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Alfred de Musset ou le romantisme exalté

La carrière littéraire d’Alfred de Musset (1810-1857) se définit comme fulgurante, incandescente, à l’image de la courte vie de l’artiste, brûlée par les deux bouts.  Poète, dramaturge, mais également romancier, Musset a marqué son siècle, avant de sombrer dans l’oubli. On le redécouvre au XXe siècle, et c’est à l’occasion de la sortie prochaine de l’adaptation à l’écran de La Confession d’un enfant du siècle, que nous revenons sur l’œuvre de ce grand poète du « mal du siècle ». 

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Le romantisme selon Musset

« L’enfant terrible » du romantisme écrit des vers dès l’âge de quatorze ans. Elève brillant, poète prodige et prodigue, il abandonne rapidement les différentes études qu’il entreprend pour se consacrer à la littérature. Il est ainsi introduit très jeune au « Cénacle », le salon de Nodier, qu’il fréquente assidument, notamment en compagnie de Vigny. Il publie son premier recueil de poésie Contes d’Espagne et d’Italie alors qu’il est à peine âgé de dix-neuf ans. Il connaît immédiatement un très grand succès. Musset privilégie l’émotion au détriment du vers, il s’agit de ressentir l’émotion, de la partager par le prisme de la littérature. La variété formelle de sa production rend compte de l’adaptation de sa plume à la diversité et l’intensité de l’émotion éprouvée. Après un premier échec au théâtre avec La Nuit vénitienne (1830), il renonce à la scène, et choisit d’écrire des pièces destinées à la lecture, qu’il publie dans la Revue des deux mondes d’abord, puis qu’il réunit en deux volumes, intitulés Spectacle dans un fauteuil, dont le remarquable On ne badine pas avec l’amour. Il sera ainsi un dramaturge très prolixe, et reviendra à la scène avec succès en 1947 avec Un Caprice.

 

La douleur

En 1833 Musset rencontre George Sand, avec qui il entretiendra une relation passionnelle et tumultueuse, source d’une grande inspiration créatrice. De fait, la douleur est au centre de la créativité de l’auteur, et la souffrance vive qu’il ressent pendant sa relation avec Sand et à la suite de leur séparation lui inspirera plusieurs chefs-d’œuvre, notamment Les Nuits, La Lettre à Lamartine ou encore Souvenir. La Confession d’un enfant du siècle naît dans ce contexte en 1836, œuvre entre fiction et autobiographie, elle rend compte de trois ans de la vie du jeune Octave, entre débauche, amour fou et désillusion, et permet à Musset de placer sa vie et ses souffrances au cœur de sa verve lyrique. En effet, si la passion qu’il a éprouvé pour George Sand n’est pas l’unique motivation, la source première de La Confession d’un enfant du siècle, elle est bien le catalyseur de l’écriture de ce texte unique et douloureux. Le titre de l’œuvre ne manque pas de l’inscrire dans une tradition littéraire, on pense bien évidemment aux Confessions de St Augustin, et à celles de Rousseau. Mais, la distorsion du genre apparaît dès le titre, la confession se fait ici au singulier. Elle est bien singulière en effet, pas de révélation, pas d’expiation pour le jeune Octave, qui termine son voyage sans les réponses salvatrices, dans un monde sans Dieu où le désenchantement est le maître mot : « Je suis né trop tard dans un monde trop vieux. », nous dit Octave, porteur de la désillusion essentielle d’une époque. L’impossibilité de l’amour, sa douleur, sont révélées au jeune narrateur par la trahison de sa maîtresse. L’amour fou, qui avait succédé à la vanité de la débauche, laisse place au néant de l’existence. L’espoir d’un nouvel amour est vite avorté, laissant Octave face à la douleur et au doute. L’amour est intrinsèquement lié à la mort dans l’œuvre. L’ombre de celle-ci plane sur le roman, à travers le spectre de la figure paternelle: l’Empereur, père inégalable de la patrie ou père du poète, emporté par une épidémie de choléra en 1832.

 

Le siècle

La Confession d’un enfant du siècle se caractérise en effet par une double aspiration, une tension entre l’individu et son époque. Cet élan caractéristique du XIXe siècle à lier histoire et Histoire est clairement à l’œuvre dans ce roman autobiographique qui s’ouvre sur la narration des troubles politiques du début du XIXe siècle, et notamment la chute de Napoléon, perçue comme une mort, mais également la dégénérescence morale qui suit la Restauration et les Trois Glorieuses. Dans cette société de l’entre-deux, qui s’est effondrée mais pas encore reconstruite, la génération que représente le poète, livrée à l’incertitude et à la nostalgie, est condamnée au désespoir. Le roman s’élève donc en emblème de son époque, en édifiant la peinture du « mal du siècle » identifié par Chateaubriand, expression que le titre de l’œuvre ne manque pas de rappeler. « Mais pareille à la peste asiatique exhalée des vapeurs du Gange, l’affreuse désespérance marchait à grands pas sur la terre. Déjà Chateaubriand, prince de poésie, enveloppant l’horrible idole de son manteau de pèlerin, l’avait placée sur un autel de marbre », les mots de l’auteur témoignent dès l’ouverture du roman, d’une société condamnée par la maladie de son histoire même à la désespérance et au néant, dans un monde où Dieu est absent. 

 

Le drame romantique

Lorenzaccio est certainement l’un des plus remarquables exemples du théâtre romantique. Inspiré de la réalité, le sujet est tiré des Chroniques florentines de Varchi. La pièce retrace l’histoire de Lorenzo, meurtrier du tyran Alexandre de Médicis, mais elle s’attache également à peindre Florence au XVIe siècle. Elle compte ainsi trente-neuf tableaux, qui dépeignent  les rues, les églises ou encore les sites célèbres de la ville, traversée par une multitude de personnages. Musset livre un véritable drame moral à travers le personnage de Lorenzo, qui en se lançant dans sa mission en connaît déjà l’issue, mais choisit quand même de passer à l’acte. La vacuité de l’acte individuel contre le pouvoir politique corrompu est mise en avant dans l’œuvre, qui laisse le lecteur/spectateur face à un monde dépourvu de morale et de valeurs efficaces. Lorenzo accomplit sa mission sans atteindre son but réel,  il se perd en tant qu’individu en sombrant dans la débauche, « Le vice a été un vêtement, il est maintenant collé à ma peau. » nous dit-il, il finit par choisir la mort au désespoir d’un idéal inatteignable. Lorenzo demeure aujourd’hui un des héros les plus marquants du théâtre français. Sa déchéance ne manque pas d’évoquer la descente aux enfers que connaîtra l’auteur, l’écriture se faisant le lieu du drame de l’artiste, dont la peinture empreinte d’angoisse nous saisit. 

En savoir plus

Alfred de Musset, La Confession d'un enfant du siècle, Folio classiques

Alfred de Musset, Lorenzaccio, Folio plus classiques

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