Jean-Pierre Bernès a connu Jorge Luis Borges lorsqu'il était en poste à Buenos Aires comme attaché culturel de l'ambassade de France. Il a établi l'édition de La Pleiade qui vient de re-paraître et écrit un livre passionnant J.L Borges: la vie commence qui donne une image vivante de ce passionné de littérature. Viabooks a rencontré ce chercheur qui s'est consacré à l'oeuvre de ce génie de la littérature . Il nous raconte les liens étroits qui l'unissaient au grand écrivain et revient sur les grands traits de l'oeuvre de Borges.
J.P B:Je l'ai rencontré lorsque j'étais attaché à l'ambassade de France à Buenos Aires en 1975. Là, comme Borgès aimait le dire, "les mystérieuses bifurcations du destin" se sont développées.
Oui, en effet, l'oeuvre de Borges fait peur. C'est pourquoi il a été et est toujours peu étudié à l'université. J'ai souhaité en écrivant ce dernier livre donner une image concrète et vivante de Borges. J'ai toujours pris des notes. Dans mes textes et celui-ci en particulier j'ai cherché à garder la tonalité marginale. Borges avait le sens de la formule juste.
Son formidable humour. Il me disait toujours "Prenez des notes. Je veux qu'on sache, il faudra dire". La particularité de Borges est aussi et surtout d'être hors du temps. On ne peut pas le placer dans un cadre, dans un genre, dans un temps. Il les dépasse, en déborde. Pour lui, le temps n'existait pas en quelque sorte.
J'ai vécu le dernières belles années de Buenos Aires de 1975 à 1979. Le personnage de Victoria Ocampo disait "J'étais à moi seule l'Unesco, quinze ans avant qu'elle existe". J'organisais en tant qu'attaché à l'ambassade des dîners et des concerts. J'ai eu la chance de vivre les dernières années d'une grande effervescence culturelle. Le soir nous jouions des mélodies de Fauré, de Poulenc. Régine Crespin, Balachnikov et tant d'autres se côtoyaient. Quelles belles années...
Dante, Cervantès, Shakespeare. Ils disaient d'eux qu'ils étaient ses amis. Comme il a très vite perdu la vue, héritant de la cécité de son père, des amis et des gens de passage lui lisaient. Personnellement, je lui ai souvent fait la lecture.
En effet, vous avez raison. Borges n'aimait pas les rimes. Il aimait le rythme. Borges vivait dans un milieu où la musique était très présente. Pour vous donner un exemple, Stravinski a dédié Perséphone à Victoria Ocampo que Borges a traduit par la suite du texte de Gide. Le vieil ami de Victoria Ocampo, était le chef d'orchestre Ernest Ansermet qui a souvent travaillé avec la troupe de Diaghilev. Borges aimait aussi un certain type de tango, le viejo tango, le tango viril, celui dansé seulement par des hommes dans les lupanars.
En effet, il s'est intéressé au cinéma américain. Il aimait les auteurs classiques américains. Il n'était pas particulièrement intéressée par les auteurs classiques américains.
Oui, il a traduit Virginia Woolf, André Gide. Il écrivait mais réecrivait et avait la volonté de contiuer les oeuvres. Il a aussi écrit pour des auteurs. Ainsi, il a écrit pour Tristant Tzara, "Rythmes Rouges".
Oui, mais en France je n'explique pourquoi, le genre de la nouvelle est délaissé. A propos des romans, Borges disait "Contentez-vous de lire les titres et parfois ne les lisez-même pas."
En effet, il aimait la France car c'était le pays de ses amis écrivains. En premier lieu c'était le pays de Montaigne. Pour lui, la France était le pays de la littérature. Et, comme disait Proust "La vie c'est la littérature"
Oh oui, j'ai beaucoup enseigné notamment à la Sorbonne, l'Ecole Normale Supérieure et à Sciences Po. Mes étudiants, c'était ma famille.
Je reprends souvent "Le Livre de Sable". Borges disait qu'il l'avait écrit avec moins de trois cents mots et que ce livre sera facile à faire lire. En revanche, Fictions disait-il "Je l'ai écrit dans un style néo-baroque"
La question m'a été posée par Borgès lui même qui avait dit alors sur un rythme cadencé: "A Paris, près des Halles qui riment avec filles à trois balles"
Jean-Pierre Bernès, "J.L Borges: La Vie commence", Le Cherche Midi
Jorge Luis Borges, "Oeuvres Complètes I et II", La Pleiade, 2010, sous la direction de Jean-Pierre Bernès
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