenthèse s’ouvre, quand la différence se laisse oublier – est oubliée. Car seule l'intégration sociale/sociétale signe la réussite d'un traitement. Volonté, donc, d’être ‘un parmi les autres’ – et vu tel. Volonté due et exigible au regard des souffrances passées et des attentes souffertes. Au  regard des espoirs rêvés, des obstinations, des combats. Mais aussi, en rapport avec ces efforts de la recherche, ces batailles des soignants, ces dépenses de la collectivité – qui n’ont aucun sens sans un retour pour le moins possible à la banalité commune des soutenances corporelles. Et de redevenir un sujet face à  autrui.  Non pas que la personne malade cesse d'être personne/sujet/individu. Mais la pathologie entrave peu ou prou la soutenance active de cette subjectivité et, quelquefois, la reconnaissance par tiers de celle-ci: parce que les impossibilités et les interdits, parce que la moindre productivité, l'isolement et la fragilité....   

      Guérir donc: à ses propres yeux et dans le regard de l'autre. Si cela vaut pour toute pathologie, tout traitement, la greffe d'organes tient un rôle  singulier : parce qu'elle introduit "quelque chose" au cœur du corps propre. Parce qu'elle s'intègre dans la représentation de soi. Qu'elle guérit d'une pathologie sur le mode du possiblement transitoire (risque de dégradation de l'organe) et de l'éminemment conditionnel: au traitement immunosuppresseur. La personne s'en trouve référée à un statut particulier qui peut désorienter même  les meilleurs spécialistes...

          5) Réappropriation: de de la santé à la maladie, c’est  un mode de fonctionnement plus ou moins adapté à l’environnement imposé et aux projets élaborés qui fait différence. Une pathologie se révèle à l’instant précis où elle s’exprime dans le domaine des réquisitions vitales ou s’interpose dans le champ des projets existentiels: s’imposant en cette seconde occurrence dans le jugement subjectif qui l’éveille à la signifiance. En tel contexte, seul l’individu impliqué peut appréhender ce qui constituera pour lui l’inacceptable  - point de vue vécu : la pathologie s’inscrit dans l’ordre du pathos.    

      Pour nous et à ces éclairages, le traitement parfait est celui qui permet au bénéficiaire de faire "ce que bon lui semble " de sa vie: une virée entre potes ou une randonnée dans les neiges immaculées de l'Himalaya. Une carrière trépidante ou une vie pépère. Quelques repas en amoureux, la mise en route d'un bébé.... A chacun, chaque âge aussi, ses envies et désirs.  Car la guérison n’est pas seulement la restauration fonctionnelle, elle est affaire d’intimité : de rétablissement «personal». Car l’un n’est pas l’autre. Car la femme n’est pas un homme. Car le jeune de vingt ans n’est pas un homme mature, et celui-ci n’est pas une personne âgée. Il est des envies de jouissance(s) et de réjouissances spécifiques. Des désirs d’enfants. Des volontés de carrière. Des aspirations à la sérénité du corps et de l’esprit…    

      A cet égard et conséquemment, la greffe idéale est celle qui se produit avant que la pathologie ait pu s’inscrire en profondeur dans le corps et/ou dans la psyché et/ou dans le cheminement existentiel du sujet atteint. Avant que  les horloges biologiques aient sonné le glas des aspirations et désirs légitimes. Celle également qui se laisse doucement oublier  - sans être néanmoins oblitérée en un processus de défense psychique[11]. Cessant d'être référentielle de tout projet, de tout mouvement. Cessant de faire bloc dans l'image, et le corps, de soi : quand les années de blocages peuvent se loger dans la case des souvenirs le plus souvent endormis. Que l’intervention elle-même s’estompe doucement. Entre fonctionnement physiologique (autonomie, aptitudes physiques) et santé psychique autorisant la confiance en l’avenir (et l’élaboration subséquente de projets divers). Il s’agit en cela d’un retour aux possibles, d’un retour à soi-même. Sachant que tout n’est pas acquis, ni facile : sournoise, la peur de l’échec pèse d’un poids non négligeable ; comme la peur de soi  - un soi qui se retrouve, ou se trouve, des désirs nouveaux (désirs ou besoins, pulsions, volontés, projets).     

    IV - Conclusion :

            Guérir…       En soi, pour soi!  

