Catherine Cusset retrace le parcours de deux héroïnes au fort pouvoir d’identification. L’amour, le désir, la maternité, la maladie et la mort, la lauréate du prix Anaïs Nin 2018 et du Grand Prix des Lectrices d’Elle en 2000 évoque les grandes étapes de la vie d’une femme. La définition du bonheur (Gallimard) est un récit efficace, qui ne manque pas de chair. Mais peut-être un peu de cœur.
La légèreté et les déceptions. Les petites joies et les douleurs enfouies. Catherine Cusset, dont la Définition du bonheur figure dans la sélection du Prix littéraire « Le Monde », a le don de tisser les fils d’une vie.
Elle fait ainsi partager le destin de deux héroïnes auxquelles le.a lecteur.rice s’attache très vite. Ce roman de mœurs est addictif.
Elle entrelace habilement l’histoire de Clarisse et Ève. La première, fantaisiste, prend sa jeunesse à bras-le-corps dans les années 70. Et plus tard encore dans son existence. Quel est le secret de son charme, de son énergie et de sa joie de vivre ? De cette « force qui n’était pas seulement la jeunesse, mais aussi un désir de vivre plus puissant que les piqûres de scorpion et les déceptions amoureuses ».
Toute quinquagénaire en proie aux interrogations sur la sanction - imméritée ! - du vieillissement se posera la question. Ève, la seconde héroïne, a sa propre « définition du bonheur », méthodique, efficace. Égoïste aussi à sa manière. Elle mène une vie de New-Yorkaise organisée et épanouie. Évidemment, rien n’est aussi simple. Chacune a ses blessures. Ses secrets qu’elles partageront progressivement.
L’auteur du Problème avec Jane, d’Un brillant avenir (prix Goncourt des Lycéens en 2008) et d’une Vie de David Hockney, également récompensé, joue efficacement des hauts des bas de l’existence pour relancer une douce tension dramatique. Les obstacles se dressent. Chacune fait face à sa manière et révèle ainsi une facette de sa personnalité. Recette connue des scénaristes.
Lorsque Clarisse commence à écrire pour transformer sa vie en fiction, un indice vient éclairer la face souterraine de son existence. Ce soupçon de menace intrigue. Il procure un léger frisson. « C’était cela qui l’attirait en lui, bien sûr : son sadisme réveillait en elle, tel un furoncle qu’on gratte jusqu’au sang, la vieille hantise du rejet et l’envie de mourir ». Un soupçon de mythe – celui, vaguement inquiétant d’Arachnée – vient renforcer la trame narrative.
Les femmes sont-elles victimes ? De quoi, de qui ? D’elles-mêmes ? En apparence, Clarisse et Ève semblent mener leur vie comme elles l’entendent. L’histoire d’une femme se répète-t-elle en puisant à ses racines enfantines un poison à diffusion lente ? Dans ces bonheurs cabossés qui connaissent leur lot de méandres et de surprises, la fatalité joue son rôle. La chance aussi. L’attention est maintenue.
Une ombre plane sur ces parcours en zig-zag autour d’une petite planète globalisée pour le bon plaisir d’une génération qui n’a sans doute pas tout à fait mesuré sa chance. Toutes deux ont croisé le même homme. Séduisant, pervers, lâche, Alberto Moretti n’aura pas laissé les mêmes traces dans leur existence. Qui est-il ? Jusqu’où est-il capable d’aller pour garder le beau rôle ? Avide qu’il est de briller dans le regard des autres.
Catherine Cusset a du métier. Elle mène la danse. Le choix d’un narrateur omniscient introduit cependant dans ce récit une distance souvent teintée de froideur. Les mécanismes psychologiques sont rendus trop visibles pour émouvoir vraiment. Quel est en effet le vrai suspens lorsque que les ressorts de la psychée se font trop explicites ?
Mais la faiblesse des femmes n’est-elle pas souvent de trop vouloir comprendre ? De tout analyser ? Au risque de ne pas voir la menace là où elle est vraiment. Au point de nier l’évidence.
Le piège se referme alors sur Clarisse. Oui, l’histoire se répète. À multiplier les aventures sans prendre le temps de jauger l’adversaire, pour déjouer la solitude, la séductrice vogue sans le savoir au gré d’une mémoire toxique. La Définition du bonheur fait non seulement la part belle aux personnages féminins. Ce roman de circonstance évoque également un fait de société qui ressurgit au gré des scandales : la violence faite aux femmes.
Les petites failles qui sillonnent et fendillent l’existence de Clarisse la jouisseuse révèlent le trauma sous-jacent. Il se rejoue à satiété derrière l’insouciance apparente d'une vie de bourgeoise bohème sans tabou. Jusqu’à ce que cet hédonisme de bon ton n’ouvre sur un gouffre. Et ne débouche sur la tragédie.
La mécanique de la mémoire, décidément, est impitoyable. Et si tout était écrit ?
>La définition du bonheur de Catherine Cusset. Gallimard, 347 pages, 20 euros.
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