Des enfants à la porte d’une école….
Des jeunes à la sortie d’une discothèque…
Des petits vieux dans la rue…
Des bébés, à la crèche, voici quelques années, en Belgique…
Des porteurs de futur et des passeurs d’histoire…
Les gens manifestement pètent les plombs et il convient de chercher une explication. Loin d’un retour à la barbarie punitive ou vengeresse, parce que la mort n’efface en rien celle qui la précéda. Parce qu’une bestialité ne peut en annuler une autre et que les violences s’enchaînent toujours en chaînes dévastatrices.
Chercher donc, et peut-être dans les solitudes et les déracinements, les démissions ou les désespoirs. Parce que ce que l’on tue, c’est l’innocence et l’aube d’un espoir ou d’une histoire. Parce que ce que l’on vise, c’est l’institution du savoir et des libertés. Ce que l’on brûle, de bûchers en brasiers, c’est la vitrine emblématique de notre société de consommation et de désillusions: la voiture et ses promesses de confort, d’autonomie et d’intégration – celle-là même qui devait offrir le monde et rapprocher les êtres.
Où donc ceux qui combattent, pillent ou vandalisent trompent leur errance désespérée dans la mise à sac des objets et symboles sociétaux se refusant à eux. A cette aune, la question tient aux conditions de possibilité du possible – de la condition humaine donc, et de ses exigences. Questionnement posé en contre-donne des déracinements et des béances dévastatrices associées à la solitude. En la matière, les heurts et chaos des banlieues nous sont autant d’avertissements. Où l’individu «apatride» (immigré, réfugié, étranger, exclu socio-économique ou esseulé des ruptures familiales, démissions sociales et mondes virtuels) se trouve confronté à un effondrement des valeurs, promesses et horizons offerts naguère par la tradition familiale. Où se croisent sans plus se voir des consommateurs masquant leur insatisfaction existentielle d’acquisitions objectales et compulsives impuissantes cependant à combler vraiment le vide qui les ronge. Où s’entrechoquent des monades sans reliances errant de ruptures en affirmations violentes. Où se constituent des groupements terroristes enivrés de leurs extrémismes délirants et où se mènent des guerres justifiées de leurs légitimités autoproclamées. A savoir alors si les conflits et les expatriations, si la mondialisation d’une Terre rapetissée par ses techniques, si les ruptures portées par les technosciences, ne conduisent pas à une perte identitaire factrice et vectrice de violences ?
Et de me dire que les fibres et les fils qui nous reliaient corps et «âme», les uns aux autres, tous au temps et l’histoire civilisationnelle à celle de la Terre, ces fibres et ces fils donc, ont étés coupés pour faire place à un bricolage aveugle inscrit dans un monde de désolation(s) et de ruptures. Bricolage et fantaisie pour réaliser quelques réassemblages sans queue ni tête mais où la «queue», justement, cette puissance aveugle et sans distinction de genre, reprend parfois le dessus : part reptilienne ou pulsion égoïste d’affirmation et de continuation – en une prise à soi a-référée et débridée du monde et de l’avenir (par ingression ou appropriation).
Ruptures et coupures donc, en ce compris à la terre où, naguère encore, nous accrochions nos pas.
Coupures et déliances : de la subjectivité contre son corps, contre les autres et hors du temps – loin du sol, entre irréel et virtuel…
Et tout commence à l’enfance que l’on voudrait dompter : au nom des contraintes et des structures (d’)adultes. Au nom, aussi, de la sainte consommation !
Il doit rester tranquille -maman et papa sont fatigués (ou regardnte la télé, ou lisent le journal…).
Il doit filer dans sa chambre, et s’ occuper « intelligemment »… !
Alors il file l’enfant. Et s’occupe avec un jeu vidéo ou devant un écran ouvert sur un monde qui peu à peu se referme sur ses peurs et ses indifférences –si seul !
Là, immobile, il se gave d’images : petite dépouille à la chair superfétatoire, petit sujet (presque) bien dressé…. Mais sans plus d’apprentissages justement : ni celui de l’enfance, ni celui de sa force. Ni, surtout, celui de l’autre en sa réalité tellement semblable et si différente – infinie richesse d’une communauté où la diversité fait humanité.
Or il doit apprendre le petit d’homme : à contrôler ses pulsions, vider ses énergies et verbaliser ses peurs ou ses violences. Apprendre de son corps engagé dans la bataille ; apprendre de ses compétitions pour que peu à peu elles s’amenuisent. Sans cela, un jour ou l’autre, avec d’autres forces, d’autres armes, portées de frustrations et de silences, elles resurgissent en vagues destructrices.
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