La mondialisation a encore frappé. Avec le développement des multi-éditions quasi simultanées, les traductions sont légion. Mots bâclés, formules approximatives… peu importe le résultat semblent penser certains éditeurs, pourvu qu’on ait le texte et vite. Il est loin le temps où les traductions étaient confiées à de grands écrivains qui devenaient les passeurs de leurs maîtres. L’objectif de la langue correcte semble aujourd’hui composer un minimum, auquel il est d’ores et déjà difficile de prétendre.
En revanche par delà la justesse du sens, la question de la beauté de la langue, le respect de sa musique, l’idée de sa couleur sont des notions nécessitant de délicats arbitrages. Une bonne traduction doit-elle avant tout suivre « servilement » le texte ? Ou doit-elle chercher aussi à reproduire l’esprit et l’élégance de celui-ci en le transposant dans la nouvelle langue ? Aurait-on oublié que le traducteur est aussi un interprète, comme un musicien, et qu’il projette inévitablement sa « représentation » de celui-ci ?
Au coeur de la controverse, la traduction récente du roman de John Fitzgerald Kennedy : The Great Gatsby . Julie Wolkenstein a voulu faire « moderne », marquer son passage et prendre ses distances avec l’œuvre telle que nous la connaissons. Le résultat en est … déconcertant. Rien que le titre se retrouve réduit à sa plus simple expression : Gatsby ( POL). Cette volonté d’assécher le texte, de lui donner du mordant ne sied pas à la langueur fitzgeraldienne. On dirait une mise en scène de Théâtre alternatif qui ferait jouer Tchekov en maillot de bain dans un décor de blockaus . Même si, incontestablement, le texte est interrogé, la vision du traducteur-metteur en scène nous livre un angle, revisite le texte... En cela Julie Wolkenstein a effectué un travail personnel et intéressant.
Le débat reste ouvert : un traducteur peut-il trahir pour mieux écrire le texte ? Ou doit-il respecter l’exégèse littérale quitte à composer un texte inélégant ? « That is the question »...
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