Elle était la grande favorite. Christine Angot est la nouvelle lauréate du prix Décembre pour "Un amour impossible" Flammarion. Elle succède à Elisabeth Roudinesco qui avait reçu le prix en 2014 pour "Sigmund Freud, en son temps et dans le nôtre" (Seuil).
Ils n'étaient plus que trois : Christine Angot, Michaël Ferrier et Judith Perrignon. C'est finalement Christine Angot qui a eu les faveurs du jury du Prix Décembre pour Un amour impossible (Flammarion). Un choix qui n'a pas étonné. Non seulement parce que le dernier opus de Christine Angot est probablement le plus émouvant de son oeuvre. Mais aussi parce que le jury dans sa dernière sélection avait clairement montré que la reine de l'auto-fiction semblait tenir la corde.
L'éditeur annonce de maniète laconique le récit de ce livre, dans lequel Christine Agot n'en finit pas de revenir sur la grande histoire de sa vie, la relation incestueuse avec son père. Mais cette fois-ci, elle utilise un biais et centre l'histoire autour de sa mère : "Châteauroux, fin des années 1950. Pierre séduit Rachel mais refuse de l'épouser. Il accepte cependant d'avoir un enfant avec elle, Christine, qu'elle devra élever seule. A l’adolescence, Pierre reconnaît officiellement sa fille, qui, fascinée par ce qu’il lui fait découvrir, s’éloigne de sa mère. Bien plus tard, Rachel apprend que Pierre viole Christine depuis des années."
Dans ce livre, ce qui rend la thématique de l'inceste encore plus forte, c'est le décentrement. L'amour avec la mère, la souffrance de cette mère. Comme si Christine Angot revenait sur son passé pour convoquer la vie. Pas seulement la sienne , celle des "autres".
Le livre s'ouvre sur la rencontre des parents de Christine, à Châteauroux à la fin des années 50. On comprend tout de suite la confrontation sociale, la relation ontologiquement perdue d'avance, entre une employée à la Sécurité Sociale à Chateauroux, Rachel, et un fils de bourgeois, cultivé, Pierre. Fascination de l'une, utilisation de l'autre. Ce n'est pas un échange. C'est déjà une relation de pouvoir. "J'étais socialement moins bien". C'est ainsi que la mère se définit par rapport à celui qu'elle aime. Et c'est ainsi qu'il l'a séduit. Et ainsi qu'il va prendre pouvoir sur sa fille.
Une petite fille, Christine naîtra de cette non-union. Christine Angot l'auteure décrit la relation fusionnelle qui s'installe entre Rachel, la mère et Christine, la fille, avec une grande précision. On pourrait presque parler d'universalité. Résonance avec toutes les mères confrontées à la monoparentalité, condamnées à cette fusion, entachées par la part de l'absent, étouffées par la dépendance respective de chacun. Du système de la relation" impossible" des parents, apparaît aussi par effet collatéral, cet amour "impossible" entre la mère et la fille. Impossible car trop présent, trop fort. L'impuisssance de la fille à aider sa mère, et celle de la mère à protéger sa fille.
Lorsque le père réapparaît, il fascine cette fille en demande. Elle n'attend que lui, ce héros lointain, pour échapper à sa vie en boîtes. Il la viole aussi. Le déni de la mère face à une situation qu'elle ne comprend pas reflète aussi la perversité de ce père qui sait "monnayer" sa présence par d'autres attributions. La reconnaissance légale tardive du père dans la filiation vient en quelque sorte s'annuler avec son impossibilité de s'assumer comme père. Pourquoi une mère ne voit pas ? Comment accepter son aveuglement? Sa faiblesse? C'est aussi le sujet central du livre : l'inceste est un couple à trois. Il a y a cet autre parent qui s'est effacé, qui s'est tu et qui a laissé faire.
Christine Angot revient sur le chemin du pardon, la lente reconstruction de sa relation avec sa mère, sa compréhension progressive que dans ce système "impossible", la mère était elle aussi une victime. "Tu es quelqu'un de bien, maman. Qu'est-ce que cela change .Cela change tout." Et que dans l'impossible acte, il reste les mots de "ce qui ne peut se dire" parce que c'est impossible à concevoir et de ce qui n'a pu trouver d'autre issue que de "s'écrire". Son "amour impossible" a enfanté lui le monstre enchanté de l'écriture. Et c'est ainsi que Christine Angot est devenue l'écrivaine que l'on sait, qui avec ce dernier livre qui est probablement son texte le plus "incarné" et le plus émouvant. Presque tendre parfois. Les jurés du prix Décembre ont bien fait de choisir "Un amour impossible" à leur tableau d'honneur.
Christine Angot, Un amour impossible, Flammarion
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