« Mais où sont passés l’humour et l’imagination de Salman Rushdie ? », s’interroge le chroniqueur littéraire du journal « Le Monde ».
Dans son dernier livre « Le Couteau », l’écrivain abandonne la fiction et revient factuellement sur l’attentat qui a failli lui coûter la vie.
Il s’en excuse par avance auprès de nos élites littéraires.
« J’ai pensé être en train de mourir. Ce n’était pas dramatique ou particulièrement horrible, juste factuel.
Au départ, je ne voulais même pas écrire sur l’agression, pour ne pas être réduit à cet événement comme il a pu l’être après les Versets sataniques et la fatwa.
Mais il est devenu évident que je ne pouvais pas écrire autre chose. Il fallait que j’écrive là-dessus d’abord. Et puis c’est devenu un livre dont j’avais vraiment très envie. »
Désolé pour le manque d’humour et d’imagination, Monsieur le journaliste du Monde.
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L’attaque a duré 27 secondes et lui a infligé 15 blessures, dont une section du nerf optique droit.
Les fanatiques ne lâchent jamais, après plus de 30 ans de traque, ils ont fini par l’avoir.
J’imagine la satisfaction dans leurs pauvres têtes de malades.
Cerise sur le gâteau, ils ont interrompu un événement culturel. La culture ça ne sert à rien. La prière c’est mieux.
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Au départ il y a cette fatwa de l’ayatollah Khomeini, qui le poursuit depuis 1989, à la suite de la publication des « Versets sataniques ».
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Le 12 août 2022, Rushdie participe à une lecture avec son ami Henry Reese à la Chatauqua Institution, dans le sud-ouest de l’Etat de New-York. Il s’agit de récolter des fonds pour « City of Asylum », une association qui aide les écrivains en exil.
Rushdie a fait un cauchemar prémonitoire la veille. Il a rêvé être dans une arène et qu’un gladiateur le transperçait de son trident.
Mais il préfère plaisanter avec Reese et lui avouer qu’il lui arrivait de commander des livres sur Amazon. Ce qui méritait bien une nouvelle fatwa contre lui.
Il fait beau et clair. L’amphithéâtre est bondé.
Soudain de l’agitation, un homme vêtu de noir court dans l’allée et saute sur scène.
Rushdie voit cet homme en noir fondre sur lui « comme un missile ».
Il est armé d’un couteau et poignarde Rushdie une quinzaine de fois.
Reese croit, au départ, à une mauvaise blague, à un comédien jouant un sketch. Mais quand il voit le sang couler, il se jette sur l’agresseur pour le maîtriser et sera lui-même blessé.
L’assassin est un homme de 24 ans, d’origine libanaise, né en Californie.
Un loup solitaire. Probablement déséquilibré.
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Pour Rushdie, les mots doivent ressortir victorieux.
«Le livre, en soi, parle d'un couteau, mais lui-même est aussi un peu un couteau. Je n'ai ni armes, ni couteaux, c'est donc l'outil que j'utilise. Et j'ai pensé que je l'utiliserais pour me battre… C'est devenu ma façon de contrôler le récit, si l'on peut dire. »
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Contrôler son destin , contrôler le récit, peut-être sans humour ni imagination cette fois-ci, mais de façon bien plus courageuse que bien des articles d’une presse dite de référence.
> « Le couteau : Réflexions suite à une tentative d'assassinat » de Salman Rushdie, Gallimard, Traduit de l'anglais par Gérard Meudal, 272 pages, 23 euros
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Daniel Sarfati est médecin ORL, passionné par le langage, par les signes, la lecture des mots qui s’écrivent, se lisent sur une page ou sur des lèvres, les histoires qui se vivent ou qui s’inventent.