Dan Fante fait partie des auteurs de la rentrée, avec son livre-poème en prose De l’alcool dur et du génie ( 13ème note). Claque à la conformité endormie et regard sur les fatales attractions pour "ces choses" qui détruisent l’âme et le corps, son récit poétique est une ode à la vie « malgré tout ». Entre Bukowski et Buster Keaton , le fils de John Fante nous montre qu’en digne descendant de son père, il reprend le flambeau des lettres avec la flamme forte et vacillante des combattants de la vie.
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Son père, John Fante fut un géant des lettres américaines, avec sa force un peu brute d’immigré italien perdu dans l’âpreté d’un continent impitoyable. Alors, chez les Fante, on a rejoué un remake d’On achève bien les chevaux version petits boulots pour survivre et alcool fort pour tenir.
Dan Fante a passé 20 ans entre le dernier verre qu’il faut vider et celui qu’il faut remplir, mort, comme il l’a tatoué sur son bras, absent de lui-même, ailleurs. De ses années "dégling", l’ écrivain aux yeux plein de malice cerclés d’une paire de lunettes de dandy anglais a gardé sa dégaine d’ancien pilier de bar à l'ironie amicale, même s’il carbure aujourd’hui aux effluves de cigare et à l’encre d'écriture. Installé à avec sa famille à Sedona en Arizona, il a abandonné les excès destructeurs de ses anciennes années et se contente de nous livrer les solides aventures éméchées en toute sobriété de son alter ego romanesque, Bruno Dante.
Est-ce parce que l’homonyme de son personnage romanesque, porte le même nom que l’auteur de l’enfer que Dan Fante décrit les ombres de la vie et les tourments des êtres ?Son premier livre Les anges n’ont rien dans les poches( R. Laffont), fonde le premier épisode des tribulations du poète destructeur, Bruno Dante, double de Dan. Un héros qu’on retrouve dans La Tête hors de l’eau (C.Bourgois) où l’auteur narre avec beaucoup d’humour la salvatrice remontée des enfers de l’alcool entre loufoques réunions d’Alcooliques anonymes et fantômes de Los Angeles. Après avoir écrit des livres aussi désopilants que rock and roll Régime sec( 13 ème note) et Bons baisers de la grosse barmaid ( 13 ème note) nous retrouvons les déboires éthyliques de notre héros dans Limousines blanches et blondes platines (13ème Note), ainsi qu’un recueil de poèmes en prose De l’alcool dur et du génie ( 13 ème note), où il rend hommage à son frère Nick mort des ravages de l’alcool.
Nous rencontrons Dan Fante lors de son passage à Paris pour le festival America. Entretien avec répliques qui parlent sans détour et éclats de rire festifs. Car avec Dan Fante, même s’il n’y a plus le verre de whisky qui va avec, il reste ce grand rire amusé sur la vie et une sorte d’affection fugitive pour autrui. Soudain, c’est comme si nous étions dans un lounge confortablement installés à siroter un cocktail et à rêver que nous sommes invincibles…Merci Mr Fante pour le voyage sur canapé.
Dan Fante : Une grande partie de mon travail prend sa source dans l’époque des années soixante et des années soixante dix. C’est Mick Jagger, le Vietnam. L’idée qu’il fallait se révolter et qu’on était tous partis dans une sorte de voyage artificiel dans les expériences et cette recherche d’un plaisir à tout prix. Il y avait beaucoup de frustrations et de violence dans cette rage de casser les codes. Pour autant tout cela était « wild », il y avait une énergie incroyable dans ces années… mais aussi un excès de toutes les drogues..
D.F.:Oh non. Pendant toutes ces années, je me suis endormi. C’était comme si j’étais mort.. L’alcool, le plus sordide qui soit, était le fil conducteur, les petits boulots qui augmentent la brutalité et poussent encore plus à s’évader dans n’importe quoi… Los Angeles, cette ville tellement vénéneuse. A l’époque il y avait encore plus qu’aujourd’hui le miroir d’une ville où on en savait pas si les gens vivait comme dans un film ou s’il fallait faire semblant de le faire pour se dire qu’on allait peut être le vivre un jour…
DF: L’écriture. C’est une autre forme d’addiction ! La force vitale de ne pas sombrer. Mais certainement plus que tout cette conscience que pour écrire il fallait arrêter de s’empêcher de le faire. La conscience qu’écrire c’était rester « éveillé ».
DF:Je l’admire. Il m’accompagne souvent dans mes pensées. Ce n’était pas rien d’être le fils de cet homme-là. Son œuvre est une source forte pour moi.
DF : De cela ou d’autre chose ? Qui sait. Certainement pour remonter des enfers il faut un projet fort, une sorte de grande bouffée d’iode qui vous saisit et vous force à remonter à la surface. L'écriture a eu cet effet, plus fort que tout pour moi. Tous les jours, c'est un besoin vital; sans l'écriture aurais-je pu? Peut-être pas..
DF : Oui, cette société de l'argent et de l’illusion ne peut que pourrir les gens à la racine. C’est pourquoi je dis qu’il faut rester éveillé, cela veut dire qu’il faut ne pas se laisser prendre à ce miroir aux alouettes. J’ai perdu tout mon argent de nombreuses fois avec mes bêtises, mais finalement je me suis rendu compte que c’était une très bonne chose de ne pas se laisser trop "posséder".
DF :En tout cas elle semble sonner le glas de tout le matérialisme et le goût des apparences que je dénonce depuis 30 ans dans mes livres. Aujourd’hui ce message est certainement compris avec plus d’acuité. C’est pourquoi il faut rester éveillé ; tout change, tout bouge. Il ne faut pas perdre pied. Cette crise va nous obliger à changer de point de vue, ce qui peut être une bonne chose, s’il aboutit à une revalorisation de valeurs plus authentiques.
DF : Je les adore. J’ai eu un mal fou à les trouver, il a fallu que je les commande sur catalogue en GB. J’aime bien leur côté très rétro. En fait c’est le décalage entre les deux qui est amusant non ?
John Fante, De l'alcool dur et du génie,13ème note
John Fante, Bons baisers de la grosse barmaid,13ème note
John Fante, Limousines blanches et bondes platine , 13ème note
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