Rencontre

Léonora Miano : «Stardust», l'ombre et la lumière de l'écriture

Léonora Miano qui avait reçu le prix Fémina 2013 pour son magnifique La saison de l'ombre (Grasset), revient avec un roman fondamental dans la genèse de son travail : Stardust (Grasset). Un récit écrit  il y a plus de vingt ans, qui relate  la période au cours de laquelle Léonora Miano, jeune mère de 23 ans sans domicile ni titre de séjour, fut accueillie avec sa fille dans un centre de réinsertion et d’hébergement d’urgence du 19e arrondissement de Paris et qui construit ainsi son identité. Rencontre avec une grande dame de la littérature française qui nous parle de son bonheur d'écrire...

Léonora Miano sait nous captiver, plus exactement nous envoûter, avec sa langue poétique et inspirée. L'auteure franco-camerounaise choisit de changer de perspective avec Stardust, où elle revient sur ses années d'hébergement dans un centre de réinsertion français, alors qu'elle avait fui un couple sans avenir, emmenant avec elle sa petite fille. «  Lasse de l’errance en couple, elle avait préféré se débrouiller seule. Impossible de rester auprès d’un garçon qui ne parvenait pas à devenir un homme. En une fraction de seconde, elle avait décidé de sauter sans filet. C’était le seul moyen d’empêcher la haine de s’installer là où il n’y avait déjà plus de respect. Elle avait emmené Bliss, serrant contre son cœur la plus belle part de lui. Alors qu’un soleil pâle s’apprêtait à trouer les nuages, Louise avait dit  : Je pars avec la petite. Pas un mot de plus.  ».

Migration, dépossession, écriture

Ce texte, écrit la migration, la dépossession et le reconstruction. Il porte les germes de toute la puissance de la langue de Léonora Miano. Ses mots coulent et frappent en même temps. Écrit il y a plus de vingt ans, ce roman relate la période au cours de laquelle Léonora Miano, jeune mère de 23 ans sans domicile ni titre de séjour, fut accueillie avec sa fille dans un centre de réinsertion et d’hébergement  d’urgence du 19e arrondissement de Paris. C’est en fréquentant la rudesse de ses marges qu’elle a le plus intimement connu la France… Et qu'une grande écrivaine française a vu le jour.

Une  œuvre portée par la force de la langue

Rappelons que précédemment Rouge impératrice (Grassetsituait son récit dans une Afrique future qui deviendrait terre prospère vers laquelle les anciens du "monde d'avant" cherchant un accueil à tout prix. Evoquer les migrants sous un angle inversé éclaire avec la force de l'évidence. La complexité des rencontres et des relations dans ce contexte est aussi porteuse de sens. 
Dans Crépuscule du tourment (Grasset), elle évoquait ’un héritage douloureux  au Cameroun par la parole de quatre femmes qui s’adressent au même homme, unies par une ascendance difficile. Comment le tourment devient-il le ferment d’une famille ? Un texte magnifique qui avait confirmé  la puissance d’écriture de celle qui avait reçu le prix Femina en 2013 pour La saison de l’ombre, où elle déclinait son questionnement sur l'identité, la transmission sur fond de traite négrière en Afrique. L'auteure des Aubes écarlates (Plon) construit souvent ses livres comme un opus musical. Une recette qui a fait aussi le bonheur de Blues pour Elise (Plon), un swing littéraire qui nous plongeait alors dans l'intimité de cette France urbaine et colorée dont on parle parfois sans la voir véritablement, sans en rien en savoir. Léonora Miano répond à nos questions sur sa vie d'auteur et son bonheur d'écrire.

Viabooks : Avez-vous des rituels particuliers ou des habitudes lorsque vous écrivez ?

Léonora Miano : «Pas de rituel en tant que tel. Je travaille chez moi uniquement ».

Vous imposez-vous des quotas : « j’écris tant de signes/mots par jour » ?

L.M.: «Non, rien de tel… C’est un peu idiot, non ? Je n’ai pas de mal à écrire, et nul besoin de m’imposer un nombre de signes ».

Utilisez-vous l’informatique, une machine à écrire, un enregistrement vocal, des cahiers ou/et un stylo particuliers ?

L.M. : «Ordinateur et stylo»

Etes-vous adepte du premier jet ou de la longue réécriture ?

L.M. : « Les deux. Il faut un bon premier jet pour retravailler ».

Quand vous êtes-vous dit la première fois : « je suis écrivain » ?

L.M. : « Toujours pas. Ou depuis toujours. C’est un état intérieur, avant d’être un métier ».

Et qu’est-ce que cela signifie  pour vous d’être écrivain ?

L.M.  : «Je n’y pense pas. C’est comme respirer ».  

Vous sentez-vous appartenir à une famille d’écrivains et si oui laquelle ?

L.M. : «Une famille à créer »

Lisez-vous beaucoup, rapidement, en prenant des notes ? Et qu’utilisez-vous comme marque-page ?

L.M. : «Beaucoup. Lentement. Sans prise de notes. Le numéro de la page ».

Comment lisez-vous ? Uniquement par plaisir ou de manière très concentrée, voire professionnelle, pour mieux décortiquer le travail de l’auteur ?

L.M. : « Pas du tout de manière professionnelle, mais je suis formée à la théorie littéraire. Quand c’est nécessaire, ça aide ».

Comment choisissez-vous vos lectures : en lisant les critiques, en regardant les 4 e de couv’, en écoutant les conseils de proches, par hasard…

L.M.  : «En flânant dans les librairies, si je ne connais pas déjà l’auteur. Ne jamais se fier aux 4èmes de couverture… Lire la première page et voir si on est appelé par l’écriture »

Quel a été votre premier « choc » de lectrice ?

L.M.  : « Le Cahier d’un retour au pays natal de Césaire, puis La prochaine fois, le feu, de James Baldwin »

Que lisez-vous actuellement ?

L.M. : « Juliette Sméralda : Peau noire, cheveu crépu. Histoire d’une aliénation. Très intéressant ».

Avez-vous un livre de chevet-fétiche ?

L.M. : «Diable, non ! »

Offrez-vous souvent le même ouvrage à vos proches ? Lequel ?

 

L.M.  : « Non »

Leur offrez-vous les livres que vous avez écrits ? Attendez-vous qu’ils vous donnent leur avis ou préférez-vous ne pas le connaître ?

L.M.  : « Je les leur donne, et ils en font ce qu’ils veulent ».

Vous arrive-t-il de relire vos livres ? Lesquels ? Pourquoi ? Et qu’en pensez-vous ?

L.M. : « Jamais. Ils ne m’appartiennent plus »

Auriez-vous une question que vous souhaiteriez poser à un auteur (disparu ou vivant) ?

L.M.  : « Non »

A quoi ressemble votre bibliothèque ? Les ouvrages sont-ils rangés selon un classement particulier ? Déborde-t-elle ? A-t-elle une histoire ?

L.M. : « Elle est un peu partout. Par terre, sur des meubles. Le classement est thématique, mais souple ».

Que pensez-vous du livre numérique : Jamais pour vous ! Peut-être en voyage ? Pourquoi pas je me suis bien mis à l’iPod !

L.M. : « Jamais pour moi. »

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>Léonora Miano, Rouge impératrice, Grasset
>Léonora Miano, Crépuscule du tourment, Grasset
>Léonora Miano, La saison de l'ombre, Grasset

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4.5
 

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