Les Écrits

Présentation, extraits de "L'instant d'après"

       Trente secondes ; ou quarante, avec des «si»…

 

 

       Le temps d'une respiration pour vous donner envie de lire la suite   -bouteille d’encre sympathique accrochée à l’intangible toile d’une araignée de pixels.

       Trente secondes car c’est là, dit-on, que tout se joue… : le temps d’un premier cri ou d’un dernier râle  -celui du tonnerre qui gronde dans un air trouble. 

       Parenthèse  infime pour se prendre à la musique d'un futur gros de promesses -qui ont le parfum du miel, qui ont le goût amer des cauchemars.       

      Trente secondes d’audace donc, pour vous inviter à plonger dans l'instant suspendu du possible.

      Et ce au long de ces vingt-cinq nouvelles qui s'ouvrent ou se referment sur «L'instant d'après». Où tout arrive ou s'achève: jeu de dupe du destin, pied de nez du héros, éclat de rire du narrateur -entre joie désenchantée et coup de cœur enflammé. Coup du sort, coup de gueule. Et coup de cœur ou d'autre chose où l'infini se noie dans le trivial, où la chair s'oublie dans un pouls affolé...

 

                 Quelques extraits :

 

 

            « Une fille lucide…

 

Un jour comme les autres.

Tôt levée, vite douchée, pas maquillée : il fait encore sombre, toujours glacial, et personne ne l’attend – personne d’important.

Elle est jolie pourtant, pas sûr qu’elle le sache.

Elle a vingt-cinq, vingt-six ans ? Et parfois, au fond de ses yeux de turquoise, comme une ombre qui lui donne facilement dix ans de plus.

Grande, d’allure sportive, c’est une fille comme on en voit beaucoup. Qui sont autonomes, s’assument, le disent. Mais ont en commun la solitude discrète des rues trop grises. Hier, ça devient une habitude, elle a pleuré devant son café froid et sa télé éteinte ; la nuit et deux somnifères ont tout effacé. Elle est libre, est surtout effroyablement seule.

Blafarde sous la lumière crue du néon, elle enfile un pull vieux rose, col boule. Et passe un jean un peu trop serré – doit s’allonger, arrêter de respirer et s’y reprendre à deux fois en pestant contre son ventre trop gros et le temps trop court. Maintenant, essoufflée, décoiffée, elle noue les longs lacets gris souris des boots molletonnés – écarlate sous la pression. À côté, Télé Info débite ses rengaines : insécurité, magouilles et compagnie – entre publicités et conseils sponsorisés, sans réelle démarcation.

Frigo presque vide…

Café soluble, pain sans goût, goût à rien.

Rien d’autre à faire : elle avale tout, debout.

Et part très vite.

 

Bus 95, la plupart des sièges sont libres. Quelques sacs ont été jetés à la va-vite dans le passage étroit et un manteau prend toute la banquette arrière, qu’elle déplace en s’excusant machinalement. Comme toujours, comme un dingue, le conducteur démarre brusquement et elle doit se rattraper à la barre transversale – fait chier ! Après quelques secondes, tout en regrettant d’avoir choisi ce jean trop étroit, elle peut s’asseoir. Et soupirer. Contre ce type d’âge mûr qui conduit comme un loubard. Contre l’agitation ambiante, les embouteillages et le froid humide qui fait rendre d’écœurants fumets aux  vêtements. Dix arrêts, dix entrées offertes aux vents mauvais – et même un coup de coude dans le bas du dos, les gens sont sans-gêne…

Le long véhicule se remplit peu à peu. Il y a des oiseaux de nuit tout fripés qui rentrent chez eux, des travailleurs encore ensommeillés qui se rendent au bureau. Et des enfants, bavards, joyeux, qui ne tiennent pas en place et échangent quelques plaisanteries. Elle tend l’oreille presque inconsciemment, sans penser à mal. Doit se lever déjà, demander pardon, dégager le pan de sa veste coincé sous les fesses envahissantes du voisin et se dépêcher – peur de louper sa station.

