A l’occasion de la sortie de son livre, « Mon ami cet inconnu» (Editions Pierre-Guillaume de Roux), François Cérésa, livre pour Viabooks son autoportrait par le texte et l’image.
Réalisation Annick Geille
Photo prise dans les Vosges par ma femme Ariane, devant un portrait d’un colonel de cuirassier sous l’Empire. A cette époque, on se mordait moins les oreilles. Les cavaliers avaient du courage, du tempérament, du caractère, de la mélancolie (ce bonheur d’être triste, comme disait Hugo), tout ce qui manque cruellement à notre époque. La photo avec le portable ? Quand j’essaye moi-même de me prendre en photo, on dirait Quasimodo. Je ne comprends rien à cette technologie moderne qui nous empêche d’aller pisser en toute sérénité. Big Brother est partout. Le stylo et le papier, rien de tel. Dans le mot stylo, il y a style. Dans le mot numérique, il y a numéro. Bien vu. Nous sommes des numéros.
Je suis écrivain depuis toujours. Si je n’avais pas
été écrivain, j’aurais été militaire ou médecin. La nécessité intérieure est
extérieure. Je ris de me voir si beau en ce miroir ! Sabre au clair !
La suite des « Misérables ». J’aurais mieux fait de me retenir. L’exercice a été considéré comme périlleux, ce qui est vrai, et comme prétentieux, ce qui est faux. Prétentieux, ce serait de faire la suite de « La recherche » ou du « Voyage »… Moi, je suis resté dans le romanesque. J’ai ressuscité Javert ! Roman de cape et d’appétit !
En fait, la folie, c’est
l’exercice. L’exercice se suffit à lui-même Gros égotisme. Un Chateaubriand du
radis-beurre. Prendre de bons produits, bien tartiner, bien présenter, se la
croquer tranquille… Quoi qu’il en soit, on fait une suite (plutôt une fuite),
on essaye de le faire bien, de rendre hommage, de faire comme tous ceux qui l’ont
fait depuis la nuit des temps, de reprendre un héros créé par un autre (comme
La Fontaine avec Esope, Nimier avec Dumas, Joyce avec Homère, Tournier avec
DeFoe, etc.), et on se fait aligner par des aigrefins qui s’érigent en gardiens
du temple. Patatras ! On se ramasse. Mon Hugo est surdimensionné, je les
emmerde !
« Le cimetière des grands enfants. » Louangé par Simone de Beauvoir, Jacques Laurent, Louis Nucera, Alphonse Boudard, Claude Roy, Jean-François Josselin, Gérard Guégan, Jérôme Garcin, Patrice Delbourg… C’est bon, un peu d’autosatisfaction… Aujourd’hui il y a Ruquier, Cauet, Hanouna… Cromacouille de mes deux gnons !.. Rigolade. Un cimetière, c’est bien ça. Qui connaît encore Laurent, Roy, Boudard, Nucera, Josselin ? Des aventuriers de l’âme perdue.
Pars après moi, c’est tout. Faire souffrir, c’est toujours se tromper. On ne passe son temps qu’à se tromper.
« Cette année-là, il n’y a pas à dire, le prof d’anglais m’avait bien coincé. »
« Sa dernière vantardise avant l’inconnu. »
« Pour toi, les paillettes. La fiesta à tous crins. L’oubli. La démesure. Le délire. La peinture à coups de bite. Seulement notre disponibilité n’était plus la même. Ça te déplaisait. La famille. L’embourgeoisement. Tu as rué dans les brancards. Face à la solitude, tu n’osais pas réveiller l’émotion qui dort. L’insolence l’emportait. Tu t’es enfermé dans la posture. Je peux te le dire maintenant. On s’est trompés. On croyait que tu aimais tellement la vie. L’autre jour, Jacquot m’a dit que dans nos cœurs, il y a le cœur de nos disparus. Cela ne suffit pas. Je le sais. « Ne t’en va pas, ma force, ma faiblesse, ne t’en va pas. » Tu connais ça, hein ? L’un court, l’autre a des ailes. Ce n’est pas du Dostoïevski. Quel idiot. Le ténébreux, le veuf, l’inconsolé. Non, c’est nous. Voilà où l’on en est. » Le portrait d’une jeunesse déjantée dans le Paris des années 70. L’histoire d’une amitié perdue retrouvée au fil de la vie. Et la descente aux enfers de Nanard. Le plus fragile des sept copains. Celui qui devait mourir. Un récit truculent, poétique et plein de larmes. Par l’auteur d’Antonello Léonard de Vinci et moi (Plon, 2011) et de La Vénus aux fleurs (Robert Laffont, 1990).
Je m’en fous.
Etat stationnaire. Mon ami d’enfance est mort, il s’est pendu.
Et moi, je ne suis pas pendu aux gesticulations d’une presse qui ne bande qu’au romantisme de l’égout. L’égout surdimensionné (voir plus haut le jeu de mot employé une première fois, ce qui dénote chez moi un manque d’originalité inquiétant), voilà la bonne trique des médias audiovisuels. Beurk !
(Propos recueillis par A.G.)
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