Les séances de dédicaces sont redoutables.
Pour l’auteur ignoré, assis derrière sa table, encadré de 2 piles de son dernier chef d’œuvre dont la hauteur ne baisse pas.
Pour l’auteur adulé, qui signe à la pelle des « Pour Machin ou Bidule, avec toutes mes amitiés.. », le poignet de plus en plus raide.
Pour le fidèle lecteur, qui comme à EuroDisney fait une heure de queue juste pour un regard furtif de son écrivain préféré et quelques mots illisibles avec une faute d’orthographe sur son prénom, sur la page de garde du bouquin.
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Je me souviens d’avoir ainsi patienté, avec mon exemplaire d’ Une histoire d’amour et de ténèbres, répétant mentalement toute une phrase dans un hébreu châtié, qu’une fois devant Amos Oz, j’ai été incapable de prononcer.
J’ai juste balbutié en anglais, avec un air niais :
« J’aime beaucoup ce que vous faites… »
Amos Oz a eu un regard indulgent, et comme si il devinait dans mes pensées, m’a gratifié de 3 lignes en hébreu où j’ai reconnu mon prénom.
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Marcel Proust, quand on lui demande une dédicace, il écrit 8 pages.
Proust ne sait pas faire court.
En 1915, son amie Marie Scheikevitch ( qui lui inspira dans la Recherche, le personnage de la Marquise Timoleon d’Amoncourt ), le trouve déprimé et lui demande, où il en est dans son projet littéraire.
Pour réponse, Proust lui écrit sur un exemplaire de Du côté de chez Swann, un résumé des 2 livres de La Recherche, à venir.
Une dédicace de 8 pages.
Guillaume Musso, lui, aurait pu résumer l’ensemble de son œuvre en 2 mots.
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Devant Marcel Proust, j’aurais été, au moins, autant intimidé.
Piteusement, je n’aurais trouvé rien d’autre à lui demander que :
« Comment vous portez vous ? Et votre asthme ? »
Réflexe de médecin.
Il m’aurait écrit, de façon exhaustive, sur huit pages de mon exemplaire du Temps retrouvé, tous les symptômes respiratoires dont il souffrait.
Et j’aurais gardé, précieusement, en bonne place, ce livre parmi mes ouvrages de sémiologie clinique.