«Eclats de 14»

Jean Rouaud : la mémoire de la Grande Guerre

« Eclats de 14 » (Dialogues) fait dialoguer les images gravées dans le sang par le peintre Mathurin Méheut, qui a vécu les quatre années du conflit sur le front, avec le texte poétique et lyrique de Jean Rouaud, prix Goncourt 1990, pour « Les Champs d’honneur » (Editions de Minuit). Un livre qui se classe parmi les plus bouleversants de ceux qui sont parus cette année dans le contexte de la commémoration de la Grande Guerre.

Un siècle pour remonter les tranchées de la mémoire

1914-2014 : un siècle. Cent ans que la mémoire ne cesse de remonter les tranchées des souvenirs et des témoignages. Pour comprendre. Pour ne pas oublier. Lorsque Jean Rouaud écrivit les « Champs d’honneur », pour lequel il obtint le Goncourt en 1990, il osa la mémoire intime en évoquant le destin de ses ancêtres morts au champ d’honneur.

Face aux peintures de Mathurin Méheut

A partir des œuvres au réalisme pris sur le vif de Mathurin Méheut, peintre breton mobilisé et survivant de quatre années de tranchées (mort en 1958), Jean Rouaud reprend son sujet en revisitant le quotidien du confit dans « Eclats de 14 » (Dialogues). Un livre bouleversant, qui fait dialoguer images gravées dans le sang du vécu et texte porté par une vérité sublimée, ressentie.

… la prose inspirée de Jean Rouaud

Avec une prose à la fois lyrique et poétique, Jean Rouaud revient sur cette Guerre, qui fut à la fois monstrueuse et intense, inhumaine et spectaculaire. Comme dans une tragédie qui trouve dans l’horreur la gravité de l’universel, il évoque les quatre éléments fondamentaux : la terre, le feu, l’eau, l’air. Comme si dans l’horreur du conflit et l’abandon des dépouilles, seule la chimie de l’essentiel pouvait laisser surgir, « malgré tout », la lumière de la vie.

Comment dire encore ?

Comme le signale la présentation de l'éditeur : « Tout a été dit et redit » – cette folie par laquelle des vieillards qui ne combattront pas décident d’envoyer leurs fils à la mort, la stratégie suicidaire de l’état-major prônant l’offensive qui mène des centaines de milliers d’hommes à l’abattoir : 'cet ajustement des temps, en catastrophe, c’est ce qu’on appelle la guerre. 'Tout a été dit, mais personne ne l’a dit comme Jean Rouaud. Personne n’a dit l’absurde, l’horreur, l’inhumanité, le gâchis, avec cette précision de la langue qu’on lui connaît.» En effet, Jean Rouaud n'écrit pas comme un historien, il ne «décrit» pas, il «écrit». C'est à dire qu'il est porté par une force intérieure qui lui donne les mots justes, retenus et pointus, l'émotion contenue et la non-complaisance pour la théâtralisation. Il écrit et il regarde ces peintures qui ont figé les images du front, certaines anecdotiques, d'autres tragiques.

Le deuil de la terre et du feu

Jean Rouaud signe avec Eclats de 14  un des plus beaux livres sur la Grande Guerre en cette année de commémoration. Un texte qui se lit comme le deuil impossible d’une mémoire aussi éclatante que les explosions des bombes. Un texte sur l’indicible souffle de ces quatre années qui ont changé le monde.

>>Jean Rouaud et Mathurin Méheut, Eclats de 14 , Dialogues
>>Jean Rouaud, Les Champs d’honneur, Editions de Minuit

4.5
 

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