Mémoire

Palmyre, ville littéraire?

La ville de Palmyre constitue une immense page de notre histoire. Depuis des siècles, elle fascine, intrigue, que ce soit par son histoire, son archéologie, ses mythes ou sa culture. Aujourd’hui, alors que l’Etat islamique l’a pillée et détruite, et que la ville a été libérée, la littérature ne reste-t-elle pas le dernier rempart à l’oubli ?

Palmyre est partout, que ce soit dans les médias, l’histoire ou la culture. De la Bible au prix Goncourt 2015, la ville fait des apparitions régulières dans la littérature du monde entier. Depuis que la ville syrienne est le théâtre d’affrontements entre l’Etat islamique et l’armée du pays, elle est encore plus au coeur des esprits et des préoccupations. Alors qu’elle a été la cible de destructions volontaires, les bombardements du régime syrien n’ont fait qu’aggraver des dégâts déjà bien trop importants. La cité antique est à présent en ruines, et peu de monuments ont été épargnés. Dans ses décombres et ses fantômes, la littérature pourrait-elle aider à faire survivre la mémoire de Palmyre ? 

Sensations fortes

Emotion et indignation, tels sont les sentiments que l’on ressent chez Paul Veyne, historien spécialiste de la Rome antique, à la lecture de son ouvrage Palmyre, l’irremplaçable trésor, paru chez Albin Michel en novembre dernier. Mais c’est aussi de la nostalgie lorsque sa plume nous fait revivre l’histoire de cette incroyable cité, classée patrimoine mondial de l’UNESCO depuis les années 1980. La « Venise du désert », comme il l’appelle, n’en est rendue que plus intéressante par son actualité. En effet, ce livre, qui nous fait parcourir les vestiges de la vaste cité, a été rédigé au moment où celle-ci était justement en train d’être saccagée. Avec un tel ouvrage, on sait que ses monuments grandioses, son histoire, mais surtout sa splendeur, ne sont pas près d’être perdus. Mathias Enard écrivait à son propos dans Le Monde des livres : « Aujourd’hui nous pleurons tous, et il n'y a pas de chant funèbre plus juste et plus noble que celui que Paul Veyne consacre à Palmyre ». 

Une ville qui séduit jusqu’au Goncourt

D’ailleurs, Mathias Enard s’est lui aussi intéressé à la cité antique de Palmyre. Son dernier livre,  Boussole, paru chez Actes Sud et qui a remporté le prix Goncourt 2015, est une véritable déclaration d’amour à l’Orient, sa culture, son identité. Lui qui a étudié le persan et l’arabe et fait de longs séjours au Moyen-Orient consacre plusieurs pages à Palmyre. On peut par exemple y lire ces quelques lignes : 
« L'emplacement de l'hôtel Zénobie était extraordinaire : sur le côté de la ville antique, on avait sous les yeux, à quelques dizaines de mètres à peine, le temple de Baal et si on était assez chanceux pour obtenir une des chambres qui donnaient sur la façade avant, on dormait pour ainsi dire au milieu des ruines, la tête dans les étoiles et les rêves anciens, bercé par les conversations de Baalshamin, dieu du soleil et de la rosée, avec Ishtar la déesse au lion. Ici régnait Tammuz, l'Adonis des Grecs, que chantait Badr Shakkir Sayyab l'Irakien dans ses poèmes ; on s'attendait à voir l'oasis se couvrir d'anémones rouges, nées du sang de ce mortel dont le seul crime fut de trop passionner les déesses. »

Écrire pour se souvenir

Quand la littérature s’allie à la photographie, l’impact n’en est que plus fort. C’est le choix qu’ont fait l’Académicien, romancier et essayiste Dominique Fernandez, et l’architecte devenu photographe Ferrante Ferranti, pour leur livre Adieu, Palmyre, aux éditions Philippe Rey. Si selon certains spécialistes, il est « illusoire » de penser qu’on peut reconstruire Palmyre, c’est sans compter la littérature. Puisque c’est justement ce que s’efforce de faire ce petit livre d’à peine 210 pages, mais chargé d’histoires, d’illustrations et de passion. « Maintenant que tout est détruit, j’ai voulu me souvenir », explique Dominique Fernandez, qui s’est rendu quatre fois sur le site historique, à la beauté exceptionnelle. Une beauté dont rendent tout à fait compte les quatre-vingt photos de Ferrante Ferranti, qui donnent une vision exhaustive de la ville. 

« Palmyre splendeur, Palmyre douleur »

Pour René Guitton, spécialiste des chrétiens d’Orient et membre du groupe d’experts de l’Alliance des civilisations des Nations unies en matière d’Orient et de religions, il est important de rappeler que la ville de Palmyre a souffert de nombreux pillages et fouilles illicites au cours des trois derniers siècles. C’est ce qu’il fait avec justesse dans son Dictionnaire amoureux de l’Orient, paru chez Plon. Un véritable hommage à son histoire, à la splendeur et la douleur qui s’y mêlent. Si des barbares se sont appliqués à détruire et piller cette magnifique cité, historiens, écrivains, photographes et tant d’autres s’attelleront toujours à ce que la littérature se charge de la faire vivre éternellement. 

Références

>Paul Veyne, Palmyre, l’irremplaçable trésor (Albin Michel)
>Mathias Enard, Boussole (Actes Sud)
>Dominique Fernandez et Ferrante Ferranti, Adieu, Palmyre (Phillipe Rey)
>René Guitton, Dictionnaire amoureux de l’Orient (Plon)

 

En savoir plus

>Écoutez Paul Veyne raconter la grandeur de Palmyre : 

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