Ecrire l'histoire aujourd'hui?

Belle initiative qu' Histoire de Lire qui se tient depuis trois ans à Versailles. Née de la rencontre du maire de la ville François de Mazières et du directeur du Figaro Littéraire Etienne de Montety, cette manifestation souhaite donner à l'histoire une plus grande visibilité. Les présences d'historiens spécialistes et reconnus ne manqueront pas de créer le dialogue avec des auteurs plus confidentiels et des genres différents.

Des genres différents

Histoire de Lire cherche avant tout à proposer un vaste champ d'écrits dans des genres allant de la biographie à l'essai historique en passant par le roman historique et la bande dessinée.  Pendant deux jours, des historiens rencontreront des auteurs d'histoire ou des journalistes passionnés par la discipline. Ainsi, Jean Favier, Hélène Carrère d'Encausse ou Emmanuel Le Roy Ladurie dialogueront avec François d'Aubert ou Jean Louis Debré mais aussi avec des journalistes tels que le médiatique et controversé Eric Zemmour.

Des débats et des rencontres [image: 2,m,d]

De plumes en confidences en plumes croisées, Histoire de Lire se conjugue sous le signe du dialogue. Samedi, on parlera d'origines avec Jean d'Ormesson qui conversera avec Etienne de Montety et de la Russie avec Hélène Carrère d'Encausse qui s'interrogera sur les changements de ce pays. Un peu plus tard dans la journée, notons une rencontre qui risque d'être passionnante sur le sujet des femmes d'influence sous Louis XV avec la participation d'Anne Muratori-Philip, de Maurice Hamon et de Chantal Thomas qui vient de signer le passionnant Testament d'Olympe au Seuil nous plongeant au coeur du XVIIIème siècle. Enfin, on se réjouit encore samedi d'entendre François Pernot, Michel Cassan et Philippe Delorme nous parler d'Henri IV.

Dimanche, le général de Gaulle sera à l'honneur avec la présence de Jean Louis Debré, de Frédérique Neau-Dufour et d'Yves Guéna. Il sera aussi question du climat autour du livre d'Emmanuel Le Roy Ladurie en conversation avec Emmanuel Garnier. Puis, ce sera au tour d'Eric Zemmour de nous parler d'histoire. Dans son dernier ouvrage Mélancolie Française, il s'attaquait au roman historique national et donnait à son texte davantage le sentiment d'être un essai politique qu'un livre d'histoire avec une disgression provocatrice sur le principe de l'immigration.

La littérature jeunesse à l'honneur

La littérature jeunesse sera encore particulièrement célébrée cette année avec un espace beaucoup plus grand. Les juniors et adolescents découvriront les ouvrages grâce à une large bibliothèque créée pour l'événement. Mais surtout, ils pourront dialoguer avec les auteurs grâce à des rencontres avec Jean-Michel Billioud Isabelle Glénat, Vivianne Koenig, Christian Goux, Jean-Michel Touche, Annie Pietri ou Anne-Sophie Silvestre.

Enfin, samedi sera organisée une lecture scénique en costumes de Martin, apprenti de Gutemberg de Sophie Humann et dimanche nos jeunes têtes blondes et brunes pourront participer à une animation par l'impératrice Plum en personne afin de découvrir l'évolution de la robe de princesse à travers les temps.

De nouveaux rapports à l'histoire

Enfin, ce salon intervient à un moment clé où la question de l'histoire est au coeur de différentes réflexions.Vivrait-on une période de regain d'intérêt pour l'histoire? Pensez au succès vertigineux de Métronome, le guide historique du comédien Lorant Deutsch qui raconte l'histoire de France au rythme du métro parisien. Ce phénomène de librairie montre à quel point l'histoire peut passionner lorsqu'elle est racontée avec légéreté et sens de l'humour. L'auteur, passionné de romans historiques nous déplie la carte de Paris en alliant fantaisie et érudition. Voyez encore l' importante audience de l'émission de Patrice Gélinet, 2000 ans d'histoire qui est à la fois la plus écoutée sur sa tranche horaire et la plus podcastée de France. Un format idéal pour notre époque: courte, l'émission ne dure qu'une demi heure cinq jours sur sept et s'intéresse à des sujets d' histoire politique, sociale ou culturelle traités avec des spécialistes, des témoins et l'aide d'archives sonores.   Pour l'historien Fabrice d'Almeida, l'histoire "c'est une pluralité de voix: différents prismes, points de vue, événements. Au fond il y a des pluriels à réintroduire dans la singularité du passé." Cet écrivain et historien présente depuis peu un magazine sur France 5 intitulée C'est notre histoire où les téléspectateurs sont sollicités pour proposer des documents et apporter des témoignages. Concept novateur, cette émission permet à l'histoire de devenir interactive. Pour Almeida, "la lecture de l'histoire aujourd'hui est moins monolithique que par le passé". A travers des émissions comme celles présentées sur France 5, le dialogue avec le téléspectateur est source de nouveaux regards. C'est encore Almeida qui signait avec Anthony Rowley  l'année dernière un livre tout à fait étonnant et original intitulé Et si on refaisait l'histoire? Dans cet ouvrage, les deux auteurs revenaient sur une notion née au XIXème siècle appelée uchronie. A travers différents événements de l'histoire, les deux historiens regardent le passé en imaginant que les événements se soient passés autrement. Il s'agit alors de réécrire l'histoire en fonction d'un scénario alternatif ou de romancer la réécriture imaginaire des temps révolus.

Mais jusqu'à quel point le raisonnement uchronique peut-il être conduit? Trouver un équilibre dans ce jeu entre ce qui est connu et ce qui pourrait être n'est pas aisé mais peut en revanche faire ressortir davantage les caractères du passé à condition d'être bien mené.

Alors refaire du passé un temps où tout était possible serait un moyen de redynamiser la discipline de l'histoire? Encore faut-il que la tâche soit menée par des spécialistes curieux et créatifs mais aussi respectueux des sources. En tout état de cause, les choses se bousculent autour de l'histoire qui est avant tout matière vivante en perpétuelle évolution.