Lire-écrire

Les écrivains, lecteurs eux aussi

Tout écrivain a sa source d’inspiration, et parfois, cette source est tout simplement l’oeuvre d’un autre écrivain. Puisque les auteurs lisent, eux-aussi, et se passionnent occasionnellement pour un des leurs. Une passion qui peut même mener à un livre consacré à cette inspiration. Notre sélection des livres qui célèbrent la rencontre entre deux écrivains, ou la connivence avec un panthéon d'auteurs choisis.

Entre les écrivains et leurs paris existe une complicité particulière. Et quand un écrivain se laisse envoûter par un autre, cela peut donner un livre, et pas forcément une biographie. Les inspirations croisées sont à la mode. Voici notre sélection de parutiosn récentes. 

« Le voyage de M. de Balzac à Turin », Max Genève (Serge Safran) 

Saviez-vous qu'au mois de juillet 1836, Balzac quittait Paris en calèche pour se rendre à Turin avec une jeune femme déguisée en page ? C’est le passage de la vie de Balzac sur lequel s’est penché Max Genève pour son dernier livre : Le voyage de M. de Balzac à Turin. Une histoire très peu connue, qu’il nous fait découvrir dans son roman passionnant. 
Le récit
En juillet 1836, le couple Guidoboni-Visconti propose à Balzac de les représenter à Turin, tous frais payés, pour une affaire d'héritage. Cela tombe à pic : l'écrivain est ruiné après la liquidation de La Chronique de Paris. Pour l'accompagner, l'auteur du Lys dans la vallée - le roman vient de paraître -, recrute un jeune page : Marcel. Habillée en homme, mariée, mère de famille, elle s'appelle en vrai Caroline. Et, fatalement, se noue une intrigue amoureuse d'un genre très particulier.

 

« Vers la nuit », Isabelle Bunisset (Flammarion)

Dans « Vers la nuit », Isabelle Bunisset consacre un roman à Louis-Ferdinant Céline, auteur sur lequel Isabelle Bunisset, enseignante à Bordeaux, a déjà écrit une thèse. Sorte de biographie romancée, ce premier roman situe son histoire le 30 juin 1961, quelques jours avant la mort de l’écrivain à Meudon. Céline est en train de finir son ultime roman, Rigodon, souvent appelé sont « testament littéraire ». Il évoque sa vie, son parcours littéraire, ses convictions, Lucette, sa déchéance… 

Le récit
« Céline. Parler de lui ? Tout a été dit ou presque sur l'écrivain. Qu'on l'aime ou qu'on le déteste, il est là. Incontestable, même lorsqu'il est contesté. Parler pour lui ? Fendre le masque marmoréen du monument, tenter de regarder l'homme derrière, de capter un filet de voix mourante ? Non, il ne s'agit ni de parler pour lui ou comme lui, mais de parler avec lui. Foin du marbre, de la grande statue dont l'ombre elle-même est si immense qu'elle écrase tout. Chair à chair, pour une fois. Se glisser dans les interstices, chercher à les remplir comme le ferait un ami venu le visiter en toute humilité, l'ami fût-il anonyme. Rester au chevet du malade, auquel le temps paraît bien court – et une éternité, pourtant. Nauséabond, soit. Jusqu'à l'os, parfois. Propre sur lui, rarement. Probe, à sa façon, certainement, vulnérable toujours : Céline, tel qu'en lui-même, tel que je le vois, dans sa nuit, la dernière. »

 

« La Poupée de Kafka », Fabrice Colin (Actes Sud)

De Paris à Berlin en passant par Prague, Fabrice Colin mène une enquête romanesque sur l’histoire, dont on se demande encore si elle est vraie ou simplement une légende, de Kafka. 

Le récit
Au cours d'un séjour à Berlin, la jeune Julie Spieler, en quête d'une improbable réconciliation avec son père, Abel - séducteur impénitent, époux volage, menteur invétéré et professeur de littérature allemande à la Sorbonne -, débusque la récipiendaire putative de textes inédits de Kafka, écrivain qui fait l'objet d'une folle idolâtrie de la part de son inconséquent géniteur. La jeune fille entame alors de difficiles tentatives d'approche auprès de cette vieille dame particulièrement revêche qui porte en elle toute la mémoire d'un siècle traversé de guerres, d'exils et d'horreurs. L'été suivant, contre toute attente, ces trois personnages se retrouvent dans un chalet, face au mont Blanc, pour dénouer les noeuds et secrets obscurs dont chacun a tressé sa vie.

Convoquant une structure narrative limpide où le réalisme le dispute aux images mouvantes et la gravité à un humour féroce, Fabrice Colin mène ici une superbe enquête sur les liens qui nous lient et nous délient au fil d'une libératrice traversée des apparences, sous l’éternel regard de l’iconique Kafka.

 

« Agatha Christie, le chapitre disparu », Brigitte Kernel (Flammarion) 

À l’hiver 1926, Agatha Christie se retrouve au coeur d’une étrange affaire, qui semblerait tout sortie d’un de ses romans, mais qu’aucun Hercule Poirot ni aucune miss Marple n’on jamais élucidée. À ce moment là, la romancière a 36 ans. Un jour, elle disparait soudainement. Durant dix jours, tout le monde mène l’enquête jusqu’à ce qu’elle soit retrouvée dans un hôtel du North Shire, souffrant d’amnésie et ne se souvenant de rien. Depuis, personne ne sait ce qu’il s’est passé pendant ces dix jours. 

Le récit
C’est le mystère auquel s’est intéressée Brigitte Kernel. L’écrivaine se met dans la peau de la célèbre romancière pour revenir sur cette période mystérieuse. Elle va reconstituer cette zone d’ombre de la vie d’Agatha Christie pour emmener le lecteur dans une passionnante histoire d’amour, de vengeance et de trahison. 

