L'écrivain Gilles Leroy,auteur d'Alabama Song, Prix Goncourt 2007 et du récent Zola Jackson est un grand lecteur de Jean Genet. Il a eu la gentillesse de répondre à nos questions. Parmi ses différents textes, il est encore l'auteur d'une pièce de théâtre, Ange Soleil inspirée par l'univers de Notre Dame des Fleurs. Regards d'un écrivain en lecteur érudit n'hésitant pas à dire que Pompes Funèbres annonce Hiroshima mon amour.
Gilles Leroy: C’est une professeure de français qui, parmi une liste de trente lectures, nous recommandait Journal du voleur. Les trois qualités par lesquelles elle présenta cet auteur mystérieux, « enfant de l’Assistance, voleur et homosexuel », ont immédiatement capté mon attention et aiguillonné mon imaginaire : j’avais treize ans, j’étais précoce en tout.
G.L: Oui, je crois que c’est une grande histoire qui nous est racontée là, parce que l’amour prend le visage de l’ennemi. Riton, le jeune milicien paumé, tombant amoureux d’Erik, le soldat allemand jouisseur, c’est une transgression redoublée – l’homosexualité aggravée par la trahison.
La scène dans laquelle Riton s’essaie, terrorisé, à caresser le soldat qui feint de dormir, est l’une des scènes érotiques les plus bouleversantes du roman français. Je le dis sans hésiter. Pompes funèbres annonce Hiroshima mon amour.
G.L: Oui, tout peut être perpétuellement retourné… et trahi, justement. J’ai été frappé en lisant les témoignages d’anciens « colons » qui avaient été enfermés à Mettray à la même époque que Jean Genet. Ils s’étonnaient que, dans ses romans, leur ancien compagnon de bagne décrive comme salauds les plus gentils des gardiens, et comme gentils les plus salauds des matons. C’est le système Genet.
Pour ce qui est des questions de genre, d’hybridité, je vous renvoie à l’essai passionnant d’Agnès Vannouvong, Jean Genet ou les revers du genre.
G.L:Oh ! Je me garderai bien de la qualifier. Baroque, sans doute, parfois, mais à l’intérieur de structures narratives complexes et très modernes, proches du Nouveau roman que Genet préfigurait.
G.L: Oui, c’est au départ un texte inspiré par Notre-Dame-des-Fleurs. Le metteur en scène Alfredo Arias m’avait demandé d’adapter au théâtre ce roman qui est mon préféré de Genet. J’ai vite renoncé, précisément par respect pour la beauté de la langue de Genet. Et puis mon propre univers prenait le dessus, lequel univers ne coïncide pas totalement avec celui de Genet. Dans cette pièce originale, Ange Soleil, certains pourraient voir autant un hommage à Fassbinder ou Pasolini qu’à Genet.
G.L: Je vais dire quelque chose qui ne se dit pas et m’attirera encore quelques volées de bois vert : je trouve le théâtre de Genet bien inférieur à ses romans. Moins nécessaire. Plus politique, sans doute, au sens militant du terme. Mais moins essentiel que les romans. Son théâtre aura eu au moins le mérite de lui apporter succès et argent.
G.L: Ses engagements sont sentimentaux autant que subversifs. Il tombe amoureux fou d’un des leaders des Black Panthers. Et le dernier roman, en Palestine, s’intitule Un captif amoureux.
G.L: Un rire jaune, peut-être, un sarcasme à la façon des « Divinariane » dans Notre-Dame-des-Fleurs. Mais honnêtement, je ne trouve pas que l’humour soit une qualité évidente chez Genet.
G.L: C’est un très grand texte, où se confirment l’infinie curiosité esthétique et humaine de Genet, son talent à saisir les êtres comme les œuvres, son désir d’entrer en fusion avec ce(ux) qu’il admire.
G.L: Je n’ai pas encore lu les inédits que Gallimard publie ces jours-ci. Je crois qu’il est toujours préférable d’entrer dans les œuvres par le début. S’agissant de Genet, par les romans des années quarante, donc. Mais il y a aussi, pour s’en faire une idée, un court texte magnifique, Le Funambule, qui vient d’être réédité. Genet y évoque le destin tragique de celui qui fut son plus grand amour, le jeune acrobate Abdallah.
Jean Genet, Le Funambule,Gallimard.
Jean Genet, Pompes Funèbres, Gallimard, L'Imaginaire.
Jean Genet, L'Atelier d'Alberto Giacometti
Gilles Leroy, Ange Soleil.
Gilles Leroy, Alabama Song, Mercure de France.
Gilles Leroy, Zola Jackson, Mercure de France.
Marguerite Duras, Hiroshima mon amour, Folio.
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