La Maison, une pièce mise en scène par Jeanne Champagne et extraite de La Vie Matérielle de Duras était donnée au Lucernaire du mercredi 30 mars au samedi 21 mai. Une occasion pour les amoureux de Marguerite Duras de découvrir un regard actuel sur l’œuvre de cette auteure, emblème de l’originalité française.
Les œuvres de Marguerite Duras ont inspiré la créativité de nombreux artistes. On pense bien sûr à l’adaptation à l’écran de L’Amant par Jean-Jacques Annaud, bien que Duras ait été en profond désaccord avec cette représentation trop réductrice de son œuvre, qui limitait la narration à celle d’une histoire d’amour entre une petite blanche et un homme chinois plus âgé dans l’Indochine des années 1930. Le sublime Moderato Cantabile a également été adapté dans les années 60 par Peter Brook, avec Jeanne Moreau, actrice fétiche de Duras, dans le rôle principal d’Anne Desbaresdes. Les œuvres de Duras sont également régulièrement jouées au théâtre. Mise en scène de son théâtre, ou adaptation d’un genre différent, le génie créatif de Duras apparaît comme une source intarissable d’inventivité pour les artistes de toutes les générations.
La Vie Matérielle est un ouvrage singulier. Fruit d’entretiens entre Duras et Jérôme Beaujour en 1987, il ne restitue que la voix de Duras. « Ce livre nous a fait passer le temps. Du début de l’automne à la fin de l’hiver. », c’est ce que nous dit l'auteure au début de recueil, lequel rend compte de l’opinion de Duras sur différents sujets abordés selon un découpage thématique, tels que l’alcool, les hommes ou encore la maison. L’ouvrage nous confronte de manière directe à la pensée de Duras, qui nous est offerte de manière plus accessible que la plupart de ses autres œuvres. Le ton de la confidence qui existe entre elle et Jérôme Beaujour est parfaitement restitué par le texte, qui nous donne l’impression d’un échange intimiste avec l’auteure, qui semble se livrer directement au lecteur. Un assez long chapitre dans le recueil est ainsi consacré à la maison, dans lequel Duras confie sa signification de cette entité, centrale dans son œuvre, et notamment dans ses films. Elle y évoque sa propre expérience du foyer, et par là même la relation de la femme à la maison, au travail, à l’homme et à la maternité.
C’est donc ce segment de La Vie matérielle que Jeanne Champagne a choisi d’adapter avec Tania Torrens dans le rôle de Marguerite Duras, au sein du Lucernaire. La Maison est la troisième adaptation de Duras réalisée par Jeanne Champagne. Le défi n’était pas évident, puisque le texte, univoque, ne se prêtait pas vraiment, au premier abord, à l’adaptation théâtrale. Il s’est pourtant mué en un spectacle réjouissant, qui nous dévoile une Marguerite Duras à la fois drôle et extrêmement perspicace et concernée par le statut de la femme. Le décor minimaliste, constitué d’une grande table recouverte d’ustensiles de cuisine, une machine à écrire dans un coin, un cahier, une radio, en rappelant les enjeux majeurs du texte - le foyer et la place que la femme y tient; l’écriture - restitue également l’intimité du monologue, de l’échange entre un seul personnage et le public. Le très bon jeu de Tania Torrens, donne vie à nouveau au personnage de Duras, et révèle le caractère hétéroclite du texte, en faisant surgir sa potentialité comique sans pour autant diminuer sa force d’évocation en lien avec le tragique de la condition féminine notamment. L’artiste parvient qui plus est, à créer un véritable moment d’échange avec le public, à qui elle s’adresse bien souvent. A la fois un hommage et une redécouverte du texte de Duras.
C’est une véritable histoire « d’amitié littéraire » qui unit la metteuse en scène de La Maison à Duras. En effet, le parcours Duras Intérieur/Extérieur n’en est pas à sa première adaptation avec La Maison. Jeanne Champagne a déjà mis en scène Ecrire, qui sera de nouveau représenté au théâtre de l’Atalante de Paris de septembre à novembre 2011 et L’éden Cinéma, dont la nouvelle tournée est en cours d’élaboration. Le parcours témoigne du « lent retour » prolifique de la metteuse en scène vers des auteurs qu’elle a aimé dans le passé, et perdu de vue un moment avec le temps. Des retrouvailles réussies, c’est bien un profond attachement et une grande admiration pour Marguerite Duras que l’on ressent dans la mise en scène de Jeanne Champagne. C’est en effet un regard à la fois tendre et déférent qui est porté sur le personnage de Duras à travers la pièce, et une mise en valeur réelle du texte, présenté sous un jour nouveau par la mise en scène. Une vraie réussite, qui témoigne du talent de Jeanne Champagne, de l’actrice Tania Torrens, et du pouvoir d’évocation de l’œuvre de Marguerite Duras.
Marguerite Duras, La Vie matérielle (entretien avec Jérôme Beaujour), Folio
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