           En fonction d’une certaine idée que l’on se fait de soi, de la santé, de l’avenir, du sens de l’existence et finalement du bonheur. Guérir en ses ressentis et à sa propre estime. Et (re)tisser les fils de trame d’un trajet de vie peu ou prou arrêté. Et élargir la voie plus ou moins étroite où l’on se trouvait cantonné : gonfler son présent de possibles, projeter dans l’avenir une certaine réalité.  Reprendre le cours d’une histoire au long cours.  Guérir également dans le regard de l'autre; avec une prise en compte nouvellement pensée de la notion - par tous et chacun, en ce compris le soignant. Telle réflexion est réquisitoire. En effet, médecine et techniques s’uniront toujours plus intimement pour restaurer, reconstruire ou « méliorer » l’individu : de greffes en prothèses en interfaces (homme/machine ou organes des sens/amplificateurs sensoriels), mais aussi de cellules souches en organes artificiels, de thérapies géniques en insertions de chromosomes artificiels. Ce faisant, des individus toujours plus nombreux s’en trouveront concernés – seront-ils alors et toujours des 'malades' ? En fonction des quantités et effets des traitements médicamenteux associés ? Eu égard au degré d’artificialisme ? En proportion des fragilités résiduelles ? Des dommages collatéraux ? Des savoirs et connaissances d’autrui ? De l’apparence ? De leur vécu ou senti/ressenti ? Ces questions révèlent l’insuffisance ou la non-appropriation  de l’objectivité  médicale en matière de «guérison». Et l’importance essentielle des vécus d’intimité, d’identité et de santé… Sans une réflexion vraie, nous peuplerons nos rues d’individus vagues en leur (propre) définition. Et nous ne verrons plus en ces personnes revalidées qu’un flot grandissant de canards boiteux.   

      Au final, la greffe idéale est celle qui ne se "voit" plus : quand le corps ne fait plus différence (en ses capacités). Celle aussi qui fait silence. Où conséquemment, bien intégré au soi (adoptance par corps / adoption par subjectivité), le greffon rétablit ce que les psys nomment la complétude narcissique  : une réalité corporelle opératoire et silencieuse au service du soi identitaire, du moi jouissif et du je volitif (en ses projets). Où la personne est guérie de cela même qui l’entravait en sa survie comme en son existence (existenciation). Débarrassée des biais divers qui trituraient ses jugements, ses choix et ses actions. Débarrassée d’une référence médicale d’elle-même. Délivrée de ses subordinations  à l’organe reçu.  

      La guérison ici traitée recouvre une restauration, en prend souvent le nom. Restauration qui ne peut se pervertir sous le vocable du pathologique : la patient traité, pour autant qu’il se satisfasse de son état, n’est plus ‘malade’. Cet état nouveau tient à une adéquation objective eu égard à l’environnement (adéquation physiologique) et à une adéquation de convenance subjective eu égard à la construction autobiographique ou existentielle. Cela même si ce rétablissement vécu ne recouvre pas la perception médicale d’une guérison. Se trouve sous condition et est à durée indéterminée : conditions nécessaires d’un traitement à effets et dommages collatéraux (et fragilité consécutive du terrain organique) et durée incertaine d’une fonctionnalité du greffon … Mais n’est-ce pas là le propre de toute existence – sur un mode plus aigu, sans doute, et au regard de statistiques moins favorables…  La vie, quoi !   Certes, ces lignes adoptent un point de vue ‘philosophique’ et la patiente (qui ne l'est pas toujours, ni continûment...)   sait ô combien la réussite fonctionnelle est déjà satisfaisante : contre les souffrances passées et les dégradations et les morbidités. Sait de même à quel point est jouissive la guérison d’intimité. Sait encore qu’une greffe satisfaisante recouvre une durée de fonctionnement que chacun évaluera au regard de ses propres critères. N’empêche que nos sociétés restent en retrait de leurs investissements aussi longtemps qu’elles n’autorisent pas une pleine intégration du patient restauré en ses en ses possibles…   Que nos médecins resteront paradoxaux tant qu’ils cantonneront l’individu qu’ils ont rendu à l’autonomie au statut ambigu du ’para-pathologique’… Que le sujet manque quelque chose s’il ne s’accorde pas le droit (par suite la possibilité) de la légèreté –comme une mise en sommeil entre l’une ou l’autre piqûre de rappel....

               JW.

Rappel : ce texte est protégé par les règles et et droits d'auteur   -toute citation devra s'accompagner du titre, du nom de l'auteure et de la Référence: 13032012B

    B  - Pathologie   :  

    A - Médecine

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