Chronique de Brigit Bontour

« Après elle » d'Ariane Bois : le roman d'un féminicide vu par la famille « survivante »

Ariane Bois s'attaque à la douloureuse question du féminicide dans « Après elle » (Editions Récamier). Un roman qui suit la vie d'après de deux enfants qui ont survécu au meurtre de leur mère par leur propre père. Brigit Bontour est sortie bouleversée par ce texte juste et sensible, qui montre que derrière un féminicide, c'est toute une famille qui est impactée. Voire toute la société. 

C’est par un coup de téléphone que la vie de Laurie bascule par un beau matin. Un policier l’informe que sa sœur Clotilde a été victime d’un grave accident, qu’elle doit se rendre à Marseille où elle habite au plus vite.

La mort au bout du tunnel de l'agression

Après le TGV, c’est l’hôpital, le service de soins intensifs où Clotilde est dans le coma. Elle a été agressée par son mari qui a ensuite tenté de la brûler. Elle ne se remettra pas de ce féminicide. Manon, sa plus jeune fille de huit ans qui a tenté de s’interposer entre ses parents est blessée elle aussi.

Ce mari trop parfait 

C’est inimaginable : Bruno le mari était l’homme parfait : homme amoureux, père attentionné. Mariés depuis dix-sept ans, ils avaient réalisé le rêve de la classe moyenne : achat d’un appartement, deux enfants, métiers stables pour tous deux. Même si dernièrement l’homme avait laissé voir des traits de personnalité quelque peu inquiétants. Mais rien qui puisse augurer d’un tel drame.

Le refuge d'une sœur 

Au chagrin, à l’impensable, s’impose très vite pour Laurie l’obligation de réagir. Elle qui jusqu’à aujourd’hui sillonnait la France, au gré de ses passions, la dernière en date, celle pour la cuisine l’ayant conduite en Normandie, doit organiser la survie de tous. Il n’y a pas d’autre mot. Ses parents étant trop âgés pour assurer l’avenir de ses deux nièces, elle décide de les accueillir.

Les existences de Manon qui se remet difficilement de ses blessures et de sa grande sœur adolescente, Roxane ne dépendent plus que d’elle. Avec le deuil de leur mère, un père en prison, un déménagement à l’autre bout de la France dans une région pluvieuse, le challenge est de taille.

Les enfants face à de nombreux conflits de loyauté : le souvenir de leur mère, leur père meurtrier, leur tante...

Devant l’urgence, Laurie qui vit avec Fabien, un cameraman, doit remiser ses rêves, dont celui d’avoir un enfant. Gérer le quotidien, les visites à la grand-mère paternelle, au père, qui même en prison a le droit de voir ses enfants, le procès à venir n’a rien d’une promenade de santé.

Entre l’effondrement de ses propres parents, le conflit de loyauté de la plus jeune, ses questions : « pourquoi papa a suicidé maman » ?, la rébellion de l’adolescente, Laurie navigue à vue avec la crainte que son couple se brise, que ses projets restent à l’état de souhaits. La jeune femme bouleversée elle-aussi, va devoir apprendre à élever deux enfants qui ont tout perdu.

La question de l'après

Dans ce livre bouleversant, Ariane Bois questionne l’après. Que devient la famille d’une femme qui a été tuée par son conjoint, quelle prise en charge, quel avenir pour les enfants ? Selon la loi française, rien n’est prévu pour eux sinon la débrouille, le père conservant souvent ses droits parentaux jusqu’au jugement.

Ils doivent se remettre du traumatisme comme ils le peuvent, en évoluant entre révolte et ce qui peut rester de l’amour filial dans des familles qui, bien souvent, ont explosé.

Tous victimes

Rares sont les fictions, qu’il s’agisse de littérature ou de cinéma sur les féminicides ,qui se penchent sur les victimes silencieuses : les grands-parents, les enfants, les frères et sœurs, tous emportés dans le drame et pour qui l’existence ne sera plus jamais la même.

Original par son point de vue, vibrant d’humanité et de sensibilité, Après elle est un livre qui ne laisse personne indifférent et dont l’écho perdure bien après sa lecture.

A propos d'« Après elle » : le mot de l'éditeur

C’est l’histoire d’une famille pour qui rien ne sera plus jamais pareil. Ariane Bois s’intéresse ici aux féminicides vécus du côté des enfants. Victimes silencieuses et invisibles, confrontées au pire.
Clotilde -sœur , fille, mère - a été violemment agressée dans son appartement à Marseille. Et à l'hôpital, la vérité, sidérante, éclate : c'est Bruno, le mari amoureux, le père attentif, qui a porté les coups. Jusqu'à tuer. Qu'ont-ils tous manqué de voir sous l'apparence du couple aux sourires si lisses ? Auraient-ils pu la sauver, empêcher le drame ? 
Laurie, la sœur  de Clotilde, décide d'accueillir chez elle les deux petites : Manon, huit ans, témoin directe du crime paternel, et Roxane, adolescente en pleine révolte. Mais comment faire famille, vivre avec ce deuil, ce vide, ces questions incessantes ? Comment élever deux enfants traumatisées qui, en un instant, ont tout perdu ? 
Ariane Bois s'intéresse ici aux victimes silencieuses et invisibles des féminicides : les enfants. Confrontés au pire, ils vont devoir grandir en accéléré, supporter un procès, apprivoiser leur chagrin et leur rage. Porté par des personnages forts et attachants, ce roman montre les ravages d'un deuil particulier, mais aussi la résilience d'une famille qui va trouver en elle la force de revivre.
 
>« Après elle » d'Ariane Bois, Éditions Récamier. 283 p. 20,90 euros 

En savoir plus

> Ariane Bois est interviewée à propos de son livre par Anne Fulda dans l'Heure des livres sur CNews :

0
 

En ce moment

Prix Blù - Jean-Marc Roberts 2024 : Gabriella Zalapì lauréate pour « Ilaria »

Gabriella Zalapì remporte le Prix Blù - Jean-Marc Roberts 2024 pour son roman « Ilaria » (Zoé). Faire le pari d’une nouvelle voi

Grand Prix du Roman de l'Académie Française 2024 : première sélection

La saison des grands prix d'automne est lancée !

Prix Littéraire Gisèle Halimi 2024 : 9 romans finalistes

Le Prix Littéraire Gisèle Halimi créé en 2023 récompense chaque année l’autrice ou l’auteur d’une œuvre de fiction publiée en langue française et

Le TOP des articles

& aussi