Patrick Jacquemin a été chef d'entreprise dans une autre vie. Après avoir connu honneurs, succès et vie trépidante, il a décidé de se consacrer désormais à ses deux passions : la défense de la nature et l'écriture. Son premier roman «L'odeur de l'herbe après la pluie» est un récit initiatique, dans lequel une femme pressée se découvre en changeant de vie. Un livre qui sent bon le printemps et le retour aux valeurs de la terre. Patrick Jacquemin nous en livre les clés.
-Patrick Jacquemin: Ce roman décrit une déroute, puis un retour aux sources. Il s'agit d'une femme ambitieuse, apprêtée, citadine et aisée qui soudainement se pose une singulière question : "À quoi ça sert ?", puis qui plaque tout sans prévenir, pour se réfugier sur le lieu de son enfance, loin de Paris, à la campagne. Le hasard déposera sur sa route une rencontre inattendue qui la mènera vers une nouvelle existence un brin fantastique.
-PJ: On ne peut pas dire que sa vie soit stressante. C'est une vie empressée, qui est mue principalement par un accomplissement professionnel et financier. Il est probable qu'Annabelle ait de sérieux traits de ressemblance avec moi sur certains aspects, mais pas sur tous, loin de là (notamment l'éducation des enfants)!
-PJ: Une incantation ou une réalité ? Tant qu'on a rien découvert sur ce que je développe, cela reste incantatoire effectivement. Je pense cependant qu'une grande partie est réalité. Bientôt peut-être en saurons-nous plus !
-PJ: Il fut un moment où je me prenais à penser que la terre était comme mon jouet, le jouet qui me permettait d'assouvir mon ambition : je crée mon entreprise, j'étends son influence dans le monde, j'essaye de devenir le numéro 1 sur terre dans mon domaine, je tente de gagner plus d'argent avec lequel j'achète d'autres entreprises, et ainsi de suite jusqu'à devenir le maitre du monde... Cela ressemble à un Monopoly grandeur nature : devenir le plus riche, le plus puissant, le plus dominateur. Nous sommes happés par la fuite en avant de notre société, par la réussite. Cela en soi pourrait ne pas être un problème et d'ailleurs cela a incontestablement amélioré notre quotidien vers plus de confort et de sécurité (si on compare aux siècles passés). Cependant l'ambition humaine et son expansion se font au détriment de la nature et les équilibres actuellement sont en train de vaciller.
Je n'ai pas de solution miracle. Je sais seulement que lorsque je suis dans la nature, j'ai le sentiment d'être dans la vraie vie. Alors je tente d'y passer plus de temps.
-PJ: J'écris depuis l'adolescence. A l'époque, j'écrivais des poésies d'un ado révolté. L'envie d'écrire ne m'a jamais quitté, mais je n'en avais pas le temps car je devais travailler. Un jour, j'ai décidé de revendre mon entreprise afin de me consacrer à l'écriture et à la protection des animaux. J'ai alors franchi cette première étape d'un recul que je souhaite plus important par rapport à la modernité, un peu comme mon héroïne.
-PJ: J'écris actuellement un deuxième roman, justement sur le braconnage du rhinocéros en Afrique. L'histoire de deux frères qui vont se trouver au cœur d'un drame lié au braconnage. J'ai d'autres idées de livres dont un sur des sujets économiques, dont je pense que je verserai aussi les fruits (si je l'écris et s'il se vend) au Fonds de dotation.
-PJ: J'avais envoyé une première version de mon manuscrit, de manière anonyme, à 1 ou 2 éditeurs en février 2014, histoire de suivre le chemin classique. Je n'ai eu que des réponses négatives. Après pas mal de corrections en 2014, j'ai décidé, début 2015, de ne plus contacter les éditeurs traditionnels mais de faire le choix du numérique. Par ce biais, je deviens libre: mon livre est diffusé très largement et au moindre coût. Le numérique est la plateforme démocratique de l'édition.On n'est plus obligé de se soumettre au bon vouloir d'un éditeur pour présenter ses écrits à des millions de personnes. Il suffit de mettre le livre en ligne sur internet. Le pendant de l'édition numérique est cette modernité dont j'essaye de m'affranchir... je suis fait de paradoxes !
