Nous sommes tous des OGM donc, par nos innombrables parents et par le temps.
Ou encore, au regard des mutations spontanées et des réarrangements chromosomiques – par hasard(s) et par combats.
Dans les faits, l’identité/pérennité spécielle est limitée et précaire, née de l’intégration «historique» ou événementielle de structures organiques devenues parties constituantes : gènes, transposons, mitochondries. En ce sens, les génomes sont des matrices moléculaires où s’écrit l’histoire de la complexification, du hasard et de la nécessité. Ils racontent la vie et son évolution ; retraçant la phylogenèse dont ils affichent les imbrications, séparations, spéciations et spécifications. A cette lecture, l’histoire du génome humain apparaît longue et chaotique, faite de combats perdus ou gagnés – gagnés quelquefois d’avoir été perdus. C’est un devenir matériel marqué de coopérations aveugles, d’intégrations actives, de dépendances libératrices, d’invasions transformantes et d’épidémies sélectives – et l’histoire de l’hominisation n’est pas celle de l’humanisation.
Tous des OGM ! Et nous ferons en cela une (au moins) concession à Yvon Englert, «Le 21°siècle sera génétique ou ne sera pas» (in La nouvelle génétique médicale, ULB Editions, 1998, p. 141) – comme les siècles et les ères qui précédèrent, comme ceux et celles qui suivront… aussi longtemps que la vie persistera !
Tous des OGM, mais tout de même ! Il y eut la patience des ans et l’obstination du vivant – il y eut les disparitions d’espèces, les voies fermées et les morts individuelles (d’individus/spécimens qui sans témoins ni conscience, sans même une humanité naissante, n’avaient aucune importance). A telle enseigne, la conscience advenue permet difficilement semblable jeu de bricolage – jeu dangereux où elle pourrait s’anéantir… Raison pour laquelle les différents questionnements ne peuvent être a priori écartés.
--- OGM, promettant des récoltes augmentées…. Et les surplus brûlés, jetés, versés à l’égout ?
--- OGM, résistant aux changements climatiques…. Et la terre, et les hommes… …qui brûlent ici, se noient là ?
---OGM, nourrissant les affamés des tiers et quart mondes (si les termes ne sont plus politiquement corrects, la réalité de souffrances et d’exploitation, de vie raccourcie et d’abandon, cette réalité-là, subsiste)…. Et les spéculations, les tractations politico économico financières ?
Et de défiler les promesses, les assurances ou garanties et leur interrogation :
--- Les OGM s’inscrivent dans un processus aligné sur le mode opératoire de la sélection naturelle, seuls les moyens et délais d’obtention sont modifiés. Ou encore, et depuis son origine, le vivant voit ses gènes associés, dissociés, réassociés – par hasard et «nécessité» interne. De surcroît, la sélection (mécanique) artificielle des semences et du bétail (par croisements) agit semblablement.// Mais, la sélection naturelle autorise les remaniements et adaptations de l’ensemble biotopique (à l’opposite des insertions subites risquant de provoquer des ruptures d’équilibre et des réactions en chaîne aussi imprévisibles qu’incontrôlables dans les combinaisons géniques – cf. J.-C. Perez soulignant la possible instabilité du génome manipulé : une ««fuite en avant» des mutations», in L’ADN décrypté, Ed. Résurgence, 1997, p.84).
--- L’Essence génomique est une notion hors sens et les génomes sont polymorphiques autant qu’évolutifs. Ou encore, l’évolution n’a que faire de la stabilité (des espèces et spécimens). // Mais, l’intégrité des espèces recouvre la diversité naturelle.
--- Les OGM sont autant de clés et d’outils pour l’avenir – en ce compris en une perspective écologique (la modification du génome des ruminants, par ex., pourrait diminuer les rejets délétères pour l’environnement)… //De fait, les vaches rotent et pètent – et l’on s’en épouvante : elles rejettent du méthane! Et de suggérer une modification de leur patrimoine génétique pour sauver le monde. Mais l’urgence n’est-elle pas écrite en lettres géantes sur nos néons, nos poubelles, nos usines et nos consommations débridées ? En lettres gluantes sur nos pétroliers et leurs dégazages où s‘englue la faune, où se meurt la mer – et notre avenir ? En lettres tremblotantes aussi, comme les petits squelettes affamés sur nos jachères artificielles et nos spéculations boursico-alimentaires ? En lettres sanglantes sur tous les champs de batailles et de conflits (inter-ethniques ou internationaux). En lettres manquantes dans les disettes résultantes, les épidémies y galopantes et les indignités y perpétrées ? En lettres monnayables sur nos avions, nos camions et nos canons ? Et en lettres sournoises, dans l’intimité cellulaire de nos enfants encore enfouis dans le ventre maternel et déjà soumis aux polluants multiples ? L’urgence s’appelle PCB, dioxine, DDT, cadmium, mercure, lindane : 2,5 millions de tonnes de pesticides ont été épandus sur la planète dans les années 90 sans réduire pour autant la famine des pays appauvris par nos excès. Et sans autre argument que la productivité amenant, pour maintenir les prix du marché, à déverser le lait à l’égout, hacher menu les légumes et stoker les céréales.
--- Les OGM ne constituent pas un risque pour l’environnement car ils sont, soit strictement confinés, soit maintenus à distance des cultures traditionnelles, soit stériles. // Mais les OGM, matériaux vivants, peuvent-ils réellement être contenus ?
