Avec son premier roman, L'allègement des vernis (Philipe Rey), Paul Saint Bris nous entraîne tambour battant dans une aventure autour de la restauration de la célèbre Joconde de Léonard de Vinci. Cette opération apparemment classique donne lieu à de multiples rebondissements. Et à un récit plein d'esprit. Une réussite qui n'a pas échappé aux jurys de plusieurs prix qui ont choisi de couronner ce livre : Paul Saint Bris est l'heureux lauréat du Prix Meurice et du Prix Orange du Livre.
Élevé à l'ombre du château du Clos Lucé, Paul Saint Bris connaît la puissance de la beauté. Neveu de feu Gonzague, il a aussi baigné dans le goût des lettres. Cependant, Paul Saint Bris s'est d'abord fait un prénom comme directeur artistique, auteur de campagnes publicitaires remarquées, au sein desquelles quelques mannequins élégiaques remplacent les modèles mythifiés de la Renaissance. Son sens d'une esthétique à la simplicité formelle font merveille auprès des marques de luxe. Bon sang ne saurait mentir. Mais aujourd'hui, on découvre Paul Saint Bris romancier, avec L'allègement des vernis (Philippe Rey), un texte qui compose une suite presque théâtrale autour d'un événement : la restauration de l'emblématique tableau de Léonard de Vinci : La Joconde.
Dans le roman de Paul Saint Bris, le plus célèbre tableau au monde a perdu de son éclat. Les outrages du temps viennent ternir l'héroïne à l'éternel sourire : son vernis s'épaissit, jaunit et se dégrade. Catastrophe. Pas question de perdre l'éclat de la star du Musée du Louvre. Pas question non plus de l'abîmer. Entre en scène Daphné, une nouvelle directrice du Musée qui tient absolument à organiser une grande campagne de communication autour de cette Joconde vieillissante et qui intime au héros du livre, Aurélien, directeur du département des peintures, de s'occuper de la mise en œuvre du projet de restauration.
Entre une reine du marketing qui veut que son Louvre brille comme un sou neuf et un conservateur qui rêve de contemplation intimiste avec les tableaux, la dissonance bat son plein. Quand en plus, la dite directrice invite une chanteuse qui ressemble fort à Beyoncé, à se déhancher pour le tournage d'un clip devant une Monna Lisa* imperturbable ... on comprend que la mission de l'allègement des vernis va tenir du dialogue impossible.
«Il songea que les chefs-d'œuvre n'avaient pas été conçus pour être observés dans les conditions du monde actuel : quelque part, il devait admettre que le concept même de musée en les offrant à la vue de tous, avait dénaturé la relation aux œuvres. A la Renaissance, les toiles ou panneaux peints dans l'intimité des ateliers étaient destinés à des endroits tout aussi confidentiels, pour la plupart réservés à de rares privilégiés : l'appartement d'un prince ou le réfectoire d'un couvent interdit aux laïcs. Et quand ils étaient disposés dans des lieux accessibles au commun des mortels, les fresques et les retables se donnaient dans le secret des flammes vacillantes des cierges, à la lueur faiblarde des vitraux, dans la ferveur et le mystère.»
Autres temps, autres mœurs. Le Louvre est devenu un lieu qui brasse des millions de visiteurs. Lui aussi passe à la moulinette des plans com et des réseaux sociaux. Le cahier des charges de cette restauration va osciller entre: Allègement subtil, Allègement léger, Allègement modéré, Allègement mesuré... Entre ces 4 nuances d'allègement, le choix se portera sur Allègement modéré. Andiamo. Notre conservateur va finir par trouver Gaetano, un restaurateur italien vivant en Toscane, iconoclaste et mégalomane, pour mener à bien la tâche demandée. Un personnage empreint de lyrisme et de culture. Génial ? Illuminé ?
«Mais maintenant que tu es venu, demain quand tu rentreras chez toi, tu te souviendras de cette journée. Tu te souviendras de la vigueur de ma brasse, de nos conversations sur tous les génies que la Toscane a enfantés. Tu te souviendras que je suis l'un des leurs. Quelques jours plus tard, tu recevras le dossier que tu attends. Et dans la foulée, tu me choisiras pour effectuer la restauration. Car c'est mon destin et c'est aussi le tien. Personne ne le veut plus que moi. Je le veux plus qu'Isabelle d'Este son portrait par Vinci, plus que les encyclopédistes, la technique de Picault. J'ai le désir, Aureliano. Mon désir est infini. Il est vaste. comme l'univers. (...)»
Élégant, parfois ironique, et même un peu caustique, l'auteur nous entraîne tambour battant dans une folle aventure dans les coulisses des musées et des œuvres d'art. L'amour de la peinture, la mise en perspective avec la société contemporaine entre l'intime et le spectacle, le beau et l'outrancier sont des biais intéressants. On se prend à sourire, comme Monna Lisa*, face à toutes ces gesticulations autour d'un tableau immuable, qui semble possédé d'une vie éternelle. Ajoutez un peu de suspense, une fin inattendue et vous obtenez les ingrédients d'un roman plein d'esprit.
On l'aura compris L'Allègement des vernis construit des jeux de miroirs dans une galerie des glaces, au sein de laquelle la société de cour contemporaine est composée de directeurs de musées qui se prennent pour des princes, de restaurateurs pour des prélats, de collectionneurs pour des rois, des médias, pour des courtisans en mal de convoitise... Ce premier roman se lit avec délectation. Même si aujourd'hui, les œuvres d'art sont enfermées dans des musées trop fréquentés, leur pouvoir reste proportionnel à la fascination qu'elles exercent. Pour l'amour de l'art que ne ferait-on pas ? Une chose est sûre, après la lecture de livre, vous ne regarderez plus La Joconde de la même manière.
>Paul Saint Bris, L'allègement des vernis, Editions Philippe Rey, 352 pages, 22.00 €
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*Nous avons orthographié Monna Lisa à l'italienne, avec deux «n» ainsi que l'a souhaité l'auteur dans son livre.
>Visionner une vidéo dans laquelle Paul Saint Bris parle de son livre dans le Journal international sur TV5 Monde
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