Julie Neveux aime décrypter le signifiant des mots. Dans son dernier livre Le langage de l'amour (Grasset), elle analyse la sémantique des expressions amoureuses et ce qu'elles reflètent de la relation. Très instructif.
Dans ses Fragments du discours amoureux, Roland Barthes venait radiographier les différentes couleurs, émotions et sentiments qui entourent l'amour, partant du principe que «le discours amoureux est aujourd'hui d'une extrême solitude. » Julie Neveux qui est linguiste a observé les étapes de la relation amoureuse et les éléments de langage qui y sont associés. Elle montre dans son livre Le langage de l'amour, que les relations amoureuses passent par un vocabulaire qui reflète l'étape dans laquelle elles se situent. Julie Neveux distingue principalement quatre grandes étapes.
Cette première étape que Stendhal aurait qualifiée de cristallisation se reconnaît à l'idéalisation de l'autre. C'est lui, c'est elle. Parce que c'était moi, parce c'était toi. Il y a du théâtral et de l'absolu dans cette phase. C'est le fameux coup de foudre qui nous fait tomber en amour. Les chanteurs mettent souvent en paroles cette période intense. Cela va de «Aujourd'hui, j'ai rencontré l'homme de ma vie» chanté par Diane Dufresne, à «Que je t’aime», répété par Johnny. L'autre est souvent qualifié de «lumière de la vie». C'est le début du pacte amoureux. On se dit souvent : «Tu me manques», qui est la marque d'une incomplétude dès que les amoureux sont séparés. C'est ce qui prépare à la deuxième étape, l'amour fusion.
Si le coup de foudre terrasse les amoureux, il les distingue chacun de l'autre, tout au ravissement de leur contemplation respective. Pendant la deuxième phase, les amoureux fusionnent. Ils ne font plus qu'un et, selon l'expression de Saint Exupéry, regardent ensemble dans la même direction. Ils se disent qu'ils s'aimeront pour la vie ou variante, pour toujours. C'est la période agréable qui donne encore des étoiles dans les yeux, avec moins de papillons dans le ventre.
Voici venu le temps de la domestication. Il est courant que les amoureux se donnent des petits surnoms «Mon lapin», «Mon coeur», «Mon chéri». Ces pronoms possessifs assignent l'autre à un rôle dépendant dans un contexte où l'affectif se tisse au sein d'une matrice matériellement définie. Le surnom va adoucir les injonctions domestiques comme : «Mon chat, tu peux descendre la poubelle ?» A ce stade, le couple installé commence à consacrer plus de temps au choix du canapé qu'à son prochain dîner aux chandelles...
Patatras... Rien ne va plus dans le pavillon des amoureux ! Leur canapé est peut-être confortable, mais à force de se domestiquer, ils se sont chosifiés. Le langage tourne à vide, les critiques et accusations remplacent les Je t'aimerai toujours. On accuse l'autre : «J'en ai assez , tu es comme ci ou comme ça»...ou pire on lui dit : «Il faut qu'on parle » qui signifie bien qu'on ne se parle plus littéralement. Ou alors on arrive à «J'étouffe» ou «J'ai besoin d'air» : à ce stade, le couple est bloqué.
Julie Neveux révèle dans son livre combien les mots d’amour construisent les histoires de couple. De cette manière, les entendre et les décrypter, permet de comprendre où on se situe dans la relation. Pour illustrer son propos, l'autrice s’appuie à la fois sur les mots d’amour les plus célèbres -ceux des artistes, de Louis Aragon à Annie Ernaux en passant par Roland Barthes, Corneille, Barbara, Stromae, Fellini, ou Ingmar Bergman…- et ceux des personnages qu’elle invente, Juliette et Roméo contemporains, dont le récit de la romance scande les chapitres pour illustrer les explications théoriques. Ce va et vient entre incarnation et démonstration rend la lecture vivante et pleine d'humour.
Pour Julie Neveux, les quatre phases de l'amour devraient apparaître comme une maison à étages. Les amoureux passeraient de l'un à l'autre de manière continue. Ces alternances de phases s'accompagneraient alors d'une alternance de phrases. Ces différents vocabulaires permettraient alors aux amoureux de jouer sur plusieurs registres. Il s'agirait juste de trouver le bon tempo ensemble. Et d'éviter simplement de parler d'absolu quand l'autre vous demande de descendre les poubelles. Il y a un temps pour chaque mot. Et un mot pour chaque étape. Le jour de la Saint Valentin, pensez à passer à l'étape 2...
>Julie Neveux, Le langage de l'amour, Grasset, 416 pages, 23 euros >> Pour acheter le livre, cliquer sur ce lien
Julie Neveux présente son livre, Le langage de l'amour :
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