Rencontre

Herman Koch vous convie à son Dîner

Accompagné par un succès mérité en Hollande, Le dîner d'Herman Koch vient d'être publié en France par les éditions Belfond. Un repas partagé par deux couples, réunis par un évènement tragique qui menace les familles, les carrières et, finalement, les existences toutes entières. Rencontre avec l'auteur d'un roman résolument contemporain, qui n'hésite pas à prendre à bras-le-corps les enjeux de la responsabilité individuelle et de la vie en communauté à l'heure de la mondialisation.

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-Viabooks : Dans Le Dîner, vous enfermez vos personnages dans "la règle des trois unités" propre au théâtre classique: en tant qu'auteur, avez-vous consciemment emprisonné vos personnages, ou ces règles ce sont-elles imposées par la suite, pendant l'écriture du roman?

-Herman Koch : Dans un premier temps, j'ai essayé de faire en sorte que l'action se développe au sein de ces trois unités (temps, lieu, action - ndlr), mais je ne voulais pas trop me forcer, pour que l'ensemble ne paraisse pas artificiel. En fait, il y a beaucoup d'évènements dans les flashbacks qui se déroulent dans d'autres lieux, à d'autres moments.

 

-VB : Votre roman nous présente sans cesse le décalage entre les actes et paroles des personnages et leur véritable état d'esprit, et les protagonistes travestissent constamment leurs véritables sentiments (comme le couple Serge-Babette qui ne vient en France que pour améliorer l'image politique de Serge): la littérature est-elle pour vous un "révélateur" qui permet de démasquer les supercheries du quotidien?

-H. Koch : Je suis convaincu qu'un narrateur qui est également personnage à plus de facilités pour vous dire une chose et faire exactement son contraire. Même en tant que lecteur, il est probable que vous connaissiez mieux Paul (le personnage principal - ndlr) que lui-même ne se connaît. Je pense que c'est la partie du roman qui rend le plus fidèlement compte de la vie au quotidien.

 

-VB : Dans Le Dîner, le choix d'une entrée, la façon dont on salue quelqu'un, les gestes du serveur deviennent des enjeux cruciaux, surtout pour Paul: l'homme en société est-il forcément angoissé?

-H. Koch : Paul est très attentif à son image: la façon dont les gens vont le regarder, ou le juger d'après telle action ou décision qu'il prendra. Il est beaucoup plus conscient de lui-même que la plupart d'entre nous, cela vient peut-être de son instabilité.

 

-VB : Vous citez en ouverture de vote roman quelques lignes de dialogue extraites de Reservoir Dogs, de Quentin Tarantino. Outre le fait que votre oeuvre, comme celle de Tarantino, se déroule en huis clos, pourquoi avoir choisi ce film en particulier?

-H. Koch : En raison de la violence qui est présente dans le film, une violence qui peut surgir juste après une banale conversation à propos du pourboire qu'il convient de laisser au café. La seconde raison, c'est que le pourboire a un rôle central dans le roman. Paul croit dur comme fer en la tradition du pourboire.

 

-VB : Plus tard dans le texte, ce sont Les Chiens de paille et Délivrance que vous citez, à propos de la violence des autochtones déployée contre les étrangers. Notre époque est-elle celle du soupçon, voire du racisme? L'écriture du Dîner précède-t-elle la montée de l'extrême-droite au Pays-Bas?

- H. Koch : Certains critiques hollandais ont avancé l'idée que Paul voterait peut-être pour un parti d'extrême-droite, puisqu'il affiche ouvertement un mépris pour le politiquement correct. Je ne suis pas vraiment certain qu'il le ferait, même s'il y a des similitudes entre leurs pensées. Dans Délivrance et Les Chiens de paille, les populations locales se dressent contre les riches touristes étrangers, à l'image des Hollandais en Dordogne et en France, ou en Espagne. C'est un certain type d'immigration qui est rarement abordé dans les débats sur ce sujet.

 

-VB : La politique vise-t-elle à faire entrer les individus dans des catégories? Serge, le frère de Paul, homme politique, utilise des expressions qui reviennent plusieurs fois dans le roman: "Elle peut m'apporter mon petit-déjeuner quand elle veut", "un beau petit cul"... Dans votre approche du langage, tentez-vous de rendre compte de ces catégories crées par le langage?

-H. Koch : Oui, j'utilise pour ce faire différents registres de langue selon mes personnages. Ce que quelqu'un dit, ou plutôt comment il ou elle le dit apporte beaucoup d'informations sur cette personne. Par exemple, l'homme politique du roman évoque la serveuse comme si elle lui "appartenait", un trait de langage que l'on peut observer très souvent chez les politiciens de notre époque.

 

-VB : Pour conclure, avez-vous testé les restaurants français durant votre passage à Paris? Malgré la mondialisation, avez-vous perçu des différences, des habitudes typiquement françaises? 

-H. Koch : Ce qui m'a le plus frappé dans les restaurants français, c'est que tous les produits sont frais: la tomate a le goût d'une tomate, et l'oignon a le goût d'un oignon, ce qui n'est pas le cas aux Pays-Bas. Et j'apprécie la rapidité et l'efficacité du service, non pas pour vous forcer à manger et à quitter vite le restaurant, mais simplement parce que tout le monde doit retourner à son travail: en tout cas, il en est ainsi au déjeuner, le moment de la journée que je considère comme le meilleur pour se restaurer.

En savoir plus

Herman Koch, Le dîner, éditions Belfond

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