Bella storia

«Come prima» : l'amour à l'italienne par Sophie Simon

Au coeur des splendeurs de Rome et de la dolce vita italienne, la plume drôle et acérée de Sophie Simon dessine dans Come prima (Editions Anne Carrière), un roman psychologique, qui entre drame et ironie tendre, prend parfois l'allure réjouissante d'une comédie à l'italienne. 

Portrait de Sophie Simon. DR Editions Anne Carrière Portrait de Sophie Simon. DR Editions Anne Carrière

Un an après Deux coeurs légers, qui traitait entre autres de la question raciale et identitaire, Sophie Simon est déjà de retour. Son nouveau roman Come Prima, qui fait partie de la première sélection du Prix de la Closerie des Lilas, témoigne à nouveau de son talent à mêler profondeur et légèreté. Comme dans le précédent, on y retrouve une réflexion sur l'emprise des peurs et des doutes dans les choix de vie et combats intérieurs.

Chronique d'un amour annoncé

C'est le thème de la passion amoureuse que Sophie Simon choisit cette fois d'investiguer. Nous sommes à Rome, où Celso, critique littéraire grisonnant, vit une existence confortable  auprès de son épouse Antonia, qui l'a consolé trente ans auparavant de sa grande et malheureuse passion pour Elena, avec qui il vécut une relation intense et chaotique pendant deux ans. Mais voici qu'Elena refait surface et veut revoir Celso, après toutes ces années... En attendant leur rencontre qui doit avoir lieu quelques jours plus tard, c'est l'occasion pour notre écrivain de réfléchir sur cette histoire qui fut son grand amour, et sur les raisons de son échec.

Une réflexion humaniste sous forme de confession

Au carrefour de la tragédie, de la psychanalyse et de la comédie, Come Prima est une confession, celle d'un anti-héros, un peu couard, un peu égoïste, plutôt malmené par la vie, qui connaît les affres du désir et de l'amour. Un anti-héros certes, mais dont la lucidité à la fois tendre et cynique le rend drôle et touchant. Ses doutes et ses névroses sont un peu les nôtres, et finalement, c'est un Monsieur Tout le Monde qui a le courage de se mettre à nu, avec lequel on revisite l'éternel dualisme entre désir et amour et la question de la vraie nature du bonheur.

La passion dans tous ses états

Et sous la plume légère et intransigeante de l'écrivain, qu'on ne sait plus trop être Celso ou Sophie Simon, la passion amoureuse est analysée dans ses moindres détails, disséquée même, chaque mécanisme, chaque geste, émotion ou pensée est passé au crible et étudié au miscroscope, sans que le narrateur ne se départe jamais de cette distanciation ironique qui rend la plongée dans cette introspection particulièrement savoureuse.

Un talent certain  pour le récit

Sophie Simon a le sens de la narration, fluide et rythmée, et maîtrise l'art de la formule concise, celle qui dit beaucoup en peu de mots. Comédienne par le passé, elle sait rendre son écriture visuelle. A l'analyse très fine des sentiments, s'ajoutent des décors bien plantés, des scènes vivantes, des personnages croqués par des détails qui nous les rendent intimes. Le tout, visible presque à l'oeil nu, se lit comme du petit lait et témoigne d'un indéniable talent de conteuse. 

Clins d'oeil à l'Histoire et au cinéma

Entre auto-analyse et rétrospection, Come Prima offre également une petite incursion dans l'époque troublée de l'Italie des années 80. Là encore, l'auteur saisit l'essentiel d'une époque en quelques éléments : des graffitis révolutionnaires sur une voiture, ou le mythique bar du Petitrosso, refuge de la jeunesse anarchiste... Enfin, au travers de quelques références savamment distillées dans l'écriture, l'ancienne actrice rend un subtil hommage à quelques grands noms de la littérature et du cinéma italien.

Come Prima, c'est donc une passion à l'italienne, entre humour et tragédie humaine, servie par une plume caustique et élégante... Un délicieux cocktail qui en fait une lecture des plus agréables, aux couleurs de la dolce vita romaine. On imaginerait volontiers le film qui pourrait être adapté de ce récit doux-amer aux effluves transalpines.

Extraits

"Plus que jamais, j'allais devoir me contraindre, j'allais devoir paraître maître de moi alors que je pressentais déjà les ondes d'un immense fracas. Mais renoncer à Elena n'était hélas plus envisageable. Plutôt que de vivre rongé par le regret, je choisis, pour la première fois, d'affronter ma peur." (...)

"Je regardais les ruines, au-delà de mes fenêtres. Elles m'accablèrent plus que jamais. Je finirais ma vie seul, à manger des conserves froides face à des vestiges de grandeurs et d'amours éteintes."

>Come Prima de Sophie Simon, éditions Anne Carrière, 192 pages, 18 euros

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