Avec « Fenêtre sur crime » (Belfond), qui vient de sortir en édition de poche, Linwood Barclay nous entraîne dans un suspense redoutable, sur fond de névroses familiales, d’univers virtuels et de manipulations magnétiques. L’auteur canadien qui avait envoûté le public français avec « Contre toute attente » n’en est pas à son coup d’essai. Ce sixième opus, considéré par son mentor Stephen King comme son meilleur roman, est certainement le plus efficace. Nous partons à la rencontre de celui qui est en train de devenir le nouveau maître incontesté du thriller avec pour seule arme un enregistreur… Cet objet va-t-il devenir l’arme d’un prochain crime ?
« Fenêtre sur crime » à Saint Germain des Prés.
Quand on rencontre un maître du thriller, enfant de Stephen King et d’Harlan Coben, mieux vaut être bien armé et faire fi des doubles sens et des sous-entendus peu explicites. Ne pas hésiter à dégainer franchement, et si possible le premier. Dans un hôtel feutré de Saint Germain des Prés, la tension monte d’un cran lorsque j’appuie sur la touche « on » de mon enregistreur de poche. Et ce n’est pas le thé apporté sur un plateau argenté qui détend l’atmosphère. Au contraire, tout ce qui endort le soupçon peut se montrer dangereux. Ray Kilbride, l’un des personnages de « Fenêtre sur Cour » l’a appris à ses dépens : quand on voit la vie en surface, on passe à côté de l’essentiel. Son frère, Thomas, celui qui est considéré comme le fou de la famille, phobique et un peu schizophrène a développé un sixième sens qui peut se révéler très utile et le rendre plus clairvoyant que les autres. Surtout lorsqu’il est équipé d’un ordinateur et qu’il suit en permanence via son application Whirl360 (un genre de Google Maps interractif) la vie de Manhattan depuis sa résidence canadienne. C’est ainsi qu’il va être témoin de ce qu’il pense être un meurtre. Le suspense est planté avec une course à la vérité qui va se transformer en course poursuite à New York. « Fenêtre sur Cour » sait laisser planer la sensation d’inquiétude à partir de ces petits riens qui sèment le doute. Le lecteur est plongé très vite dans une aventure entre réel et virtuel, imagination et réalité. Signalons un petit jeu de piste amusant : une phrase reproduit à l’identique une réplique du film éponyme d’Alfred Hitchcock, auquel l’auteur rend hommage dans son livre. Nous laisserons au lecteur la curiosité de la découvrir… Linwood Barclay nous sourit. Nous pointons notre micro en sa direction le retenant en otage pour quelques minutes. Interview.
Linwood Barclay : OK, mais comme je peux toujours avoir la maîtrise de mes
pensées, vous serez en « accès contrôlé ».
L.B. : J’habite avec ma femme et mes deux enfants Spencer et Paige, dans une
maison confortable à la campagne non loin de Toronto au Canada. Pendant les
longs hivers, surtout le dernier qui a été particulièrement rigoureux, je peux
me consacrer à l’écriture.
L.B. : La neige, une page blanche… Tout est possible. Je suis d’un naturel plutôt anxieux. Comme les lecteurs je suppose, j’aime bien avoir peur quand je sais que je suis en sécurité. Peut-être que c’est une manière de me sentir plus en vie, de faire monter l’adrénaline. D’éprouver des sensations.
L.B. :
« Fenêtre sur Cour » est mon film préféré. J’aime bien cette tension
entre l’immobilité et l’acuité de la vision, la sensation de la menace, alors
que rien ne semble se passer, que tout semble normal. Alfred Hitchcock est un
très grand maître du suspense. Le rythme de ses films est très étudié, la mécanique
est parfaite. J’ai placé une phrase dans le livre qui est la reproduction
parfaite d’une réplique du film. Aux lecteurs de la trouver !
L.B. : Ma règle est de partir d’une idée générale, puis je plante le décor
et les personnages et tout se met en place petit à petit. Mais je reviens beaucoup
en arrière. Je déconstruis et construis en permanence, car il faut que le
rythme soit soutenu, mais aussi que les semences de l’intrigue soient distillées
au fur et à mesure. Ma préoccupation principale est quoi dire et quand le dire.
L.B. : Oui, cela fait partie de la déstabilisation du lecteur. Que tout ne
soit pas convenu. Je pense à mes personnages comme des énergies, des rôles dans
une mise en scène. Cela peut m’arriver de changer leur sexe en cours de route
selon l’histoire. Je me dis : celui-là pourquoi serait-il un homme (ou
vice versa) ? Pourquoi pas une femme ? Et je réécris en fonction.
L.B. : Dans un thriller, il est important d’entraîner le lecteur à perdre
ses certitudes. Le virtuel offre en effet de multiples possibilités. Il ajoute
un niveau de perception supplémentaire à l’imaginaire et au réel direct. Le virtuel peut être manipulé, mais il
peut aussi révéler. Le digital amplifie. Et le fait que ce virtuel soit piloté
par Thomas, qui est schizophrène, ajoute encore une autre dimension à l’atmosphère
de trouble. Il y a ce qu’il croit, ce qu’il croit voir, ce qu’il imagine voir
et ce qu’il voit. Ce n’est pas parce qu’il est malade psychiquement qu’il n’a
pas raison. Où est la vérité ? Les nouvelles technologies vont faire de
nous des témoins permanents malgré nous de tout ce qui nous entoure.
L.B. : J’écris mes livres en voyant un film se dérouler sous mes yeux. C’est
comme si je raconte des scènes, des gros-plans, des enchaînements, des regards. C’est pourquoi
mes livres semblent probabement propices à des adaptations cinématographiques.
L.B. : J’aimerais bien écrire une trilogie destinée au public des « jeunes adultes » et des adolescents mettant en scène des créatures hybrides à côté des humains. Nous sommes en train de voir émerger une société de robots et la technique va repousser encore plus les frontières du réel. Avoir exploré les possibilités d’amplification d’une simple application (Whirl360 utilisée par Thomas), m’a montré à quel point les nouveaux outils, et a fortiori les nouvelles créatures vont influer sur notre perception. Explorer en tant que romancier leur interaction avec la réalité ouvre une voie passionnante. ( Propos recueillis par OP.)
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