Gaëlle Geniller revient du Festival d'Angoulême avec la mention spéciale Pass Culture Canal BD pour «Minuit Passé » (Delcourt). Après « Le Jardin, Paris », l'autrice tisse un univers graphique tout en grâce et poésie, où des personnages doux et attachants vivent des histoires fantastiques de tous les jours ou de toutes les nuits. Gaëlle Geniller, qui est à la fois illustratrice, coloriste et scénariste, répond à nos questions.
Les nuits sans sommeil réveillent l'imagination et l'imagination appelle, parfois, souvent, la peur. Minuit Passé est né comme ça, d'une période d'insomnies confie Gaëlle Geniller son autrice, « pour vaincre et domestiquer la peur, l'adoucir ».
Minuit Passé est un conte où le fantastique est comme la beauté du trait de Gaëlle Geniller, doux et naturel, sensible et merveilleux. Avec le père et son fils, la réalité épouse le songe, le rêve rejoint la transmission. Le récit concret, vivant et coloré nous emporte. La fable personnelle mêle aussi humour et mélancolie. Les clés de ce mystère sont multiples. Des portes s'ouvrent à la lecture, à la relecture, avec bonheur.
Une victoire réussie aux yeux des ses pairs comme à ceux de la critique et de ses lecteurs. Minuit Passé marie le fantastique et la douceur, le jeu et la mélancolie, avec bonheur et vient de décrocher le Prix Canal BD mention Pass Culture remis à Angoulême.
Rencontre avec une autrice sensible et vibrante.
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Gaëlle Geniller : L'histoire est partie en noir et blanc. Ça venait comme ça, mais ça n'allait pas. Je trouvais ça un peu ennuyant. Si je m'ennuie moi, qu'est-ce-que ça va être pour le lecteur ! Coloriste, j'aime travailler les couleurs, alors je les ai laissées revenir. Il y a des choses qu'on ne maîtrise pas trop. On prend une direction et puis c'est elle qui vous porte. Et là, ça a été le cas. On est allé vers une histoire qui mêle inquiétude et réconfort.
G. G. : J'adore les films d'horreur, mais je suis incapable de les regarder tellement cela me tend. Je ne suis pas la seule je pense. J'ai fait Minuit Passé en pensant à ça, à tous ceux qui sont comme moi. J'ai pris le contrepied des codes des films d'horreur. Le cliché de l'enfant par exemple, quand un enfant sent ou voit des choses et que les adultes ne le croient pas. En général, ils ne le prennent jamais au sérieux. L'autre cliché aussi, celui de l'enfant qui fait peur comme dans L'Exorciste. Nisse (NDLR : l'enfant dans Minuit Passé) est tout aussi imprévisible mais il ne fait pas peur. Il intrigue mais il est doux et quand son père, Guerlain, panique, c'est lui qui le rassure.
G. G. : Avec des parents merveilleux, j'attache une grande importance à la famille, à ses valeurs. Aînée d'une fratrie de trois enfants, les prénoms de mes deux cadets, Lilian et Solen, inspirent les Liliandre et Sombeline de Minuit Passé dans la fratrie de Guerlain. Ma dédicace en début d'album leur offre cette histoire.
G. G. : J'ai un lien émotionnel fort avec mes personnages. Je m'attache à eux comme à de vieux amis. Guerlain est arrivé très tôt. Les trois corneilles ensuite, comme ça. En passant par mes lectures sans doute aussi : Maupassant, Poe... Puis j'ai donné un enfant à Guerlain. Un sens aux corneilles. En fait, les personnages me viennent avant l'histoire. Je les rend crédibles, les dessine dans des situations quotidiennes, très cosy, douces... C'est comme sortir Barbie de son coffre à jouets. Les noms arrivent après d'eux-mêmes puis l'histoire enfin, qui va où elle va. Je la découvre avec eux.
G. G. : Oui, je veux pour les miens autant de petits plaisirs que dans la vraie vie. Je ne veux pas les violenter. Minuit Passé n'est pas une catharsis pour m'affranchir de mes peurs en les romançant !
G. G. : Minuit Passé est né pendant des crises d'insomnies où j'imaginais un décor pour me détendre. Plus il y avait de détails, plus ça me rassurait. Je me détendais, Drosera grandissait, les pièces et l'alentour se précisaient, se meublaient, j'y circulais, j'en ai fait les plans pour y mouvoir mes héros. Drosera (NDLR : on trouve ces plans dessinés dans le chapitre Derrière Les Rideaux évoqué plus haut) est né comme ça.
Gaëlle Geniller : Rare et insectivore oui ! Droséra, c'est aussi le nom d'un parc où mes parents m'emmenaient plus jeune, entre Loire et Puy-de-Dôme. On y trouvait les monuments emblématiques de la région en miniature. Le parc a fermé depuis. Plante carnivore et rare des tourbières et jardin d'enfance en pleine nature, j'ai trouvé le mariage plutôt réussi pour Minuit Passé et le nom de Drosera plutôt chantant.
G. G. : J'aime représenter ce qu'on ne voit pas. La musique c'est tout à fait ça. J'en cherche une représentation atmosphérique. Je suggère les ondes qui filent, je laisse du blanc plutôt que montrer les notes d'un instrument, les paroles d'un air chanté ou joué par un gramophone comme dans Minuit Passé. Oui, je travaille en musique mais il faut que je me méfie. L'atmosphère m'influence. Si j'écoute une musique triste, je dessine triste. Du coup, je choisis bien ma musique avant de commencer mon travail. C'est une musique d'ailleurs qui m'a décidée à faire Minuit Passé. Son son - des ondes tout à la fois douces et distordues, une atmosphère inquiétante et en même temps rassurante - m'a matrixée (NDLR : mélomanes et curieux, jetez une oreille ou même les deux sur The Consequence of Imagination is Fear de Junie & TheHutFriends).
G. G. : Vers 18/19 ans, j'ai eu une folie des livres. J'achetais des BD, j'en empruntais, sans jamais regarder les noms des auteurs. Je me laissais porter par l'histoire, le dessin. Un jour une amie voit tous ces albums, les regarde et me dit : « J'ai l'impression que toi, tu aimes bien Hubert ! » Son nom revenait sur la plupart des albums. Je le découvrais, je n'y avais jamais fait attention auparavant. C'était comme ça, c'étaient mes choix. Miss Pas Touche, Beauté, Monsieur désire ?... Hubert avait une façon très crue de dire les choses et très poétique de les raconter.
>>Minuit Passé, Gaëlle Geniller - Delcourt - 205 pages, 25,50 € >> Pour acheter le livre, cliquer sur ce lien
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