L'Académie française vient de choisir Miguel Bonnefoy comme lauréat du Grand prix du roman, pour son livre « Le rêve du jaguar » (Rivages). Une consécration pour l'écrivain franco-vénézuélien de 37 ans, qui couronne son talent de conteur, au style luxuriant et coloré. Nous le rencontrons juste après la proclamation du prix. Il répond à nos questions en toute spontanéité dans les salons de l'Académie.
L’Académie française, dans sa séance du jeudi 24 octobre 2024, a décerné son Grand Prix du roman à Miguel Bonnefoy pour son roman Le Rêve du jaguar (Editions Rivages), au 3e tour de scrutin, par 8 voix contre 7 voix à Grégory Cingal et 7 voix à Abel Quentin. C'est dire si ce résultat fut serré, les 3 romans finalistes possédant chacun des qualités indéniables.
Le rêve du jaguar est le roman d'une épopée familiale sur trois générations, qui croise celle d'un pays, le Venezuela. Récit autant que fresque historique sur les années de dictature et de révolution, le roman de Miguel Bonnefoy est aussi une formidable histoire d'amour. On vibre à la passion des amants qui traversent les adversités sans jamais perdre leur lumière, on lit un texte brûlant de mots et de couleurs, luxuriant comme une jungle amazonienne.
Miguel Bonnefoy est né en 1986 à Paris. Son père est un romancier chilien, et sa mère, diplomate vénézuélienne : le jeune Bonnefoy grandit ainsi dans une culture mêlée entre le Venezuela, le Portugal et la France. Son parcours littéraire lui assure très vite une notoriété : il reçoit en 2013 le Prix du Jeune Écrivain en 2013 pour ses nouvelles Icare et autres nouvelles. En 2015, son premier roman, Le Voyage d’Octavio, est finaliste du Prix Goncourt du premier roman. En 2021, il reçoit le prix des Libraires pour Héritage. En 2022 il publie L'inventeur, puis en 2024, Le rêve du jaguar, qui reçoit le Prix du roman de l'Académie française, premier grand prix de ce palmarès déjà riche.
Nous rencontrons Miguel Bonnefoy juste après la proclamation de son prix. Il répond à nos questions, un verre de champagne à la main, avec le sourire de celui qui sait que ce prix sonne comme une belle reconnaissance, pour lui, le franco-vénézuélien, éternel exilé, dont le père chilien a survécu aux geôles du général Pinochet et la mère qui s'est engagée pour la révolution vénézuélienne. Interview.
Légende photo : Miguel Bonnefoy photographié sur les marches de l'Institut de France.
-Miguel Bonnefoy : 99 % de mon roman provient de mon histoire familiale. La réalité dépasse vraiment la fiction. Car ma famille a vécu de grandes histoires. Je voulais raconter ce récit sur trois générations en suivant les destins de mes grands parents et de ma mère. En toile de fond, il était important pour moi de conter aussi celle du Venezuela, un siècle de dictature et de révolution qui a bousculé les vies et les âmes. Mais je voulais aller plus loin que la réalité. D'où ce 1% de fiction pure.
-M.B. : Oui, quelque chose qui inscrit la relation d'Anna Maria dans le livre et de son amoureux dans une nouvelle narration, plus juste. Ma mère était en larmes après avoir lu le livre. Elle m'a remercié d'avoir enjolivé le mythe de la relation amoureuse de ma grand-mère, pour qu'elle se termine par la mort de celle-ci, alors que la fin de la relation, dans la réalité est venue d'une séparation. Je suis sûr que, plus tard, on aura oublié la réalité et que l'histoire de cet amour éternel sera celui que nous retiendrons de notre histoire familiale. La fiction est plus forte que le réel finalement, non ?
-M.B. : L'amour n'a pas de prix. Il est le lieu de tous les trésors. Il est l'infini et le présent, l'ailleurs et l'ici. L'amour c'est la vie !
M.B. : Je prends cela comme un symbole fort, comme un point de vue sur le français, la langue française, qui est vivante en dehors de la France. Un français qui est écrit par quelqu'un comme moi dont la culture est cosmopolite et métissée. Le français est d'autant plus riche qu'il est parlé dans le monde entier et qu'il ne cesse de s'enrichir de ces références diverses. Je suis un vieux nomade. Il y a deux ans j'étais à Berlin. Aujourd'hui je vis à Toulon avec ma femme danoise et nos deux petites filles. J'aime cette lumière du sud, les cyprès, les vignes, les criques, les pierres salées, les cigales... Mais où que je sois, j'écris en français. La langue de mon écriture.
M.B. : Je suis l'écrivain du puzzle, de la construction. J'écris par fragments, par bribes. Puis, je reconstruis, je retravaille. Derrière un texte d'apparence fluide, se cachent de nombreuses coutures. Plus un texte semble limpide, plus il est travaillé. Je suis un vrai moine copiste !
-M.B. : J'ai essayé d'écrire de la poésie mais je suis malheureusement mauvais poète. J'ai besoin de la forme romanesque pour écrire. La poésie c'est d'abord de la musique. Et je suis doté d'une piètre oreille. Je ne serai donc jamais le roi du haïku ! Mon monde ce sont les romans, les labyrinthes d'histoires et de personnages. Les rêves qui partent du réel et qui les transforment en fictions aux multiples images...
Légende photo : le livre de Miguel Bonnefoy photographié dans les salons de l'Académie française.
Quand une mendiante muette de Maracaibo, au Venezuela, recueille un nouveau-né sur les marches d’une église, elle ne se doute pas du destin hors du commun qui attend l’orphelin. Élevé dans la misère, Antonio sera tour à tour vendeur de cigarettes, porteur sur les quais, domestique dans une maison close avant de devenir, grâce à son énergie bouillonnante, un des plus illustres chirurgiens de son pays.
Une compagne d’exception l’inspirera. Ana Maria se distinguera comme la première femme médecin de la région. Ils donneront naissance à une fille qu’ils baptiseront du nom de leur propre nation : Venezuela. Liée par son prénom autant que par ses origines à l’Amérique du Sud, elle n’a d’yeux que pour Paris. Mais on ne quitte jamais vraiment les siens.
C’est dans le carnet de Cristobal, dernier maillon de la descendance, que les mille histoires de cette étonnante lignée pourront, enfin, s’ancrer.
Dans cette saga vibrante aux personnages inoubliables, Miguel Bonnefoy campe dans un style flamboyant le tableau, inspiré de ses ancêtres, d’une extraordinaire famille dont la destinée s’entrelace à celle du Venezuela.
> « Le rêve du jaguar » de Miguel Bonnefoy, Rivages, 304 pages, 20,90 euros >> Pour acheter le livre, cliquer sur ce lien
>Pour lire un extrait du livre, cliquer sur ce lien
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