Ça y est……. »,  In ‘L’instant d’après’ (texte protégé par les droits d’auteur)

  

                 « La puissance des faibles

 

C’est à se cogner la tête aux murs ; mais il n’y en a pas, n’y en a plus.

L’espace s’est déchiré dans le silence : envolé le ciel, disparu l’horizon. Et tous les repères ; et mon corps retenu très loin de ses propres sens.

Je n’ai pas vraiment mal, mais tellement peur –d’avoir mal ou de plus jamais rien éprouver. Car je suis en suspension dans l’enfer des âmes dévastées ; et il ne reste rien. Rien que cette interrogation qui tourne à vide : pourquoi ? Mon dieu, pourquoi ?

Cela fait plus de dix fois que je me pose cette question. Que je la renvoie à tous les dieux. À tous les diables. À l’infini qui s’est ouvert sous mes pieds et qui m’aspire dans sa gueule béante. Comme un fil que je ne peux pas lâcher et que je tends maintenant à cette abomination. À elle ou à personne ; parce que j’ai été déportée loin au dehors du monde, en tête-à-tête avec un monstre.

Et je n’y crois pas, ne veux pas, peux pas – suis bien obligée.

En face à face avec mes cauchemars – Protée ressuscité.

Mais pourquoi ? Pourquoi, moi ? Ça tourne en rond ; ou plus très rond justement. Il ne reste que ça pour résister à la chute – à la folie. Et garder un peu de ma conscience qui explose et se dissout dans une peur inconnue. Trois petites syllabes qui éclatent entre mes tempes comme des coups de tonnerre.

Par tout ce qui subsiste, pourquoi ?

Je me cramponne à cette supplique. Je ne sais pas même si je parle vraiment ou si les mots s’éteignent dans ma tête – si je hurle ou si je pleure ? Et merde, pourquoi faut-il que cela m’arrive à moi ? Tout était si normal jusque-là – jusqu’hier.

 

La petite route enfonçait familièrement ses vieux pavés dans le sous-bois. Tout au long, quelques noisetiers impatients gonflaient leurs bourgeons d’une sève nouvelle. D’enroulements en torsions, les branches frêles semblaient s’ébrouer sous un voilage perlé qui leur offrait un peu de sa poésie. Et puis, par bouffées, venant du sol, qui s’en échappaient, des odeurs d’herbes et de mousses jonglaient avec les courants d’air. Au loin, des oiseaux chantaient, à peine audibles, que j’imaginais étonnés – Dieu sait pourquoi ? Et l’horizon se fondait langoureusement dans les vapeurs grisâtres : des images fugitives d’autres voyages me traversaient l’esprit. Je me sentais un peu cotonneuse et je me souviens m’être raccrochée au bruit du vent tandis que l’eau du ciel dessinait sur le sol gras des arabesques irisées où se reflétaient les nuages ; ils jouaient là avec les huiles détachées et peu à peu charriées vers la clairière en pente douce. Pluie de printemps tout proche, sans risque, tout en promesse. Instantané presque idéal : l’air du temps se la jouait romantique, avec des fugues vagabondes…

Posé à l’arrière……. », In ‘L’instant d’après’ (texte protégé par les droits d’auteur)

  

                « Hier est demain

 

C’est impossible.

Je n’ai pas idée de ce qui a pu se passer – n’ai plus d’idées d’ailleurs.

Un simple claquement de doigts, même pas.

Je marche, c’est tout.

Tout était si normal pourtant, l’instant d’avant.

Je battais gentiment la campagne, comme dit ma mère – à dix mille mètres, suspendue dans l’azur immense. Loin des tracasseries quotidiennes et délicieusement lovée dans un cocon de coton. Sans empêcheurs de tourner en rond. Ni rendez-vous ni agenda : tout à la trappe ! Le calme assuré pour quinze grands jours. À me faire dorloter – me la couler douce. Le sponsor de notre petit groupe avait pris les réservations dans un palace à l’authenticité intacte – tout au moins l’assurait-il, bouche en cul-de-poule.

