Marc Dugain, la fascination du politique

Mise en scène politique

La trilogie politique de Marc Dugain ne cesse de fasciner. Les jeux d’apparences que dépeint la série romanesque séduit ses lecteurs qui se délectent des rivalités entre les personnages, des scandales, de la cruauté, des jeux de pouvoir, et autres péripéties de la saga. Avec Ultime Partie, paru chez Gallimard, les derniers coups bas de la Trilogie de l’Emprise sont donnés, et c’est un tableau sombre et cruel que Marc Dugain dépeint. Avec cynisme, il met en scène la politique française, dans un monde où la morale et les scrupules ne semblent pas souvent de la partie. C’est une véritable tragédie antique qui se déroule sous les yeux ébahis du lecteur, pleine d’orgueil, de travers, mais loin de la caricature politique. Un roman si réaliste qu’il rappellerait presque notre monde actuel. 

Cruauté et vérité

Dans Ultime Partie, Launay, le favori de l’élection présidentielle, va enfin accéder au pouvoir et réformer la Constitution contre l’avis de son ennemi intime Lubiak. Les deux hommes vont se livrer un combat sans pitié. Dans ce troisième volet, on retrouve des personnages comme Lorraine, l’espionne qui ne se sent pas à sa place et qui est menacée de mort par les services secrets français et américains, ou encore Terence, le journaliste d’investigation intègre, qui prend la mesure de sa puissance et transige avec ses principes. Le récit nous entraîne dans les couloirs cachés de l’exercice du pouvoir mais aussi dans la réalité des services secrets.

Echo de la réalité

Finalement, peut-être n’en sommes-nous pas si loin d’ailleurs. Alors que, l’année dernière, le deuxième volet, Quinquennat, était paru au plus vif du débat provoqué par la loi sur le renseignement, voilà que le denier fait son apparition quelques jours avant le scandale international déclenché par les « Panama Papers ». La fiction résonne donc étrangement avec l’actualité, et on se demande si c’est le livre qui est trop réaliste ou le réel qui est déjà trop romanesque, fictif. Avec la construction d’une campagne, d’un slogan, d’un programme, la politique est peut-être déjà une forme d’imagination. La documentation exceptionnelle de la trilogie ajoute encore plus à son réalisme. La saga rappelle la série américaine House of Cards, qui met en scène la présidence américaine, et qui cartonne aux États-Unis et ailleurs. Elle aussi s’inscrit d’ailleurs avec l’actualité, puisque son protagoniste est en pleine campagne pour les primaires démocrates américaines. 

La politique séduit toujours 

On aurait pu penser que les lecteurs en auraient assez de la politique. Le succès de la saga de Marc Dugain nous prouve le contraire. Ce mélange de fascination et de perte de crédibilité du jeu politique ne lasse pas son public. Un jeu un peu dangereux, fossoyeur de la pureté de l’idéal politique. Le lecteur est tenu en haleine tout au long du récit, à la façon d’un roman d’espionnage. Avec une lecture psychologique des personnages, les coulisses de ce monde si particulier font froid dans le dos. Marc Dugain fait le constat que les politiques français n’ont plus la moindre conviction, tout en posant les limites du contre-pouvoir. De quoi continuer à fasciner ses lecteurs. Une chose est sûre, nous n’avons pas fini de parler de l’auteur. Ni d'être fascinés par les ombres du pouvoir.

>Marc Dugain, Ultime Partie, Gallimard