«Le Livre de la jungle », le retour aux sources de Rudyard Kipling ?

Le Livre de la jungle apparaît au public pour la première fois en 1894, sous la forme d’un recueil de nouvelles paru en deux volumes. Les plus connues d’entre elles sont celles qui mettent en scène le jeune Mowgli, un humain qui a été élevé par les loups de la jungle. La jungle indienne, c’est le décor qui va servir à chaque nouvelle de l’écrivain britannique. Dans un ordre qui n’est pas toujours chronologique, on y découvre la vie du « petit d’homme », son éducation, sa vie sociale dans un monde d’animaux, et les lois auxquelles ils sont tous soumis, hommes aussi bien que bêtes. 

Miroir de la société de l’époque

D’ailleurs, certains ont interprété le livre comme une allégorie de la politique et de la société de l’époque. Le texte a été accusé de racisme, par son ton caractéristique des mentalités colonisatrices de son temps. Rudyard Kipling est lui-même né à Bombay, dans l’Inde britannique, en 1865. Nombreux sont ceux qui le considèrent comme un « prophète de l’impérialisme britannique », pour reprendre l’expression de George Orwell. Si son oeuvre controversée traduit de manière incomparable la manière dont l’empire était vécu, Kipling reste cependant l’un des auteurs britannique les plus populaires. Il est même le premier écrivain de langue anglaise à recevoir le prix Nobel de littérature en 1907, et le plus jeune, puisqu’il n’a que 42 ans à l’époque. 

Une histoire de morale

Son conte fabulateur a plus d’un côté moralisateur et donneur de leçons. La façon dont les histoires utilisent les animaux de façon anthropomorphe afin de délivrer une morale rappelle d’ailleurs énormément les fables de La Fontaine. C’est bien pour cela que Le Livre de la jungle peut souvent être retrouvé dans le scoutisme, où il peut constituer, d’une certaine façon, une sorte de guide pour les plus jeunes. Robert Baden-Powell, fondateur du scoutisme, y distinguait d’ailleurs trois classes d’âge, dont ceux de la plus jeune étaient surnommés les « louveteaux ». Kipling lui-même a donné son autorisation pour que le « jeu du memory » qui apparaît dans son roman Kim, puisse être utilisé par les scouts aux États-Unis. 

Écologiste avant l’heure

Aujourd’hui, Le Livre de la jungle résonnerait-il de façon nouvelle ? Le lirait-on autrement vis à vis des sujets de civilisation et d’écologie qui nous interpellent à présent ? Alors que jusqu’aux années 1980 nous avons vécu en polluant n’importe comment, en exterminant des races animales, la relecture de l’oeuvre de Kipling serait alors peut-être un retour aux sources. Il pourrait apparaître aujourd’hui comme une véritable réflexion sur la relation qu’entretient l’homme avec la nature, et sur le rôle de la civilisation dans celle-ci. Des préoccupations qui peuvent rappeler le film Princesse Mononoké, du célèbre réalisateur Hayao Miyazaki, qui s’est inspiré de Rudyard Kipling. La princesse, élevée par des loups, y lutte pour préserver la nature, maintenir l’harmonie de l’homme et de la foret, et éviter que la civilisation ne la détruise, et tous les animaux avec. Finalement, après des années d’indifférence, voilà que nous nous rendons compte de la sagesse de ceux qui ont célébré ce lien avec lanature, que ce soit les Indiens d’Amérique ou les chamans. Le Livre de la jungle sonne donc d’autant plus juste aujourd’hui. 

Un classique, source d’inspiration éternelle

Rudyard Kipling n’a pas inspiré que le réalisateur japonais. Outre les détournements par des entreprises de bande dessinées comme Marvel ou DC Comics, le livre a fait l’objet de nombreuses adaptations cinématographiques. La plus connue d’entre elles reste évidemment celle de Walt Disney en 1967, dans laquelle l’ours Baloo chante à tue-tête « Il en faut peu pour être heureux ». Si le film a peu à voir avec le livre dont il s’inspire, la nouvelle version, qui sort en avril 2016 toujours chez Disney, devrait en être plus proche. Mais finalement, n’est-ce pas la caractéristique d’un grand classique que d’être sans cesse réinventé, approché de façon nouvelle ? Le Livre de la jungle réunit toutes ses particularités, qui font qu’il perdurera et restera toujours emblématique.