Et je faisais le chat, tirant des plans sur la comète et sur les abdos du DRH. Sans compter ce qu’il fallait voir, que je voulais faire – ne pas faire…

Réécrivant dans les nuages quelques classiques de la littérature : quand la Belle au bois dormant se tire avec l’amant de Lady Chatterley. À l’instant précis où Cendrillon découvre le goût des autres dans les yeux du Prince Vaillant et qu’il lui laisse sur la peau comme un grand cri d’amour. J’étais… En fait nous étions tous très loin du sol, en route vers le soleil et les cascades argentines : des vacances de rêve, qu’il disait…

Quand j’ai repris contact avec la réalité de ce rêve-là, nous nous trouvions à mi-chemin, quelque part au-dessus de l’océan avec du bleu plein les yeux. Les énormes réacteurs ronronnaient et le commandant commentait le plan de vol d’un accent slave, romantique à souhait. Les plus inquiets se détendaient enfin tandis que deux ou trois vieux-beaux draguaient des hôtesses aux formes réjouissantes. Devant moi, la petite attachée du 12 regardait le navet qui passait en boucle, écouteurs vissés aux oreilles. Et je pouvais m’offrir ce plaisir rare et gentiment pervers d’observer les autres : trouver les failles, insister sur les défauts. Se trouver comestible, en comparaison. Je parcourais ainsi l’enfilade des fauteuils, à gauche, à droite… Et je notais avec jubilation : gros, mou, moche. Mal fagotée, terriblement vulgaire – too much. Quant à celle-là, on lui donnerait le bon dieu sans confession, le diable en rit encore ! Sans oublier les tics et les tocs des stressés, des maniaques. Compliquant ma tâche de parfaite petite rosse, un steward poussait son chariot dans l’allée centrale : pas mal, le mec ! Des yeux… Whoua, je dirais oui à presque tout.

Soda, limonade, bière ?

Non, merci !

J’ai du thé, si vous préférez ?

Rien, vraiment, je vous remercie.

 

J’ai dormi je crois, pas longtemps. Mais me suis retrouvée la tête posée sur l’épaule du voisin assoupi lui aussi. Passablement ouateuse, un peu gênée, je me suis redressée très vite, jetant un regard aux alentours – personne n’avait rien vu ou tout le monde s’en foutait. Je me suis alors étirée, me repositionnant, la nuque très raide, en appui contre le hublot. Là, en plongée vertigineuse, je devinais les sommets enneigés des Rocheuses. Tout à côté les nuages jouaient le jeu des moutons d’écume. Ou se prenaient de lubies, s’encanaillant en formes changeantes : où la fée se faisait sorcière qui se transfigurait en un cygne pour faire enfin l’amour à l’oiselle.

J’étais bien.

Puis il y eut ce bruit…

Quand je dis bruit, une onde plutôt. Qui tournait dans ma tête ; dans toutes les têtes à en juger des regards d’abord étonnés puis, très vite, totalement affolés.

Nous étions tous….. », In ‘L’instant d’après’ (texte protégé par les droits d’auteur)

  

                   « La folle journée de Monsieur Huit

 

Point du jour et clarté froide d’un soleil pâle –hiver pris au cœur.

Rien ne bouge, ou tout bouge au ralenti.

Les temps modernes semblent s’être réfugiés dans la seule horloge du vieux clocher et là, à l’est où rien ne se passe, répétant inlassablement la plus vieille histoire du monde, le ciel déploie peu à peu ses ailes encore toutes imprégnées d’un fard rose orangé. Puis il mélange ses couleurs en camaïeux changeants tandis qu’un coin de bleu ouvre une fenêtre imprudente au vent piquant. Du grand ensemble au détail infime, l’orfèvre de l’I promet une journée vivifiante – impression de pureté.

