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« Jesse Owens, des miles et des miles » : Gradimir Smudja signe une bio dessinée épique et poétique à la (dé)mesure du héros olympique

Le champion qui a fait de l'ombre à Hitler aux JO de Berlin en 1936, inspire à l'auteur exilé d'origine yougoslave Gradimir Smudja, un roman graphique haut en couleurs et fort en imagination : Jesse Owens, Des miles et des miles (Futuropolis). Une biographie dessinée aussi épique que poétique.

Le champion qui a fait de l'ombre à Hitler aux JO de Berlin en 1936, inspire à l'auteur exilé d'origine yougoslave Gradimir Smudja, un roman graphique haut en couleurs et fort en imagination. Une biographie dessinée épique et poétique.

L'athlète, le politique et le poète

Aux Jeux Olympiques de Berlin 1936, un sprinter afro-américain vole la vedette à Hitler. Jesse Owens gomme plusieurs records des tablettes. Son élan et sa foulée balaient aussi la morgue nazie. Ses quatre médailles d'or sont un sacré revers à la propagande du IIIème Reich. L'homme le plus rapide vivant sur terre n'est pas un aryen. Pire ! L'adversaire allemand qu'il bat au saut en longueur devient son ami et lui sert la main !

Une biographie dessinée, épique et poétique

Gradimir Smudja nous conte la vie et la légende de Jesse Owens, comme il sied à un dieu de l'olympe petit-fils d'esclave. De la cabane natale en Alabama, au lit où la mort le rattrape, la biographie graphique, épique et poétique de Jesse Owens est à la hauteur et la démesure du héros olympique. Celui qui court et traverse les USA, le monde et son siècle, comme un bolide inflexible et déterminé.

La part d'enfance, le secret de l'endurance

Pas de fée penchée sur le berceau du dixième enfant des Owens dans ce Sud où le grand-père est esclave et chacun des frères récolte 60 kg de coton par jour. Autour du petit foyer, le monde entier est adversité. L'homme tout de blanc vêtu - l'épouvantail au chapeau pointu en couverture -, les Blancs en général, les notables en particulier, jusqu'aux animaux qui effraient aussi le petit Jesse.

Une ombre, mi-ange, mi-démon

Gradimir Smudja imagine un double au héros, mi-ange mi-démon, un chat noir joueur de blues : « On disait que le blues était la musique du diable, si c’est la vérité, alors le diable a toujours couru dans mes veines » nous souffle ce chat, narrateur du récit et frère secret de Jesse. A l'instar d'« Au fil de l'art », le livre où Smudja apprenait l'art aux enfants avec un chat.

Le héros et son double

"Essej", double imaginaire est un coach tenace. Il cultive et stigmatise les obstacles sur la route du futur champion qui court, court vite et longtemps. Et ce n'est que le début. Les peurs et les cicatrices de Jesse dureront toute la vie, agissant comme de puissants moteurs pour qui sait les activer : « Chaque fois que retentissait le signal de départ, Jesse repensait à son enfance et à tout ce qui s'était passé... et en un clin d'œil, il devenait le sprinter le plus rapide de la piste. Seuls ceux à qui leurs jambes ont sauvé la vie plusieurs fois possèdent cet instinct qui les porte à la victoire. »

De miles en miles, de rencontres décisives en poursuites impitoyables, le parcours du champion révèle un personnage travailleur, humble et endurant. On pense à ces autres héros excessifs auxquels Smudja a déjà frotté ses pinceaux et consacré une biographie dessinée : Van Gogh, Toulouse Lautrec, ces éclairs qui captent tout de leur monde, et en fixent les peurs autant que les rêves.

La cabane du blues

Après le remarqué « Cabaret des Muses - la vie de Toulouse Lautrec » - et un « Vincent et Van Gogh » impressionniste en diable, l'auteur né à Novi Sad dans la Yougoslavie de 1956, signe, sur un autre genre d'artiste, un bonheur de roman graphique.

Le récit - traduit du langage chat, sic ! - lie et alterne les scènes sans temps mort. Chacune impose son rythme, sa mise en page et son découpage, des planches complètes à la Winsor McCay aux doubles ouvrant sur des pleines pages sur un paysage infini... Virtuose graphique, délicat et poétique, Gradimir Smudja est passé par la peinture, la caricature et la copie avant d'atterrir en BD. Ses influences multiples servent un propos, un style et un univers aussi originaux que cohérents.

On pense aux « Contes du Chat Perché » écrits par Marcel Aymé pour « les enfants âgés de 4 à 75 ans ». A l’Amérique de Norman Rockwell, figée l’espace d’un instant pour mieux en dire l’histoire. Le 7ème art aussi nous fait de l'œil : la poursuite entre Jesse Owens et Larry Snyder à Cleveland défile comme un slapstick d’Harold Lloyd revu par Cecil B. DeMille. Le mouvement saisi en plein envol, avec élan et sans filet : sur le sautoir de Berlin 1936, la cinéaste du Reich Leni Riefenstahl s'entortille autour des athlètes, court et saute avec eux pour mieux les filmer. Le trait félin de Gradimir Smudja aussi !

Les Jeux Olympiques, fable politique

Avec 4 médailles d'or immortelles et 40 ans de silence sans reconnaissance de son propre pays, la vie de Jesse est une fable politique qui ne s’arrête pas à Berlin... La patte agile de Smudja y met d’un bout à l’autre autant de force figurative que de grâce narrative, de touche et de charge sociale. On pense aussi très forts aux grands animaliers de l’illustration et de la BD : Rabier, Saint-Ogan, Segar - une affiche de Popeye vante les épinards dans une rue où Snyder et Owens s'entraînent - et Calvo. « La Bête est morte », oui, il faut le souhaiter. Le champion olympique lui demeure, plus que jamais.

Un ouvrage qui est un vrai régal, formidable coup de cœur et ébouriffant coup de vent et de pinceaux sur la BD !

>Jesse Owens, Des miles et des miles de Gradimir Smudja, Traduit du langage chat vers le français par Hélène Dauniol-Remaud, Futuropolis, 128 pages , 24 euros >> Pour acheter le livre, cliquer sur ce lien

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