Fabrice Midal se livre comme jamais dans son dernier ouvrage Suis-je hypersensible. Enquête sur un pouvoir méconnu (Flammarion). Une enquête qui a conduit le philosophe, fondateur de l'École occidentale de méditation, à comprendre les implications psychologiques, cognitives et sociales de cette singularité, qui concerne près d'un quart de la population. Rencontre avec un hypersensible « assumé » qui sait vibrer à l'unisson des autres et du monde.
Fabrice Midal n'est jamais là où on l'attend. Quand on le croit parti sur le pont de la zénitude, il invite ses congénères à la résistance dans son livre : Foutez-vous la paix !, quand on le cherche du côté des remèdes de bien-être, il écrit : Traité de morale pour triompher des emmerdes, quand on le confronte à l'empathie, il lance : Sauvez votre peau ! Devenez narcissiques, et quand on s'attend à des leçons d'optimisme, il propose son Comment rester serein quand tout s'effondre ? Bref, quand Fabrice Midal parle de lui, c'est pour mieux parler de nous. Quand il cherche la singularité, c'est pour mieux la rendre universelle.
Avec son dernier livre, Suis-je hypersensible ? Enquête sur un pouvoir méconnu (Flammarion), le fondateur de l’École occidentale de méditation va encore plus loin, prenant à rebours la doxa ordinaire. Dans ce livre-enquête, il raconte sa propre quête pour comprendre la spécificité qui est la sienne et livre les clés qui lui ont permis d'en faire une force. Son enquête personnelle lui permet de découvrir que l'"hyperconnexion" aux choses peut devenir "hyperpouvoir" dans de nombreuses circonstances. Il serait donc temps pour les hypersensibles d'apprendre à voir dans leur particularité, un formidable atout. Pour autant, la vie de l'hypersensible n'est pas un long fleuve tranquille... elle est faite de passions et de désillusions, d'intenses stimulations et de retraites nécessaires, de créations et de passages à vide.
Les bureaux de Fabrice Midal ne se trouvent pas sur le Toit du Monde au Tibet où ce docteur en philosophie a réalisé quelques retraites bouddhistes, mais au 43e étage d'une Tour de la région parisienne qui tutoie le ciel et a une vue sur tout Paris. Depuis ces hauteurs suprêmes, Fabrice Midal a créé sa ruche de réflexion qui lance ses conférences et formations. La tête dans les nuages, il garde cependant bien les pieds sur terre, car ses enseignements suscitent un engouement grandissant et ses livres, un succès jamais démenti. En notre époque de technocratie et de performance à tout va, son message bouleverse les idées reçues. Rencontre avec un hypersensible heureux et fier de l'être.
-Fabrice Midal : Le sujet de l'hypersensibilité me touche en effet personnellement, car j'ai très tôt ressenti les effets de ma singularité. Et ce fut souvent source d'incompréhension et de souffrance. Quand j'ai cheminé petit à petit et cherché à comprendre comment vivre avec ce "moi-même complexe", je me suis lancé dans une enquête en rencontrant des spécialistes de différentes disciplines - scientifiques, neurologues, physiciens, anthropologues, psychologues, philosophes, historiens... J'ai découvert notamment que l'hypersensibilité, telle que les neurosciences l'ont observée, induit un niveau de perception plus intense par l'ensemble des zones du cerveau de manière simultanée. Ce n'est pas de l'imagination. C'est un fait démontré. L'hypersensible est donc un hyperconnecté. C'est pourquoi, il peut se laisser envahir par trop d'émotions et d'interactions. Mais, à l'inverse, il peut aussi entendre les signaux faibles du monde avant les autres, ce qui en fait un être souvent visionnaire, plus empathique et potentiellement plus créatif. C'est en cela que l'hypersensibilité peut se voir comme une force, et non pas comme une faiblesse. En revanche, il est important que l'hypersensible apprenne à se préserver. Le fruit de mon expérience m'a permis de définir les clés pour qu'il se protège sans s'enfermer.
F.M. : Comme l'hypersensible ressent les choses plus intensément, il est davantage susceptible de s'épuiser.Le plus grand écueil réside en lui-même. Car vis à vis des autres, certes son hypersensibilité peut le conduire à davantage de susceptibilité, mais comme il est plus empathique, il comprend mieux et s'adapte vite. Il est plus agile pour reprendre le mot à la mode. Ce que j'ai expérimenté moi-même, c'est un besoin récurrent de déconnexion, de silence, car je ne peux pas diminuer ma réactivité à l'environnement. Ce qui me sera bénéfique et le sera à tous les hypersensibles, c'est de m'accorder des moments de pause. Ces moments ne doivent pas être culpabilisants. Ils sont vitaux. A ce sujet, la méditation est un bon moyen de faire respirer son cerveau en quelque sorte, mais pour l'hypersensible, la méditation de pleine conscience n'est pas adaptée.