Immaculé, le marbre blanc de Toscane renvoie la lumière à la ronde des sentinelles romaines : douze, en habit de parade – hampes ciselées et cottes finement dentelées. Qui tuent le temps comme elles peuvent et le meublent, lui qui n’en a plus rien à faire, de flash-back délirants ou d’arrêts sur images.

Détachés, en apesanteur ou presque, l’or et le bronze fondent leur élégance de cavaleurs à l’inconditionnel du réel. Et marquent à leur rythme, aiguilles au fil d’or et des jours, un temps presque circulaire qui les grise d’ombres versatiles. Tout en haut cependant, la voûte cristalline ouvre le ciel à l’infini des passants.

Un lieu étrange, une bulle aux sons feutrés. Arrachée à la cohue des foules pressées de dépenser ce qu’elles ont gagné : renonçant pour quelques pépites de vent à l’instant jouissif des moments perdus. Mais qui se prennent à l’engrenage d’autres ressorts la majeure partie du temps – égarée, celle-là, dans un circuit trop bien fléché. Et courant sans jamais la rattraper après l’heure de grâce qui peut tout ; qui n’en fait qu’à sa tête, emportée par les promesses d’un avenir bonimenteur.

Tôt levé, frais et dispos, Monsieur Huit, le Grand, a rendez-vous avec son voisin du dix, un Japonais….», In ‘L’instant d’après’ (texte protégé par les droits d’auteur)

  

                « Hôtel des pas perdus

 

L’hôtel est isolé dans une immensité sans retour.

Invisible aux absents, il remplit de sa présence monumentale les sens de ses hôtes de passage. Des voyageurs sans destination s’y posent – sans vouloir ou sans vraiment savoir, partageant pour un temps le vin aigre des solitaires.

La fille court sur la voie étroite.

L’instant d’avant elle était au chaud ; maintenant elle fuit la brutalité glaciale d’assaillants sans visage.

Et court ; contre sa peur, pour sa vie. Jeune, longiligne, jolie sans doute, elle apparaît vulnérable comme une biche aux abois.

Panne sèche, saleté de bouchon…

Souffle haché, bronches sifflantes – danger !

Dangers de la nuit, dangers inconnus.

Son cœur affolé joue une partition saccadée. Et les coups frappent fort, beaucoup trop fort. Dans sa poitrine, son ventre, ses tempes. Ils envahissent son crâne d’une résonance douloureuse. Ses jambes tremblent – un pas, encore un, un de plus. Tout ça à cause d’une mouche ; qui s’était posée sur le bord d’une tasse ; que sa mère avait chassée, envoyant valser la petite cuillère à trois ou quatre mètres et faisant éclater de rire un tout jeune homme. Qui la lui avait rendue, l’avait suivie, l’avait aimée. Et qui depuis avait dit « oui » à tout : à sa mère d’abord, à elle enfin – et à cette vieille bagnole qui lui plaisait tant.

… cinq… six… sept…

Elle compte ; pour tenir. Alentour tout est noir. Les ténèbres s’accrochent minutieusement aux branches, les noyant dans une coulée insaisissable. Venu de nulle part, un oiseau, hibou, chouette, qui sait, lance une plainte inutile au ciel bouché. C’est lugubre, éprouvant.

huit… neuf…

Résister ! Sa respiration est rauque, presque un râle.

Ses poumons vont éclater et elle est blanche comme la main glacée posée sur ses épaules. Pourtant elle avance tête baissée, fragile fantôme dans la nuit. Quelques mètres de plus, déhanchée. Mais la route n’en finit pas ; déroulé invisible qui se révèle pas à pas.

… dix… onze…

Silence palpable. Tout s’arrête, même sa fuite insensée : stoppée net, comme engluée dans un lacis inextricable de fils pris à un magnétisme impitoyable.

La voilà paralysée, tremblante. Son corps écorché est en feu mais elle a froid. Statue de pierres vives et de sang déjà figé, elle pleure sans larmes ni sanglots.