-PJ: Le livre a reçu de bonnes critiques et j'en suis très flatté. Se confronter au regard et à la critique est toujours un exercice très difficile. Une bonne douzaine de sites et journaux parlent du livre, il est sorti il y a un mois, et, c’est une belle surprise à chaque fois ! Je suis aussi mes ventes et je remarque chaque jour qu’elles progressent c’est assez grisant, non pas pour les recettes car il est à 1.99 euros mais par le fait de savoir que des inconnus ont eu envie de découvrir L’odeur de l’Herbe après la pluie.
-PJ: J'aime les émotions, la créativité, la sensibilité, la rythmique des mots et des phrases. J'aime Shakespeare, Marques, Gide, Hemingway, Gaudé, Jules Verne, Alexandre Dumas, Steinbeck et beaucoup d'autres. La lecture m'inspire et me transporte.
« Au commencement du chemin, ils ne dirent rien. George éclairait les pas d’Annabelle et leurs yeux discernaient plus qu’ils ne voyaient le sombre horizon vers lequel ils avançaient.
Alors comme ça, vous n’avez pas de tracteur ? demanda Annabelle.
Non !
C’est incroyable ! Vous cultivez ou vous faites de l’élevage ?
Je cultive de l’orge et du blé, répondit le paysan.
Avec des bœufs uniquement ?
Oui, avec des bœufs.
Mais ils sont plus lents qu’un tracteur, n’est-ce pas ?
C’est vrai qu’ils sont plus lents. Ce qui est important, c’est de bien choisir la race. Certains sont plus forts que d’autres. Plus travailleurs aussi.
Ah d’accord ! s’étonna Annabelle. Et avec ces bœufs les plus forts, quel est le ratio de productivité par rapport au tracteur ? demanda-t-elle avec une once d’ironie.
Plaît-il ?
Ah oui ! Excusez-moi. C’est un langage un peu technique de chez moi. Je veux dire combien de fois est-ce plus lent qu’un tracteur ? corrigea-t-elle.
Oh alors ça ! Je ne sais pas. Peut-être trois fois plus lent.
Annabelle s’arrêta sur le chemin, se tourna vers le paysan qui l’imita et lui demanda d’un air effaré :
Mais alors pourquoi utilisez-vous des bœufs si le tracteur est tellement plus rapide ?
Ça ne m’intéresse pas d’aller plus vite. Je préfère les bœufs au tracteur… le souffle des bêtes au bruit du moteur, si vous préférez.
Ils reprirent leur marche sous l’impulsion d’Annabelle qui s’inquiéta alors :
Mais cela signifie que vous produisez moins avec vos bœufs qu’avec un tracteur… je veux dire que votre récolte est moins grande… et qu’en conséquence ça vous rapporte moins. Vous voyez ce que je veux dire ?
Oui, je vois tout à fait et vous avez raison.
Elle s’arrêta à nouveau sur le chemin, agrippa le bras du paysan qui stoppa à son tour, et lui posa cette question qui tout d’un coup irritait son esprit :
Et cela ne vous ennuie pas de savoir que vous pourriez gagner plus ?
Non. Je n’ai pas besoin de gagner plus.
Mais vous le pourriez si vous vouliez, n’est-ce pas ?
Peut-être bien.
Alors c’est que vous êtes déjà riche ! lança-t-elle triomphalement, pensant avoir trouvé la clé de l’énigme.
J’ai ce qu’il me faut pour bien vivre.
Il laissa passer un instant, puis ajouta :
C’est bien ça la richesse, non ?
Ils reprirent leur mouvement vers l’avant.
Elle se trouvait un peu décontenancée par cette question à laquelle elle répondit :
Eh bien, à Paris, ce n’est pas vraiment cela que d’être riche. Mais ici, peut-être est-ce le cas. »
Propos recueillis par Olivia Phélip.
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