Steven Sampson, spécialiste de Philip Roth répond à nos questions sur Philip Roth l'auteur de La tache et plus récemment d'Indignation. Il confronte aussi ce texte aux autres ouvrages de l'auteur.
S. S: J'ai choisi de faire un doctorat sur Philip Roth à Paris VII, Université Paris Diderot dans le cadre de l'UFR d'études anglophones. J'ai soutenu cette thèse en 2008. J'ai par ailleurs écrit un essai littéraire Corpus Rothi. Je me suis attaqué à cette oeuvre passionnante car il n'y avait pas encore beaucoup d'études sur cet auteur.
S.S: En effet, il me semble qu'aujourd'hui, on lit Philip Roth avec une frénésie en France. Aux Etats Unis, ce phénomène s'est produit il y a déjà un moment. C'est étonnant de vivre cela en France en tant qu'américain.
S.S: Indignation a de nouveau comme narrateur un fantôme. Le dybbuk revient en arrière pour revisiter sa vie et élucider des problèmes non résolus. Il tente de dénouer les fils de sa vie pour enfin trouver le repos. L'utilisation d'un narrateur fantôme permet à l'auteur d'adopter le point de vue d'une personne qui se trouve déjà dans l'au-delà.
S.S: Indignation fait partie d'un corpus de quatre livres qui a commencé avec Un Homme. Philip Roth travaille par cycles parallèles. Dans le cas d'Indignation, il a choisi la forme de la novella. La figure du fantôme revenant est comme je le dis dans mon article le point de continuité entre Indignation et ses deux romans précédents. Indignation est encore un texte épuré tragique, stoïque, profondément désespéré. Ce roman est aussi plus condensé que d'autres, reprenant des éléments de l'enfance contrastée de l'auteur à Newark. Dans une certaine mesure, c'est peut être un ouvrage plus classique, tendant vers l'universel. Les deux autres textes du cycle The Humbling et Némésis sont à paraître prochainement et le dernier Némesis est vraiment très fort.
S.S: Le génie de Roth est dans la plupart de ses oeuvres de mettre en perspective un sujet intime et une thèse universelle. La guerre de Corée est pour Roth une représentation du monde à un moment précis. Il se souvient de ce que ses proches ont pu vivre et de cette très forte angoisse, celle d'être appelé à se battre.
S.S: Oui, c'est la grande idée du roman. Ce parallèle divise la péninsule coréenne comme un couteau. Ce pays est scindé, porteur d'une scission qui habite le nom de Marcus avec la référence au couteau. La frontière s'exprime encore dans le passage de Marcus de l'enfance à l'âge adulte.
S.S: En effet, les noms sont fondamentaux chez cet auteur. Dans le cas de Marcus Messner, si son prénom fait référence à l'empereur romain de l'Antiquité, son nom évoque le mot Messer, ou couteau en allemand. De la même manière, le choix des titres des ouvrages sont toujours empreints de références.
S.S: Si en effet comme pour Kundera j'avais à parler d'une image du texte qui m'a profondément marqué, ce serait la scène où Marcus découvre la cicatrice d'Olivia. C'est un moment où le texte bascule. On ressent toute une fragilité qui s'exprime à travers les figures de la mort et du suicide.
S.S: Olivia est l'archétype de la figure de la femme chez Roth. Son personnage est décrit à travers le prisme du regard masculin. Séduisante, insaisissable, courageuse, elle est aussi profondément inquiétante. Elle souligne les aspects du sexe et de la sexualité qui se déploie dans toute l'oeuvre de Roth. Elle est encore comme Marcus une étudiante isolée. Je souligne encore dans mon article qu'elle représente "la fente". "Ses cheveux ont beau être "exquis", c'est leur raie qui rend Marcus "vulnérable". La raie est une ligne de démarcation, une tranchée, une incision artificielle créé à l'aide d'un outil. C'est une blessure faite aux cheveux, élément naturel et organique, comme les blessures infligées à la terre coréenne par les deux armées."
S.S: Je ne pense pas que Philip Roth ait cela en tête. Il me semble que cette oeuvre dépasse le principe politique. Certes, il s'interroge sur son pays mais il s'interroge davantage à ce qu'il fut. Il regarde sa vie et ainsi va le monde..
S.S: Oui, mais pas assez.. Le temps me manque. J'ai très envie de lire le dernier Michel Houellebecq.
S.S: Ce serait en effet amusant à tenter .
S.S: Oui, en effet, je fais des chroniques sur des auteurs américains qui me permettent d'étudier des oeuvres très différentes. Je me suis penché dernièrement sur le dernier texte Bret Easton Ellis qui m'a beaucoup intéressé.
Steven Sampson, MonofictionI. A propos d'Indignation de Philip Roth, La Revue Littéraire n°45.
Steven Sampson, Exit le Fantôme, La Revue Littéraire n°42.
Steven Sampson, Imperium Californium Imperial Bedrooms de Bret Easton Ellis, La Revue Littéraire, n°48.
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