Pleure vraiment pourtant, d’une angoisse qui la submerge pour l’amener au bord d’un gouffre sans aspérité.

Et l’attente immobile se prolonge, indéchiffrable.

Puis un bruissement…

Ou un souffle ?

Une caresse presque ; du vent qui maintenant se renforce et écarte tout soudainement le suaire qui bâillonnait l’univers. Le ciel relâche peu à peu ses étoiles pour reprendre enfin sa place. Et le paysage affiche sa couleur de pierres grises et d’excavations obscures où l’horizon se perd : sinistre mais réel. À gauche, à droite, derrière même, et semblant pousser vers d’abominables pièges, des arbres millénaires lancent leur tronc torturé vers la voûte céleste qui s’en joue d’éclats vacillants. Autant de bras écharnés, de doigts crochus. Dans la foulée, tout un monde d’insomniaques retourne à ses occupations : à plumes ou à poil. Sans oublier la fille qui reprend son chemin de croix.

Les poursuivants… », In ‘L’instant d’après’ (texte protégé par les droits d’auteur)

 

               « Chic lift

 

La vieille bâtisse porte fièrement ses trois étages, avec des fenêtres immenses et des gargouilles figées dans un rire grimaçant. Qui s’éclairent tout soudain et renvoient les réverbères à leur flou artistique, nimbant d’un flux scintillant un jardin de curé en pente douce  – où quelques buis s’en vont se perdre dans le sous-bois presque ensauvagé, à l’arrière.

Mais devant il y a l’avenue et ses larges trottoirs bordés de châtaigniers.

Il y a Madame qui sort son chien…

Et Monsieur qui surveille Madame ; la nuit ne s’est pas totalement retirée et des pas inquiétants résonnent de loin en loin.

À quelques dizaines de mètres, l’abri bus est vide.

Une curiosité, de style Art Nouveau ; Horta est passé par là, un jour. Ou quelqu’un qui lui ressemblait.

N’importe, le maire n’en démord pas, fier comme un paon de « son » trésor urbain. Là, sur la cloison arrière, à la croisée des culs et des cultures, des tags encore humides attendent les premiers voyageurs : sexes volumineux et cœur minuscule d’un qui s’est oublié. La campagne s’encanaille ici d’odeurs d’essence et de relents lourds, gentiment, à pas feutrés. Ou peut-être est-ce la ville qui vient s’aérer dans cette banlieue chic du 16ème tout arrondi, s’y prenant à rêver d’école buissonnière ? Mais brisons là car la plupart des passants ne voient qu’elle : entre vigne vierge et glycines envahissantes – hauts plafonds, lambris bicentenaires et volets fatigués. On la dit « Victorienne » : d’une sœur du père de sa grand-tante qui était tombée en amour d’un certain Victor – c’était une plaisanterie au départ, c’est devenu une sorte de code.

C’est là qu’elle vit, entre voyages d’études et voyages d’affaires. Qui a trop souvent troqué ses nuits contre des plages d’insomnie. Qui s’est levée avant l’heure pourtant, les paupières lourdes de toutes ces heures perdues. Et s’est douchée en quatrième vitesse en frissonnant d’une pensée insaisissable.

Maintenant, penchée vers le miroir grossissant, elle se maquille consciencieusement. Petit instant de grâce où elle ne pense plus à rien ; les yeux écarquillés, la bouche ouverte, elle dépose par touches subtiles un fond de teint doré. Se redresse, jauge l’effet, fait la grimace et ajuste le tout de quelques tapotements. Pas plus satisfaite que ça, elle applique un petit nuage nacré de rêve à paupières et un éclat d’anthracite soulignant résolument son regard presque turquoise.

Parce qu’il faut qu’elle assure. Qu’elle tienne à distance les petits stagiaires et rassure les investisseurs sans jamais inquiéter leurs compagnes – ce petit trait vient contredire d’une longue virgule des yeux encore accrochés à quelques rêves d’enfant.

