Chronique de Sarah Sauquet

« 120 ans de prix Goncourt » de Jean-Yves Le Naour et Catherine Valenti : les secrets d'un prix, une histoire de la vie intellectuelle française

Alors que la saison des grands prix littéraires d'automne commence la semaine prochaine et que le lauréat 2024 du prix Goncourt sera connu le 4 novembre 2024, l'ouvrage « 120 ans de prix Goncourt » de Jean-Yves Le Naour et Catherine Valenti revient sur l'histoire du prix le plus emblématique du monde de l'édition. Anecdotes savoureuses et petites guerres entre amis, c'est toute l'histoire intellectuelle qui défile sous les yeux de Sarah Sauquet, qui n'en a pas raté un épisode. 

Détail du salon Goncourt du restaurant Drouant d'où est annoncé le lauréat du prix. Détail du salon Goncourt du restaurant Drouant d'où est annoncé le lauréat du prix.
Chaque année, lorsque démarre la saison des prix littéraires, et plus encore depuis que je suis membre du comité de sélection du prix Roman News, je pense à ces mots de François Nourissier qui fut, trente années durant, membre de l’Académie Goncourt : « Il est admis qu’il y a en France des prix comme il y a des Décorations et des Présidences : petites et innocentes maladies nationales. »

L'histoire de la vie intellectuelle en toile de fond

Dans le très documenté « 120 ans de prix Goncourt », Jean-Yves Le Naour et Catherine Valenti racontent l’attribution de 120 prix (1903 – 2022) entre controverses, polémiques, tractations, alignement des planètes et élans du cœur. Ils nous font revivre l’histoire de la vie intellectuelle française, mettent en lumière les Poulidor du prix, et nous révèlent que Drouant peut être le temple parisien d’une cruauté mesquine, pour ne pas dire provinciale.

Un recueil d'anecdotes savoureuses

Parmi mes anecdotes préférées : Patrick Grainville adoubé par Montherlant, Bernard Clavel quittant le jury, Antonine Maillet ne boudant pas son plaisir, Robert Merle primé avec un premier roman, Robert Sabatier excusant la supercherie Gary/Ajar au nom de la beauté, la force tranquille de Maurice Genevoix.

Vaudevilles et petites guerres entre amis

A regarder par le petit bout de la lorgnette, le lecteur s’agace de la sous-représentation des autrices, s’amuse des vaudevilles et guerres larvées que jouent les jurés, se réjouit pour ces écrivains qui créent la surprise quand jaloux et imbéciles s’obstinent à parler d’accident.
Si le Goncourt y apparaît tel une maladie bien française entre panache, arrogance, désenchantement et prétention à un bon goût qu’on voudrait intemporel, il y est surtout dépeint comme une conquête que certains écrivains portent en eux tels des songes.

A propos de « 120 ans de prix Goncourt » : le mot de l'éditeur

L’année 2023 marque le 120e anniversaire du prix littéraire créé par Edmond de Goncourt par voie de testament : le premier prix Goncourt a en effet été attribué le 21 décembre 1903 à John-Antoine Nau pour son roman Force ennemie. Il paraissait donc pertinent de célébrer cet anniversaire par un ouvrage s’attachant à retracer l’histoire de ce prix qui s’est rapidement imposé comme le plus prestigieux et le plus convoité des prix littéraires français.
En 1892, Edmond de Goncourt nomme pour exécuteur testamentaire son ami Alphonse Daudet, « à la charge pour lui de constituer, dans l’année de mon décès, à perpétuité, une société littéraire dont la fondation a été, tout le temps de notre vie d’hommes de lettres, la pensée de mon frère et la mienne, et qui a pour objet la création d’un prix annuel de 5 000 francs destiné à un ouvrage littéraire, et d’une rente annuelle de 6 000 francs au profit de chacun des membres de la société ».

Naissance d'une « contre-Académie française » 

Ce n’est pourtant que onze ans plus tard, le 19 janvier 1903, que naît cette « contre-Académie française » – constituée pour mettre en valeur le roman, genre méprisé par les Immortels du quai Conti – dont le prix est rapidement devenu le plus prestigieux et le plus convoité des prix littéraires français.
Cet ouvrage encyclopédique, composé de 120 notices, érudit mais souvent drôle dans la forme comme dans le fond, s’intéresse aux grandes controverses qui ont agité le paysage littéraire français comme aux polémiques, aux conflits et aux psychodrames qui secouent régulièrement l’Académie Goncourt. Chaque roman primé se découvre dans son contexte littéraire, politique, social et culturel. C’est aussi toute l’histoire de France qui défile, la littérature de notre pays étant le reflet de ses combats et de ses épreuves. De la Grande Guerre à la décolonisation en passant par la Shoah, Vichy, et les questions de mœurs, l’exil, l’identité, le deuil, la sexualité…
 
> « 120 ans de prix Goncourt » de Jean-Yves Le Naour et Catherine Valenti, Omnibus/Perrin, 576 pages, 27 euros   >> Pour acheter le live, cliquer sur le lien

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Professeure de lettres et autrice, Sarah Sauquet a notamment publié Les 1000 livres qui donnent envie de lire (Glénat, 2022). Elle est aussi la co-créatrice des huit applications littéraires Un texte Un jour. Qu’il s’agisse d’enseigner, d’écrire, ou d’établir des ponts entre cultures classique, populaire et contemporaine, son travail tourne autour d’un objectif : celui de susciter l’envie de se cultiver. Son dernier livre : Petites chroniques de culture populaire chez Librisphaera.
 
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