--- Les OGM sont testés, évalués, inféodés au Principe de Précaution… . // Et les intérêts en jeu, et les convergences (où certains chercheurs sont en « participation financières» au cœur d’entreprises commerciales, où les brevets font horizon... Où, surtout, les essais portent trop souvent sur un comparatif établi au regard de l’élément/aliment référentiel (non modifié) : « ignorant» alors les métabolites nouveaux…
--- Les OGM végétaux et animaux faciliteront l’alimentation d’hommes toujours plus nombreux, combleront les carences et permettront de stopper épizooties et pandémies, voire même contribueront à la reconstruction du corps en ses possibles (xénogreffes) –améliorant la santé humaine. // Mais la crise alimentaire ne dépend-elle pas d’un ensemble de facteurs socio- économiques et géopolitiques, et ce pour le moins autant que des aléas naturels (la plupart des OGM se démarque par ailleurs d’une résistance à la sécheresse ou d’une résistance aux polluants) ?
--- Les animaux modifiés offrent des modèles expérimentaux calibrés permettant de tester plus efficacement et à moindre coût (financier et animal) des procédures destinées à soulager la souffrance humaine. Par ailleurs, la transgenèse permet d’obtenir en quantité suffisante, à moindre prix et dans des conditions optimum de sécurité des substances médicamenteuses d’importance capitale - préservant les vies et les égalités (pragmatisme, finalisme, sollicitude)…. // Mais, les animaux modifiés sont transformés en usine par des opérateurs faussant la compréhension du vivant et des relations inter-spécielles. Ils mêlent ce faisant genres, espèces et individus pour défaire l’édification naturelle et plus encore conceptuelle des différentes catégories.…
---Les thérapies germinales permettront d’éliminer certains gènes délétères particulièrement douloureux en leur expression – et donc d’éliminer différentes pathologies associées à une (des) souffrance(s) inexorable(s)… . // Mais les thérapies génétiques germinales ne frôlent-elles pas l’inconséquence quand un gène aujourd’hui délétère peut s’avérer utile dans un futur plus ou moins éloigné : en génétique, tout est complexe, rien n’est monolithique ou unidimensionnel et l’on ne peut s’assurer de critères universels départageant nécessaire, utile, indésirable et néfaste.
-- L’intervention méliorative, comme avant elle l’évolution naturelle, conduira à des hommes plus forts, plus libres, plus créatifs, plus résistants, plus disséminés en des environnements divers et variables. Comme l’évolution naturelle, elle se construira sur les combinaisons efficientes (D. Cohen, G. Stock…). // Mais, à trop vouloir éliminer les inconvenances et le mal-être (en un glissement qui conduirait de la monstruosité à la différence, de la souffrance à la gêne, du handicap à l’inconvénient, de la pathologie mortelle au dysfonctionnement infime, de la pathologie mentale aux émotions), à s’acharner au dopage de performance, ne nous nous dirigeons-nous pas vers une post-humanité assise sur l’eugénisme …
Outre son action au cœur des métabolismes, la transgenèse transforme structures, liens ou relations au sein des microcosmes familiaux et sociaux comme au cœur des macrocosmes économico-politique et écologique. Elle modifie de la sorte le rapport à une nature proprement nourricière : la possibilité de cultiver et reproduire (non plus seulement consommer) se lie peu à peu à un droit monnayable. Il s’ensuit une modification des archétypes sociaux et culturels : transformation du rapport au vivant, des écosystèmes, des rapports de classes ou des modes productifs - les cultures OGM associées aux herbicides spécifiques génèrent, puis requièrent, de vastes entreprises agricoles. Suit conséquemment un réaménagement des solidarités et des liens au monde ou à la nature - un monde pourtant commun, une nature originellement offerte. Et s’enchaînent les bouleversements : des fonds sociaux et des substrats familiaux autour desquels s’articulaient reconnaissances, apprentissages et relais transgénérationnels. En effet, le prestige d’un savoir breveté banalise puis destitue celui des paysans agriculteurs (impuissants à soutenir encore une fonction référentielle). En conséquence, les soutènements structurels se fragilisent, les repères s’obscurcissent et la sagesse ancestrale est disqualifiée –ouvrant la porte aux rejets des voies (et voix) anciennes, en ce compris en leurs messages éthiques ou symboliques. En outre, les monopoles peuvent être des armes redoutables au service d’un colonialisme nouveau genre : insidieux, aux mains «propres» (au début de l’année 2000, particuliers et firmes des nations industrialisées du Nord détenaient 70% des brevets d’Asie et 95% des brevets d’Afrique, cfr. La biodiversité assimilée à une marchandise, J.P. Maréchal, Le Monde diplomatique mars-avril 2000).
Le monde bouillonne, à la mesure de son réchauffement supposé inexorable. Les conflits se suivent et se ressemblent souvent trop : dans la désolation et la misère. Au reste, la souffrance est partout. Partout se lancent des demandes ou SOS – bouteilles jetées dans une mer mourante. Et puis, venant à leur rencontre ou les devançant pour quelquefois les inventer, les possibles technico-scientifiques proposant le meilleur ou le pire (le meilleur et le pire sans doute : des souffrances évitées, des existences rendues à elles-mêmes, des vies allongées, des possibles démultipliés, mais aussi, des ruptures, des pertes d’identités, des ségrégations et, peut-être, des bifurcations d’espèce(s)). Certes, il est des bactéries, modifiées, qui peuvent/pourront/pourraient œuvrer à la restauration de sites pollués… Certes, il en est d’autres qui produisent/produiront/produiraient des substances nécessaires à la vie d’individus en souffrance (hormones diverses, catalyseurs, médiateurs, céments…). Certes, des maladies génétiques pourront être corrigées par insertion de transgènes… A ce titre, tout n’est évidemment pas à jeter ; mais il faut raison garder à l’horizon d’un avenir humain qui puisse demeurer possible…
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