 

« Les derniers jours de Stefan Zweig », Laurent Seksik (Flammarion) 

Laurent Seksik raconte jour après jour les six derniers mois de la vie de Stefan Zweig et de sa seconde femme. Tout commence en septembre 1941 quand l'écrivain arrive au Brésil, à Petropolis, fuyant le régime nazi. Sa femme Lotte, son ancienne secrétaire, décide de le suivre dans son exil malgré le désespoir de son mari qui n'arrive plus à surmonter ce mal de vivre qui l'accable de plus en plus. Avec l’entrée en guerre des États-Unis, Zweig perd de plus en plus espoir.

Le récit
Laurent Seksik s’immisce dans l’intimité du destin tragique du célèbre écrivain et de sa femme. Il raconte ainsi les dernières heures de ce dimanche 22 février, les deux flacons de véronal, et les derniers instants de Stefan Zweig et de Lotte, qui refusait de survivre à son compagnon. Le livre, paru en 2010, est un succès puisqu’il reste trois mois dans la liste des meilleures ventes de L’Express

 

« Manderley for ever », Tatiana de Rosnay (Albin Michel)

« J’ai rêvé la nuit dernière que je retournais à Manderley. » C’est par cette phrase que commence Rebecca, le roman de Daphné du Maurier porté à l’écran par Alfred Hitchcock. Depuis l’âge de douze ans, Tatiana de Rosnay, passionnée par la célèbre romancière anglaise, fait de Daphné du Maurier un véritable personnage de roman. Loin d’avoir la vie lisse d’une mère de famille, qu’elle adorait pourtant, elle fut une femme secrète dont l’œuvre torturée reflétait les tourments.

Le récit
Retrouvant l’écriture ardente qui fit le succès d’Elle s’appelait Sarah (éditions Héloïse d’Ormesson), vendu à plus de neuf millions d’exemplaires à travers le monde, Tatiana de Rosnay met ses pas dans ceux de Daphné du Maurier le long des côtes escarpées de Cornouailles, s’aventure dans ses vieux manoirs chargés d’histoire qu’elle aimait tant, partage ses moments de tristesse, ses coups de cœur, ses amours secrètes. Le livre refermé, le lecteur reste ébloui par le portrait de cette femme libre, bien certaine que le bonheur n’est pas un objet à posséder mais un état d’âme.

 

Les écrivains ont donc leurs propres héros, et sont eux-mêmes des lecteurs. Parfois, ils décident de partager leurs lectures, leurs expériences littéraires, ou même leurs rencontres avec d’autres auteurs. Une façon de percevoir la littérature à travers les yeux de ceux qui l’incarnent. 

 

« Une certaine vision du monde », Alessandro Baricco (Gallimard)

L’écrivain italien, dont les livres ont été traduits dans de nombreuses langues, revient sur les cinquante meilleurs livres qu’il a lus au cours des dix dernières années. Une liste qu’il effectue après un déménagement qui le pousse à reconstituer toute sa bibliothèque. Une certaine vision du monde est donc une incitation à la lecture, mais pas seulement, puisqu’Alessandro Baricco aime parler de livres, en débattre, donner son avis. 
Le propos
Avec humour et intelligence, il partage donc les livres qui lui ont semblé particulièrement significatifs. Des ouvrages qui, à ses yeux, incarnent notre civilisation : la civilisation du livre. 

 

« Relire », Laure Murat (Flammarion)

« Si l’on ne peut trouver de jouissance à lire et à relire un livre, il n’est d’aucune utilité de le lire ne serait-ce qu’une seule fois », déclarait Oscar Wilde, qui faisait de la relecture « le critère élémentaire de ce qui est ou n’est pas de la littérature ». 

Le propos
L’historienne et écrivaine Laure Murat, auteur notamment de L'homme qui se prenait pour Napoléon (Prix Fémina 2011), s’interroge sur l’utilité d’une deuxième lecture. Une enquête singulière sur la passion dévorante qu’est la relecture. L’auteur rencontre certains de ses paires, comme Christine Angot, Jean Echenoz, Annie Ernaux ou Patrick Chamoiseau pour recueillir leur avis sur cette tendance. Des entretiens qui mènent parfois à des révélations d’expériences littéraires intimes de la part des écrivains. Un hommage à la littérature et aux écrivains. 

 

« La Pipe d’Oppen », Paul Auster (Actes Sud)

Le post-moderne américain Paul Auster, n’est pas qu’un écrivain, il est avant tout un lecteur. C’est ce qu’il nous rappelle dans son nouvel essai, La Pipe d’Oppen, où le New-Yorkais rend hommage à divers grands écrivains. Dans quinze brefs essais dont la plupart ont été publiés en revues ou dans des ouvrages collectifs, Paul Auster visite quelques figures de son panthéon littéraire (de Georges Perec, Jacques Dupin, André du Bouchet ou Alain Robbe-Grillet à Samuel Beckett, George Oppen, Edgar Allan Poe, Joe Brainard mais aussi, de manière moins attendue, son ami le cinéaste Jim Jarmusch) et évoque ses rencontres tant livresques que réelles avec ces créateurs aimés tout en interrogeant avec profondeur et humour la pratique de l’écriture dans tous ses états – et notamment la sienne.
Le propos
En revisitant son panthéon littéraire, d'ailleurs plein d'auteurs français, Auster apparait à la fois comme un écrivain et un homme des lettres. Ce livre permet de découvrir ce double visage de l’écrivain et de l’amoureux des livres, à travers des rencontres humaines mais aussi des rencontres de style. 

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