F.M. : L'hypersensible développe déjà de l'hyperconscience justement. Donc, la pleine conscience est dangereuse pour un hypersensible… Se contrôler, vouloir être calme, chercher à être « zen », s’observer, observer ce que l’on vit, un hypersensible ne le peut pas. En essayant d’aller contre le fonctionnement--même de son cerveau, il se fait du mal. Se décourage… Il se sent encore plus coupable de ne pas y arriver, d’être submergé parfois par ses émotions.
Il faut au contraire explorer son hypersensibilité et cesse de s’en vouloir, d’essayer de la rejeter… C’est pourquoi je propose des formes de méditation complètement différentes, qui reposent sur l’ouverture, l’écoute, la rencontre de ce que l’on vit… Les résultats sur les hypersensibles sont vraiment extraordinaires.
F.M. : En premier lieu, s'accepter et ne pas avoir honte de ses réactions épidermiques. Le plus difficile, quand on ne comprend pas ce que l'on ressent, est de lutter pour se conformer à une autre manière de fonctionner. Quand on s'accepte, on comprend mieux son rythme intérieur et on apprend à composer avec soi-même.
Ensuite, ne pas s'en demander trop. Nous sommes dans une époque qui parle de performance et de robotisation. L'hypersensible qui a déjà tendance à vivre trop intensément, peut se laisser piéger par ce mythe du "toujours plus". En d'autres termes, il est important de connaître et de poser ses limites.
C'est pourquoi, le troisième conseil qui est lié au deuxième est de prendre du recul régulièrement ou d'effectuer des retraites, même de courte durée. C'est un besoin vital pour que l'hypersensible se recentre en dehors "des autres".
F.M. : Le moteur de l'hypersensible est l'enthousiasme. S'il se passionne pour un sujet, il ira à fond et déplacera des montagnes. Sa dimension visionnaire en fera un super éclaireur et souvent un excellent créatif. En revanche, il ne recherche pas le pouvoir. Il sera malheureux s'il doit affronter des joutes de personnes, car il le ressentira davantage comme un stress négatif que les autres. A lui de se connaître pour ne pas se diriger dans un contexte qui lui sera néfaste.
L'hypersensible a besoin que l'on respecte son rythme personnel. A sa direction de comprendre qu'il sera plus productif si on lui laisse une certaine autonomie.
L'un des risques pour l'hypersensible est le burn-out. Car, comme il voudra bien faire, il ne se donnera pas de limite, sera à l'écoute des besoins de ses collègues et risquera de s'oublier lui-même.
F.M. : Aujourd'hui, nos personnalités politiques sont plutôt des "hyposensibles". Nous sommes dans l'ère de la technocratie et de la technique. On exalte le mythe du dirigeant fort et dépourvu d'émotion. Le revers de la médaille, c'est le risque que le politique se coupe des aspirations de la population et qu'il n'intègre pas dans son "équation" les paramètres humains en constante transformation. Mais cela n'a pas toujours été le cas. Le Général de Gaulle par exemple était un grand hypersensible. Son Appel du 18 juin est le manifeste-même d'un hypersensible qui réagit à un moment crucial de l'Histoire, parle avec son coeur et porte une vision avant les autres. Hypersensibilité ne rime pas avec faiblesse. Elle est le moteur de l'action au contraire.
F.M. : Les hypersensibles ont existé de tout temps. Nous pensons même que ce sont eux qui ont fait avancer l'Humanité. En période de crise, ils sont les plus réactifs et imaginatifs. Ils anticipent les choses à venir et savent se tenir prêts au changement. Cela ne veut pas dire que cela leur est plus facile. C'est juste qu'ils ont la capacité d'être en résonance avec leur environnement. Quand celui-ci se transforme, eux-aussi entament le mouvement. Ils savent également très vite ressentir ce qui ne va pas, pointer du doigt les dérives délétères de telle ou telle évolution. Les hypersensibles ont donc un rôle essentiel à jouer dans notre société en pleine mutation.
>Fabrice Midal, Suis-je hypersensible ? Enquête sur un pouvoir méconnu, Flammarion, 308 pages, 19,90 €
>Informations sur les conférences et formations sur le site de Fabrice Midal
Fabrice Midal explique en vidéo pourquoi l'hypersensibilité est une chance.
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