Ce n’est qu’un début de journée comme bien d’autres, avec une migraine sournoise, une légère nausée même, et surtout cette impression d’urgence qui ne la quitte plus depuis quelques jours – comme un vide, qu’il faut occulter très vite d’un haussement d’épaules et d’un trait appuyé de rouge à lèvres.

Elle est nue et ….. », In ‘L’instant d’après’ (texte protégé par les droits d’auteur)

 

                  « Écrits vains

 

J’avoue, j’avais opté pour une manchette plus longue, à la Jules Verne.

Ou lorgnant effrontément la patte du maître, Neil Gaiman. Vous voyez ? Mais si, un intitulé du style : «Écrits vains d’une écrivaine vingt fois décriée crispée sur une plume vindicative et assassine…».

Seulement, comme dit ma probable ex-attachée de presse, ça ne le fait pas – ça passe mal quoi !

Attention, ne vous y trompez pas, j’exècre la violence. Mes délires sont plus souvent coulés dans le miel et mes désirs se prennent au parfum des roses ; s’ils étaient musicaux, ils seraient bercés par le timbre clair de l’eau vive éclaboussant quelques joncs grisés d’une bruine nacrée. Et repris par le chœur du vent dans les notes aigrelettes d’une cascade limpide. Vrai de vrai, j’aime les histoires qui finissent bien. Ainsi, comment vous dire ? Imaginez des cris et des larmes. Des faux-semblants, des faux espoirs. Lorsque tout semble perdu ; que les cieux ont pleuré, les bêtes sué sang et eau et les hommes traîné sur les routes cruelles de l’exil. À deux doigts du point zéro, là où tout peut exploser en solitudes amères et en amertumes meurtrières. Et que pourtant :

 

« … deux s’en vont main dans la main ; avec un enfant encore malhabile qui les précède, les jambes arquées comme la voûte d’un pont ouvert sur l’infini ; et qu’il rit en éclats suraigus des cabrioles du chien jaune à l’oreille pendante…’.

Je ne vous cache rien, ne vous mens pas, j’adore cet instant où les combats s’achèvent : quand la folie s’est défaite et que seul le cri d’un nouveau-né fait encore frissonner la nuit. Ce que je tiens à vous faire entendre, n’en déplaise à Francesca, plus trop attachée pour cause de mauvaise presse, c’est que le sang pour le gore me paraît ridicule. Comme aussi le sexe cru des sans-amour. J’emporte les amants sur des peaux qui se frôlent, des cœurs qui s’embrasent. Je les mélange et je les fonds sur des mots murmurés à tue-tête, des promesses grisées de soupirs haletants.

En outre, j’en fais mourir très peu, lorsque c’est indispensable –dans les larmes et sous le poids d’un manque à jamais creusé au cœur d’un monde de solitudes. À ce jeu-là mes personnages restent tous obstinément debout – je garde leurs mains propres tant que faire se peut, loin des nuits poisseuses et des vapeurs d’alcools mauvais où se mêlent éclaboussures rouge sang et crasse noire. Francesca, qui se pique d’une longue carrière et de trois ou quatre poulains célèbres, voudrait du vrai, du lourd, mais j’ai gardé le goût de l’impossible ; cherchant dans les histoires d’hommes et dans le songe des femmes la possibilité d’un futur. Remarquez, c’est peut-être pour cela que tout est si difficile ? Parce que la mode est aux flashs – courts, enchaînés. Bien trash et réservés aux moins de dix-huit ans, les autres sont déjà blasés.

Dégoulinants de suées, éparpillant les humeurs en gros plans. Avec des monstres, avec des chimères –avec délectation. Les jambes écartées et les genres mêlés. Dans les râles à gorge ouverte et à grandes goulées d’hémoglobine au ketchup –corps torturés ou dépecés. Et sexes dressés, jamais repus – très loin du rose bonbon, à cent mille lieues de mes rêves.

Pourtant, de vous à moi, il est souvent plus facile de caresser dans le sens des poils mouillés des liqueurs d’amour tarifées et de farfouiller dans la boue que de chercher, et trouver, et soigner, les fleurs fragiles de l’espérance. Cela dit, je peux le faire, comme tout le monde : faire se révulser les corps, faire suinter, faire crier grâce. Dans le style gras et glauque des effluves lourds, des papiers défraîchis – et des hommes luisant sous les ventilateurs ou les lumières pâles des bouisbouis enfumés. Je peux le faire, l’ai fait déjà, sous l’insistance pas encore détachée de Francesca : tu comprends, ma chérie, écrire c’est partager. Et pour partager, il faut du commun. Tu veux être lue ? Tu veux donner ? Recevoir ? Être célèbre ? Alors laisse ton orgueil au placard et plonge tes mains dans les entrailles du monde…

Je m’y suis attelée deux ou trois fois, pour lui montrer, leur montrer à tous. Puis j’ai tout déchiré ! Mais si vous y tenez… Qu’est-ce que vous pensez de ça :

   « … vapeur d’eau pulvérisée, blanc clinquant des cuvettes. Deux le maintiennent, plaqué contre le mur. Les coups pleuvent : bruits de voix, de rires – qui se mêlent au bourdonnement des jets d’eau et résonnent et rebondissent et s’explosent contre les murs avant de crever dans sa tête. Il se surprend à compter, pour ne pas sombrer. Les deux… », In ‘L’instant d’après ’ (texte protégé par les droits d’auteur)

 

               Fiche technique de l’ouvrage :

 

Titre            :  L’instant d’après

Genre          :  Nouvelles (vingt-cinq)

Pages           :  322

Format (s)   :  Broché et livre électronique

Editeur        : Edilivre, APARIS

Collection    : Coup de cœur

 

Les récits sont autant de culbutes : du rêve au délire comateux, de l’éveil au cauchemar et du cauchemar à la veille. Avec des interrogations laissées ouvertes ou reprises plus avant. Des aventures au fil du temps, en d’autres mondes ou d’autres dimensions.

La première nouvelle, ‘L’instant d’après’, développe une idée mise en scène dans un texte précédemment sélectionné, et dès lors édité, dans le cadre du concours Sky Prods : elle donne le ton à l’ensemble.

‘Le nouvel Adam’, ‘Dernier round’, ‘Another life’ et ‘Peut-être’ constituent une suite cohérente : autant de nouvelles fermées sur elles-mêmes, se répondant, et offrant finalement la clé du mystère.

‘Cadavre exquis (Ne jamais dire j’irai cracher sur vos tombes depuis longtemps refroidies)’ occupe une place à part puisque ce récit relève d’un exercice de style - recouvrant quelques trois cent titres de la littérature et constituant cependant une histoire particulière. ‘J’arnaque’ tient du jeu de miroir, ‘Hôtel des pas perdus pour tout le monde’ constitue une fable philosophique et ‘La folle journée de Monsieur Huit’ lorgne sur un certain surréalisme….

Enfin, ‘L’antre du sorcier’, ‘La maison du bonheur (-un autre regard)’ et ‘Au point du jour’ tiennent plus sans doutes du récit d’ambiance.

Par ailleurs, la présentation ne serait pas complète sans évoquer ‘Hier est demain’ ou ‘Apocalypse’ et leur coloration «Fantasy» - ou encore ‘Petit poucet et grand chambardement’ emmenant celui qui s’y prend dans une étrange odyssée de l’espace

 

Sur le site de l'éditeur (Edilivre), amazon...

Existe en broché et en livre électronique.

Peut être commandé à tout bon libraire.

Par ailleurs,  Edilivre propose un concours de popularité de ses auteurs : un simple clic, comme une caresse de souris sur l’icône «J’aime» du livre…

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Mille mercis !

http://www.edilivre.com/l-instant-d-apres-jacqueline-wautier.html

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